L’orage gronde

Équation sans solution (Photo AFP)

Équation sans solution
(Photo AFP)

Je ne suis pas de ceux qui voient dans une rentrée un facteur de changement. Les vacances ne sont qu’une pause dans un récit politique dont la continuité est assurée par l’entêtement des faits: on retrouve le chômage là où l’on l’a laissé, la menace terroriste s’accentue, la croissance retombe, les nuages s’accumulent, l’orage, visible à l’horizon, gronde.

ET FRANÇOIS HOLLANDE réexamine les équations dont il n’a toujours pas trouvé les solutions. On finirait par se désintéresser du pouvoir si on attendait fiévreusement l’alternance. Elle risque de nous apporter pire. Malgré les désagréments que lui procure son père, Marine Le Pen croit à son destin présidentiel, de même que Jean-Luc Mélenchon, jamais à court d’un espoir insensé, qui se voit déjà à l’Élysée. Ce n’est plus Tsipras que l’on vénère chez les extrêmes, c’est Varoufakis, adulé, embrassé, littéralement porté aux nues par Montebourg, puis par Mélenchon. Je sais d’où vient cette popularité de l’ex-ministre grec de l’Économie dans ce creuset de l’intelligence nationale qu’est Frangy-en-Bresse, fief d’Arnaud Montebourg : de la haine qu’inspire la construction européenne aux souverainistes de tout bord qui, pourtant, viennent d’essuyer un échec. Ils auraient tellement voulu que la bombe grecque détruise l’euro ! Mais non, ils poursuivent leur rêve d’une France repliée sur elle-même alors que l’accord avec la Grèce suit son cours, est appliqué, fonctionne, ce qui menace leur théorie.

Le rejet de l’Europe.

Dans cette crise tenace qui affaiblit la France, le facteur le plus négatif, c’est le refus du pouvoir d’adopter sans la moindre nuance la seule politique qui ait encore ses chances, réduction de la dépense publique et refonte du marché du travail. L’autre facteur qui divise les gauches et les droites, c’est le rejet de l’Europe par des nationalistes de plus en plus nombreux. La fracture idéologique date de 2005, année où le peuple français a rejeté le traité constitutionnel européen. Nous ne nous en sommes jamais remis. Ce rejet, il est présent chez les bataillons du FN, dans l’extrême-gauche, et même dans une partie de la droite classique et chez certains centristes. Nous étions nombreux, à l’époque, à pressentir le mal qu’un « non » au référendum de 2005 allait faire au pays et à nos partenaires européens. Nous en découvrons aujourd’hui toutes les conséquences avec l’émergence d’une idée, le salut grâce aux seules forces intérieures, qui aboutit à de terribles contradictions. Cette idée prospère d’autant plus que, n’ayant pas été expérimentée encore, elle cache sous un manteau rhétorique les effets délétères qu’elle contient. Il suffirait que l’un ou l’autre de ces mouvements qui se rejoignent tout en prétendant se haïr, parvienne au pouvoir pour que nous plongions dans une catastrophe.

Ambiguïtés.

Parce que nous n’avons pas réglé nos comptes intérieurs au sujet de notre destin européen, nous nourrissons, à l’heure de la plus grande urgence, de la plus complète des mobilisations, de la réunion de nos efforts, de terribles ambiguïtés. Le Premier ministre, Manuel Valls, confirme qu’il ne consacrera pas aux ménages une partie des fonds du pacte de stabilité. Mais François Hollande se montrera-t-il aussi ferme que lui sur ce point ? Les « frondeurs » triomphent : la politique de Hollande a échoué, il faut donc en changer. Mais a-t-elle échoué par timidité ou parce qu’elle était erronée ? Parce qu’elle est insuffisante ou parce qu’il existe réellement une possibilité de relancer la croissance par la consommation ? Par manque de pragmatisme ou par manque de ferveur idéologique ?
On voudrait bien que l’opposition nous apporte une raison d’espérer sous la forme d’un programme cohérent et consensuel. Pour le moment, le champ où évolue la droite ressemble moins à la terre ferme qu’aux sables mouvants. Des partis faibles, divisés, exsangues, usés jusqu’à la corde par une crise qui n’a que trop duré donnent lieu à de trop nombreuses candidatures potentielles.

RICHARD LISCIA

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