Europe : la gueule de bois

Encore la queue devant les banques grecques (Photo AFP)

Encore la queue devant les banques grecques
(Photo AFP)

La négociation sur le sort de la Grèce s’est traduite par un accord dont nous sommes nombreux à penser qu’il n’est ni durable ni viable en l’État : on voit mal en effet comment un pays ainsi criblé d’impôts peut retrouver le chemin de la croissance, seule voie possible du désendettement. Mais l’accord marche et Alexis Tsipras, qui a dit qu’il n’y croyait pas, fait adopter tous les jours par son parlement les mesures propres à ramener la discipline budgétaire dans son pays.
EN OUTRE, l’accord a empêché une sortie de la Grèce de la zone euro, ce qui permet de maintenir, pour quelque temps encore, le mythe de l’irréversibilité de la monnaie unique. Les marchés ont repris confiance, la Grèce rembourse ses dettes parvenues à échéance grâce à de nouveaux prêts, le calme est revenu dans les esprits. Les fameuses « institutions » peuvent se réjouir d’avoir réussi un tour de force. En attendant la crise suivante, qui pourrait être de nouveau celle de la Grèce. Mais le plus inquiétant, ce sont les traces laissées dans les esprits par un document qui impose à la Grèce des sacrifices susceptibles de renvoyer ce pays au sous-développement. L’Europe a fait payer très cher à la Grèce le nouveau plan d’aide de plus de 80 milliards qu’elle vient de lui accorder. Se sont affrontées à Bruxelles deux philosophies totalement divergentes : celle du « Nord », ou de l’Allemagne qui maintient qu’un sou est un sou et qu’il n’est pas question d’annuler une partie de la dette grecque ; celle de la Grèce, de l’Italie ou de la France, qui semblent considérer que plaie d’argent n’est pas mortelle, même si tout est comptabilisé, les 323 milliards de dette grecque, les 80 milliards du plan d’aide, les liquidités que la Banque centrale européenne continue à verser aux banques grecques, l’argent qu’Athènes va rembourser au FMI et à la BCE.

Un État différent.

La Grèce est un État à part, pour plusieurs raisons : elle n’a pas d’industrie qui vaille, elle a vécu à crédit pendant des décennies, elle a vu l’Union européenne et le zone euro comme des moyens faciles pour vivre de façon insouciante. Tous les autres pays dits du Sud de l’Europe menacés de faillite, Irlande, Espagne, Italie, Portugal ont su mettre en oeuvre une politique draconienne de redressement de leurs comptes, pas la Grèce qui, avec M. Tsipras, a préféré relâcher l’effort au début de cette année, avec des conséquences qu’elle n’a pas fini de payer.
C’est pourquoi l’idée d’une sortie provisoire de la Grèce de l’euro a été envisagée et pas seulement par les Allemands. Certes, elle aurait eu un impact psychologique désastreux sur les opinions nationales, déjà très tentées par l’euro-scepticisme. Mais l’hostilité à l’intégration européenne, avec ou sans « Grexit », est vivace en Europe. Les Européens, Allemands compris, ont voulu éviter ce qu’ils voyaient comme une défaite de la zone euro et de la monnaie unique. C’est donc dans les conditions que l’on connaît que la Grèce est restée rattachée à l’euro. Pourtant, le risque d’une nouvelle crise financière ne peut pas être écarté, si les entrepreneurs grecs vendent au noir pour éviter la TVA (qui a augmenté de dix points), si le gouvernement ne parvient pas à recouvrer l’impôt, et si, tout simplement, le plan d’aide ne donne pas les résultats escomptés.

Un manque d’Europe.

Dès lors que l’Europe a choisi le refus du « Grexit », c’est l’insuffisance de l’intégration européenne qui saute aux yeux. Dimanche dernier, dans une tribune qu’il a publiée dans le « Journal du dimanche », le président Hollande a exprimé le point de vue de tous ceux qui croient que l’Union et la zone euro souffrent d’un manque d’Europe. Aux critiques acerbes et aux discours emportés des extrêmes, il n’existe pas de meilleure riposte que de nouveaux progrès dans l’intégration du continent. Il faut aller vers plus de fédéralisme. Il faut une convergence des politiques économique, fiscale et monétaire. S’il y avait un budget « fédéral » digne de ce nom, l’aide à la Grèce aurait été puisée dans un fonds d’urgence créé à cet effet. Attention, c’est une tâche particulièrement difficile : elle exige une coupe sérieuse dans la dépense publique, un déficit budgétaire inférieur à 3 % et, si possible, nul, toutes choses qui ont été réalisées avec succès dans d’autres pays européens, mais pas en France. Déjà, lors de l’accord, j’avais insisté sur le paradoxe en vertu duquel la France avait contribué à imposer à la Grèce une politique d’austérité qu’elle ne s’est pas appliquée.
M. Hollande a donc exprimé un point de vue qu’il compte compléter par de nouvelles démarches diplomatiques. Mais il n’est pas le premier de classe et sa position est affaiblie par ses faibles résultats dans la lutte pour le redressement des comptes publics français.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Europe : la gueule de bois

  1. François CORDIER dit :

    Euro-technocratie aussi nuisible pour le contribuable et l’économie « productive » que précipitée dans ses décisions – la Grèce n’aurait jamais dû y entrer en l’état -et malhonnête dans leur application- la liberté européenne d’assurances des directives 92/49 et 92/96 signées en 1992 par Mitterrand n’aura été qu’un slogan creux au lieu d’une voie de dynamisation socio-économique pour l’artisanat et les PME qui recèlent le plus vaste vivier d’emplois réels et potentiels.
    Nous devrons donc attendre encore un peu que l’effondrement de l’édifice supra-national (UE) démasque l’incurie politique et la faillite de ses Etats-membres dont la France est le plus mauvais participant. Et la dernière farce de « sauvetage » de l’€uro emballée dans le chiffon rouge grec ne prolongera la pantomime technocratico-financière que de quelques mois, tout au plus.
    Nous devons déjà penser au prochain système socio-économique, qu’il soit national, supra, ou infra ! Place à l’innovation à échelle humaine et citoyenne !

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