La chute de l’euro

Draghi a-t-il raison ? (Photo AFP)

Draghi a-t-il raison ?
(Photo AFP)

À peu près tout le monde se réjouit de la baisse de l’euro, qui a perdu plus de quinze pour cent en quelques mois par rapport au dollar, de telle sorte qu’un euro ne vaut plus qu’un dollar. On s’en félicite parce que le phénomène favorise les exportations de la zone euro, donc de la France. On peut pourtant se demander si cette baisse ne va pas se poursuivre, ce qui renchérit nos importations.

L’EURO a commencé à baisser quand il est devenu évident que la croissance des États-Unis était de loin supérieure à celle de l’Europe et que des capitaux sont retournés au dollar. L’ancien ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg, ne cessait de se plaindre de la faiblesse du dollar quand l’Amérique, pour accroître ses ventes à l’étranger, pratiquait une politique fondée sur la dévaluation objective de leur monnaie. L’expérience a démontré que la valeur d’une devise dépend étroitement de l’état de l’économie d’un pays et de l’action de sa banque centrale. Au moment où les États-Unis songent à mettre un terme au quantitative easing, forme de crédit qui revient à faire marcher la planche à billets, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a décidé d’appliquer un programme identique dans la zone euro. Il va déverser plus de 1000 milliards d’euros en dix-huit mois sous forme de crédit aux banques, ce qui accentue une baisse des taux d’intérêt déjà bas et permet aux entreprises d’emprunter à très bon marché.

Euro trop bas, importations trop chères.

Il l’a fait au moment où l’euro avait considérablement baissé, de sorte que l’on peut imaginer que l’euro risque de continuer à baisser. Jusqu’où ? François Hollande a déclaré cette semaine que la parité euro-dollar, qui est actuellement de 1,05 dollar pour un euro, est la bonne. Mais il est déjà arrivé que la valeur de l’euro fût inférieure à celle d’un dollar, par exemple en 2003, année où il valait 0,80 dollar. Une chute de cette ampleur poserait de nouveaux problèmes. Dès maintenant, le bénéfice de la baisse du prix de l’énergie importée a diminué de moitié. Le prix de l’essence et du fuel a augmenté par rapport à la courte période pendant laquelle la conjonction d’un euro fort et de la baisse du prix de l’énergie offrait des pleins à bas coût. D’une façon générale, si l’euro continue à baisser, l’effet sur notre commerce extérieur, déjà largement déficitaire, sera négatif. Le mot d’ordre gouvernemental porte sur les exportations et la nécessité pour l’industrie française de gagner des parts de marché. L’effet de nouveaux contrats à l’exportation serait annulé par une chute excessive de l’euro.

Les Allemands n’ont pas toujours tort.

Dans ces conditions, Mario Draghi a-t-il bien fait de procéder à son opération exceptionnelle ? Comme d’habitude, les Allemands y étaient très hostiles. Ils ont fait remarquer que, même avec un euro fort, ils dégageaient chaque année un énorme excédent commercial, plus élevé que celui de la Chine. C’est effectivement ce qui se passe quand on dispose d’une industrie qui produit des objets ou des machines très performants qui se vendent à tout coup même s’ils sont chers. En fait, le seul moyen d’avoir un commerce extérieur équilibré ou excédentaire, c’est de vendre des produits innovants, indispensables, d’excellente qualité. La manipulation de la monnaie est un instrument artificiel qui ne rend pas compte de l’état réel d’une industrie nationale.

M. Draghi a moins procédé au quantitative easing pour favoriser les exportations de la zone euro que pour maintenir les taux d’intérêt au niveau le plus bas possible, avec l’espoir que les banques offriront des capitaux aux entreprises à un taux imbattable. Sa démarche, si j’ose dire, part d’un bon sentiment. Peut-être serait-il bon d’en peser les avantages et les inconvénients et voir, au fil du temps, si M. Draghi ne doit pas modifier sa politique.

RICHARD LISCIA

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