Sivens : le dernier mot ?

Sur le pied de guerre (Photo AFP)

Sur le pied de guerre
(Photo AFP)

Le conseil général du Tarn, présidé par le socialiste Thierry Carcenac, a décidé ce matin d’adopter pour Sivens un projet de barrage réduit. Depuis dix-huit mois, militants écologistes opposés au barrage et agriculteurs qui le réclament, s’affrontent sur le site, ce qui a entraîné violences, saccages, affrontements avec les forces de l’ordre et le décès d’un jeune homme, Rémi Fraisse, il y a quelques mois.

LE PROJET avait pourtant reçu l’aval de toutes les autorités concernées et franchi tous les obstacles juridiques. Le gouvernement, apparemment plutôt favorable au « grand » barrage, a choisi d’avancer plus prudemment dans cette affaire après la mort de Rémi Fraisse. Sa recherche d’un compromis s’est heurtée aux jusqu’aux boutistes que l’on retrouve dans les deux camps, avec peut-être un surcroît de violence du côté des personnes, pour la plupart étrangères à la région, qui militent pour que rien ne soit fait, même si les agriculteurs ont besoin d’une retenue d’eau.

Le risque de mécontenter tout le monde.

En adoptant un compromis, le conseil général du Tarn risquait de mécontenter tout le monde. C’est pourquoi il a assorti sa décision d’une sorte d’ultimatum relatif à l’évacuation des lieux, annoncée hier par le Premier ministre Manuel Valls. L’affaire peut influencer les élections départementales des 22 et 29 mars et porter un préjudice électoral au PS, bien implanté dans la région. M. Carcenac explique qu’il n’avait pas d’autre choix que « re-dimensionner » le projet, ce qui, d’ailleurs, ouvre la voie à diverses alternatives, par exemple un série de très petits barrages ou la simple création d’une retenue d’eau. Les heures qui viennent seront en tout cas cruciales, car le gouvernement a fait en sorte de renvoyer chez eux les militants écologistes, ou « zadistes »,  et les agriculteurs qui, écoeurés par la violence des premiers, avaient décidé de protéger leurs intérêts par la force. L’évacuation a eu lieu dans la foulée de la décision du conseil général du Tarn. Elle a donné lieu à des interpellations, mais à aucun acte de violence, ce qu’il faut mettre au crédit des forces de l’ordre et du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Le problème posé par cet épisode pendant lequel tous les excès ont été commis concerne le fonctionnement de la démocratie. L’attitude des zadistes indique principalement que la règle de la majorité n’a aucune valeur à leurs yeux : ils considèrent que les institutions jouent contre la vérité écologique, à savoir que le barrage serait un désastre environnemental, et que la décision de le construire résulte de multiples complicités entre les différents acteurs politiques, élus à Paris ou élus locaux. En conséquence, ils estiment n’avoir pas d’autre moyen de lutter contre ce qu’ils perçoivent comme une hérésie. Cependant, à les entendre, il faudrait faire régner la volonté de la minorité qu’ils représentent, ce qui modifie de fond en comble le modèle institutionnel français.

Hégémonie de la minorité.

Je ne sais pas si c’est un barrage qu’il faut, ou pas de barrage, ou autre chose, mais je constate que les précédents de Sivens sont innombrables et ont presque tous posé la question de savoir si une minorité doit avoir le dernier mot parce que sa détermination est plus grande et parce que la violence à laquelle elle a recours engendre des dommages matériels et humains qui finissent par faire reculer le gouvernement. On ne doute pas que le Premier ministre campera sur ses positions, comme il l’a déjà fait à propos de divers dossiers. On se convainc que le compromis, même s’il n’a pas de fondement légal et n’a été adopté, en définitive, que pour satisfaire les revendications tonitruantes d’une poignée d’écologistes radicaux, aidera Manuel Valls à maintenir l’ordre, ce qui est urgent à partir d’aujourd’hui. Mais la vraie question est beaucoup plus vaste que celle de Sivens. Elle concerne nos perspectives de croissance : au moment où il faut, au moyen de tous les leviers dont nous disposons, encourager un développement économique renaissant, les arguties juridiques, la diffusion, par la violence, d’idées qui prônent la croissance zéro, les retards apportés par des polémiques incessantes aux projets susceptibles de créer des emplois, éloignent le moment où la machine économique repartira.

RICHARD LISCIA

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