La chute de Kobané

Kobané en flammes
(Photo AFP)

La chute prochaine de Kobané, ville kurde à la frontière entre la Syrie et la Turquie que Daech est en passe de conquérir, traduit deux grands problèmes: le premier est que les frappes aériennes ne suffisent pas à repousser un ennemi armé et puissant ; le second indique l’ampleur de la déstabilisation provoquée au Proche-Orient par l’État islamique (Daech).

LA BATAILLE de Kobané a déjà fait 400 morts chez les Kurdes, dont l’irrédentisme, pourtant, a donné beaucoup de fil à retordre à l’armée turque par le passé. La conquête de la ville par Daech serait purement symbolique. Les islamistes n’oseront sans doute pas pénétrer en Turquie où ils seraient accueillis par une puissance de feu qui les dévasterait. C’est justement ce que les Kurdes de Turquie, qui ont manifesté massivement, exigent d’Ankara. Le gouvernement turc est très partagé : il a réclamé hier une intervention au sol, celle-là même qu’il ne veut pas commencer seul, parce qu’il craint les menaces de Daech. Mais, s’il l’avait voulu, les chars turcs auraient chassé les combattants de l’EI. Il est pris dans un piège. Les manifestations de Diyarbakir, considérée comme la « capitale  » des Kurdes de Turquie, ont été réprimées, ce qui a entraîné la mort de 14 personnes.

La Turquie piégée.

Du coup, les relations entre Turcs et Kurdes, qui s’étaient détendues pendant deux ans, se sont de nouveau détériorées. Toujours en prison, le chef du PKK (Kurdes de Turquie), Abdullah Ocalan, qui négocie avec Ankara l’autonomie d’un Kurdistan turc, donne au gouvernement jusqu’au 15 octobre pour relancer les pourparlers. Toutes les avancées qui ont permis l’apaisement des rapports entre la Turquie et sa minorité kurde sont remises en question. Recep Tayyip Erdogan, récemment élu président de la Turquie, doit réviser sa politique. Il n’a cessé de soutenir les mouvements fondamentalistes musulmans, dont le Hamas à Gaza, jusqu’à ce qu’il se soit aperçu que les mêmes n’étaient pas ses alliés, bien que, comme lui, ils combattent le dictateur syrien Bachar Al-Assad. Sa récente mansuétude pour les Kurdes ne va pas cependant jusqu’à sacrifier des soldats turcs sur le champ de bataille. Son armée, en position à quelques centaines de mètres de Kobané, assiste sans bouger un cil à la prise de la ville par les combattants de Daech. Il préfère répartir les risques en demandant l’aide de la coalition pour une bataille au sol.

Le dilemme d’Obama.

Ce qui renvoie Américains et Européens à une certitude qu’ils se sont gardés d’évoquer jusqu’à présent : les frappes aériennes ne suffisent pas. Il faut aller chercher les djihadistes et les détruire sur le terrain. Il n’est pas question que la France, déjà engagée sur plusieurs fronts, envoie un corps expéditionnaire. Anglais et Allemands seront, à ce sujet, particulièrement prudents. Ce qui laisse Barack Obama avec des options qui ne lui conviennent guère. Il a tout fait pour extirper son armée de l’Irak, voilà maintenant qu’elle doit y retourner  pour chasser un envahisseur particulièrement malfaisant.  Or il y a des élections de mi-mandat au début de novembre aux États-Unis et, déjà, le parti démocrate, celui du président, est censé perdre la majorité à la chambre des représentants. L’opposition républicaine qui, de toute façon, critique M. Obama quoi qu’il fasse, lui reprochera de ne pas engager l’Amérique en Irak s’il ne le fait pas et de l’avoir engagée s’il le fait.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La chute de Kobané

  1. A3ro dit :

    D’un autre coté, Kobané est en Syrie, ou seul les américains frappent, et ou ils ne peuvent pas non plus rester longtemps à cause de la défense aérienne syrienne.

    En Irak, les avions peuvent orbiter au dessus de la zone plus longtemps et faire du Close Air Support avec un vrai guidage et plus de précision : là, l’appui aérien devient nettement plus intéressant.

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