Ni Bachar, ni Daech

Bachar est toujours là (Photo AFP)

Bachar est toujours là
(Photo AFP)

La semaine dernière, le secrétaire d’État américain, John Kerry, a estimé que le réalisme contraignait son pays à négocier avec le dictateur syrien Bachar Al-Assad, responsable des 220 000 morts, des millions de réfugiés et de blessés de la guerre civile en Syrie. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la France a désapprouvé cette nouvelle position américaine. Elle estime qu’on ne peut pas tenir Bachar quitte des horreurs qu’il a infligées à son peuple.

LES ÉTATS-UNIS s’essaient à la Realpolitik, chère à Henry Kissinger. Ils pensent que l’État islamique ou Daech est plus dangereux que Bachar. Ils font de la lutte contre Daech leur priorité, même si cela implique un rapprochement avec le président syrien. Rien n’indique pourtant qu’ils soient acculés à faire ce choix : les Syriens n’ont besoin ni d’un fléau ni d’un autre. Ce qui guide probablement la diplomatie du président Obama, c’est son espoir de conclure, avant le 31 mars, un accord nucléaire avec l’Iran. Or l’Iran protège Bachar Al-Assad. Si un peu de mansuétude à l’égard du monstre peut amener les Iraniens à renoncer à l’arme atomique et, par conséquent, à une profonde déstabilisation de la totalité du Proche-Orient, il faut faire des sacrifices.

Un package deal.

Cette argumentation n’est pas nulle et doit faire l’objet d’une analyse sereine. Il se trouve que la France a compris que l’accord sur le nucléaire iranien serait, s’il était conclu, une sorte de package deal incluant la lutte armée contre Daech, déjà combattu par des soldats iraniens en Irak, en échange de quoi Bachar resterait au pouvoir. Mais ni François Hollande ni Laurent Fabius ne croient pour le moment que l’accord avec Téhéran soit satisfaisant. La France, avec l’Allemagne et d’autres pays, est partie prenante de la négociation. Elle a indiqué que les garanties offertes par les Iraniens n’étaient pas suffisantes, apportant ainsi indirectement de l’eau au moulin de Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, qui continue à rejeter tout accord avec l’Iran. M. Obama voudrait inscrire l’accord « historique » avec l’Iran à son palmarès, mais il ne saurait le faire s’il n’obtient pas de meilleures garanties sur l’usage des centrifugeuses iraniennes et sur le stock d’uranium enrichi que possède Téhéran.

Une question de morale.

M. Obama a en outre renoncé à un minimum de morale. En août 2013, il a refusé de bombarder les positions syriennes, ce qui a privé les révolutionnaires syriens de leur victoire contre le régime. Ce qui a contribué aussi à la création de cette hydre malfaisante qu’est Daech. Une fois encore, il s’agirait de lutter contre les islamistes au détriment de ces Syriens qui, privés de tout moyen militaire, poursuivent la guerre contre Bachar. Il n’est pas impossible que les Iraniens renoncent à signer l’accord, d’abord parce que leurs principaux dirigeants y sont hostiles au nom de la souveraineté de leur pays et ensuite parce qu’ils veulent, avec l’aide des Russes, maintenir en place le régime actuel de Damas. Compte tenu du nombre de pays participant à la négociation (sept avec l’Iran), il faut donc inscrire des clauses protégeant les révolutionnaires de Syrie.

C’est une tâche difficile, mais les Occidentaux disposent d’une arme plutôt efficace, celle des sanctions économiques et commerciales, qui a affaibli l’Iran, lequel souhaite vivement relancer son économie dans un cadre commercial libre de toute sanction. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accord sur le nucléaire iranien ne soulève aucun enthousiasme, ni en Iran où il est combattu par ceux-là même qui le négocient à contre-coeur, ni en Europe, ni même aux États-Unis où M. Obama le considère seulement comme un trophée diplomatique éventuel alors qu’une majorité au Congrès lui est très hostile. Des élus américains ont même écrit au « Guide suprême », l’ayatollah Ali Khamenei, pour l’informer qu’un accord conclu avec M. Obama pourrait être dénoncé par une majorité républicaine. Dans ces conditions, on voit mal comment la négociation aboutira dans quinze jours à un résultat positif.
RICHARD LISCIA

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