CETTE SOMME d’informations résulte des listings livrés par un informaticien, Hervé Falciani, qui fut embauché par HSBC en 2006 et qui, depuis, a décidé de révéler le scandale. Ce que « Le Monde » apprend à ses lecteurs, c’est donc l’ampleur de l’affaire, l’attitude délibérément illégale de la banque, et beaucoup de noms de personnages plus ou moins célèbres compromis dans la pratique du compte non déclaré en Suisse. Les hommes ou femmes impliquées appartiennent à diverses catégories professionnelles, les sommes concernées sont plus ou moins élevées, les montants payés au fisc pour la régularisation, quand elle a eu lieu, sont très substantiels. Comme il l’a fait très souvent, le journal de référence se livre avec délices à la pratique du scoop, en lui donnant une dimension qui se mesure en nombre de caractères.
Les autres paient pour eux.
On sait ce qu’il en est de ce genre de révélations : leur multiplicité finit par affaiblir l’indignation du bon peuple qui ne rêve pas un instant de placer de l’argent en Suisse ou même d’en avoir assez pour le soustraire aux impôts. Il se demande aussi pourquoi, avec tout ce qui a été dit au sujet des comptes à l’étranger, il en existe encore de si nombreux. Il devine qu’on lui ressert le même plat réchauffé et que ce qui est une séquelle est présenté comme quelque chose de tout à fait nouveau.
Il n’est pas question de traiter ce genre d’affaires par l’indulgence, l’indifférence, ou par un mépris qui éviterait de mesurer la gravité des faits. On commence à penser que l’évasion fiscale ne serait pas aussi répandue si le fisc était plus raisonnable avec l’épargne. Puis, on se dit que, en échappant aux impôts, ces personnes fortunées, contribuent à une augmentation, parfois écrasante, de la pression fiscale. Si les recettes de l’État n’étaient pas diminuées par la fraude, le déficit et la dette seraient faibles ou inexistants.
L’enfer de la malhonnêteté.
Il demeure que « Le Monde » a publié des noms qui ne sont pas significatifs et auxquels il a accordé une publicité excessive. Un humoriste célèbre est épinglé par le quotidien, alors que son compte ne contenait « que » 80 000 euros et qu’il a déjà réglé sa situation. D’autres noms sont publiés mais aussitôt oubliés parce qu’ils ne correspondent à rien que le grand public connaisse. Les médias ont donc claironné des patronymes qui avaient un sens pour les auditeurs ou téléspectateurs mais qui, pris isolément, couvraient d’opprobre les personnages concernés. La lecture du dossier de l’ignominie financière est peut-être édifiante mais au prix d’un ennui croissant qui va jusqu’au désintérêt. Rien de plus barbant que ces labyrinthes inventés par les banques pour dissimuler de l’argent. Rien de moins instructif que ces méandres procéduriers et géographiques où l’on se perd avant même d’avoir compris à quoi ils servent et pourquoi c’est si compliqué de cacher de l’argent. Bref, on en vient vite à l’idée que les gens adorent s’empoisonner la vie et que ne pas payer les impôts, sport très répandu, c’est aussi se créer beaucoup d’angoisses inutiles à côté desquelles la légalité fiscale prend soudain l’apparence du paradis, par opposition à l’enfer de la malhonnêteté.
RICHARD LISCIA
Merci pour cet article où « le Monde », maître à penser, est critiqué pour une banale manipulation éditoriale très mode et fort people en vaticinant sur les fraudes qui devrait être combattues vraiment et qui n’intéressent que peu le citoyen lambda.