L’élevage sacrifié

Éleveurs en colère à Cholet (Photo AFP)

Éleveurs en colère à Cholet
(Photo AFP)

La crise de l’élevage est de nature chronique. Le mécontentement des éleveurs rejoint celui des agriculteurs. Vingt-deux mille exploitations seraient menacés de faillite. Face à la colère des éleveurs, le sang-froid du gouvernement, pour ne pas dire son apathie, est surprenant.
IL S’AGIT d’un phénomène curieux, même s’il est répétitif. Les éleveurs (ou, avant eux, les agriculteurs) sont au bord de l’asphyxie, attaquent des supermarchés, déversent du purin devant les sièges de préfecture, mais on ne sait pas exactement qui les ruine. Est-ce la grande distribution ? Celle-ci affirme qu’elle ne leur achète pas la viande directement, mais s’adresse à des intermédiaires. Cela fait 70 ans que les circuits de distribution sont dénoncés, car ils paient tout le monde sauf les producteurs, lesquels ne retirent pas de leur travail une rétribution suffisante. Comment se fait-il qu’aucun gouvernement n’ait réformé ces circuits ? Pourquoi la solution réside-t-elle nécessairement dans une aide de l’État aux producteurs ? Comment est-il possible, après la modernisation et la concentration de notre agriculture, l’une des plus puissantes d’Europe, même si elle est sérieusement concurrencée par celle de l’Allemagne, que l’endettement de nos paysans soit si élevé et que beaucoup d’entre eux renoncent à se verser un salaire pour joindre les deux bouts ?

Remèdes introuvables.

D’aucuns estiment que l’Europe, avec ses règles, porte atteinte à la production française qui, pourtant, a été la première à bénéficier de la politique agricole commune. D’autres dénoncent l’embargo sur la Russie, qui a limité nos exportations vers ce pays, amateur de viande française. En tout cas, la question agricole revient sur le tapis à l’occasion des crises, quand rien ne va plus, quand le prix payé au producteur du porc, du boeuf et du lait, les trois filières sinistrées, devient dérisoire alors qu’il est élevé pour le consommateur. Jamais le boeuf n’a été aussi cher, jamais le boeuf n’a moins rapporté à l’éleveur.
Si la crise de l’élevage est chronique, c’est sans doute parce que les réformes nécessaires sont extrêmement ardues à mettre en place. Il faut tenir compte de nos engagements européens. La simplification du circuit de distribution mettrait fin peut-être à l’injustice, mais elle n’irait pas sans perte d’emplois. Enfin, dans une économie de marché, il est impossible de fixer un prix à la production qui, en supprimant la concurrence, réduirait ou abolirait la compétitivité et ruinerait tout aussi sûrement les filières françaises.

Un sort indécent.

La permanence du problème souligne qu’il n’existe pas de réforme sûre capable d’apporter une solution durable : les inconvénients que présenteraient des règles susceptibles d’améliorer le sort du producteur pèseraient, à terme, plus lourd dans la balance que ceux de la crise du marché. Mais celle-ci est permanente et ce n’est pas la première fois que les éleveurs appellent à l’aide. Non seulement ils réclament une intervention de l’État, mais ils exigent des dispositions durables, sans lesquelles ils se retrouveraient dans la même situation après une accalmie passagère. Le gouvernement doit s’atteler d’urgence à la tâche, car le sort réservé à la plupart de nos agriculteurs n’est pas décent.

RICHARD LISCIA

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