Sarkozy : l’horizon s’assombrit

Coup dur pour Sarkozy (Photo S. Toubon)

Coup dur pour Sarkozy
(Photo S. Toubon)

La chambre d’instruction de la cour d’appel a validé les écoutes ordonnées par des juges et qui visaient Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog dans le cadre d’une procédure pour corruption et trafic d’influence, chefs d’inculpation qui ont valu une mise en examen à l’ancien président de la République. MM. Sarkozy et Herzog vont se pourvoir en cassation. Si la Cour de cassation n’invalide pas la procédure, M. Sarkozy devra comparaître en correctionnelle avant l’élection présidentielle de 2017, à laquelle il est candidat.

DANS LE CAMP de M. Sarkozy, on exprime de « l’étonnement » face à une décision entérinant une démarche judiciaire qui a fait bondir le corps des avocats, auxiliaires de justice justement inquiets de ce que l’on puisse se servir des conversations entre un justiciable et son avocat pour les incriminer tous les deux. C’est pourquoi l’ex-président avait demandé la nullité de la procédure et s’attendait à une réponse positive. Sur le plan du droit strict, le jugement de la chambre d’instruction de la cour d’appel accorde une importance considérable au contenu que révèlent les écoutes (M. Sarkozy souhaitait s’informer par l’intermédiaire d’un magistrat de l’état des poursuites dont il faisait l’objet) et semble négliger l’atteinte au droit ainsi commise.

Une menace nouvelle.

La plupart des avocats, indifférents par ailleurs au sort personnel de Nicolas Sarkozy, ont contesté avec la plus grande fermeté les écoutes ordonnées par les juges d’instruction. Les magistrats de la coup d’appel n’ont sans doute pas voulu paraître céder à une indignation, fût-elle légitime, qui aurait enterré le contenu des écoutes, lequel est plutôt accablant pour M. Sarkozy. C’est un cas d’école qui en dit long sur la politisation de la justice ou sur la judiciarisation de la politique. On pensera ce que l’on voudra de cette évolution des juges, on n’empêchera pas cette affaire de porter un coup sévère aux ambitions de M. Sarkozy. Ses amis continuent à dire qu’aucune des poursuites dont il a fait l’objet n’a abouti quand ses détracteurs remarquent qu’il y a trop d’affaires le concernant pour qu’il ne finisse pas par être condamné. Je pense depuis longtemps que la plus grave de ces affaires est celle de Bygmalion, qui non seulement porte sur des sommes énormes mais montre un dépassement délibéré du plafond des dépenses électorales. Voilà maintenant qu’un autre obstacle se dresse sur le parcours de M. Sarkozy : une histoire d’écoutes téléphoniques qui semblait devoir s’écrouler sur elle-même mais qui menace elle aussi M. Sarkozy.

Devra-t-il renoncer ?

La question que tout le monde se pose concerne la capacité de Nicolas Sarkozy à se présenter à un second mandat ; ou plutôt à quel moment il consentira lui-même à se retirer de la course. Son entourage le dit serein, presque optimiste, convaincu qu’il passera toutes les haies qui freinent sa course. Il puise sa force d’âme dans le soutien de ses militants qui, pour la plupart, ne cachent pas le mépris que leur inspirent les juges qui, s’ils finissent par l’emporter contre l’ancien chef de l’État, resteront longtemps aux yeux de la droite comme des hommes ou des femmes ayant mis la justice au service de leurs propres convictions politiques ou, pire, de l’antipathie qu’ils éprouvent pour M. Sarkozy. Nous sommes nombreux à estimer qu’il faut, en quelque sorte, un candidat de rechange pour la droite et, bien sûr, c’est le nom d’Alain Juppé qui revient à l’esprit. Le maire de Bordeaux, comme les autres candidats à la primaire de l’UMP, sait que les déboires judiciaires de M. Sarkozy servent ses intérêts au moment précis où l’ex-président mène la course en tête, où il est parvenu à refaire l’unité de son mouvement, où il s’apprête à lui donner un nouveau nom et commence à élaborer un programme de gouvernement. On peut dire ce qu’on veut sur le temps politique par rapport au temps judiciaire, mais si M. Sarkozy doit renoncer un jour, il vaut mieux que ses rivaux se préparent d’ores et déjà, et avec minutie.

L’autre aspect de la question, c’est la chance supplémentaire accordée par l’affaire à François Hollande qui combattra plus facilement un Juppé, un Fillon ou un Bertrand qu’un Sarkozy. Ce sont tous ces changements politiques que les juges viennent de décider et semblent devoir décider encore, peu soucieux qu’ils sont d’assumer une telle responsabilité historique, fût-ce en prenant des libertés avec le droit.

RICHARD LISCIA

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