La France attaque

Le Rafale ne suffit pas (Photo AFP)

Le Rafale ne suffit pas
(Photo AFP)

Un débat (sans vote) aura lieu cet après-midi à l’Assemblée nationale sur l’engagement militaire de la France en Irak et en Syrie. Le président de la République a en effet ordonné à l’aviation française d’identifier des cibles de Daech, puis de les bombarder. Il s’agit plus d’une posture et d’un léger changement de doctrine que d’une action décisive contre nos ennemis actuels.

CAR CE SONT bien nos ennemis. Ils se livrent à des agressions terroristes sur le sol français. Il est logique et souhaitable que notre pays se défende. La logique de la guerre a pourtant ses limites, que les États-Unis ont franchies à plusieurs reprises sans résultat probant, ni en Irak ni en Afghanistan. La vraie question ne porte pas sur les bombardements d’objectifs militaires mais sur la façon d’en finir à la fois avec Bachar Al Assad et avec Daech. Elle est contenue en trois mots : offensive au sol. François Hollande n’entend pas envoyer un corps expéditionnaire en Irak. Pour au moins deux raisons : la première est que les soldats français se battent déjà en Afrique, la seconde est que plusieurs tentatives précédentes de bataille au sol ont échoué (sauf au Mali).

Deux courants de pensée.

Le débat à l’Assemblée opposera deux courants de pensée bien connus. Le premier est celui des va-t-en guerre qui ne tolèrent pas « l’islamo-fascisme », n’ont pas tort du tout d’en dénoncer le danger, mais sont prêts à faire une expérience déjà accomplie avec des résultats négatifs. Le second comprend tous ceux qui s’accommodent de la situation et sont beaucoup sensibles aux dangers d’une offensive au sol qu’aux menaces terroristes. Le passé, à cet égard, est plein d’enseignements contradictoires. La libération du Koweit en 1991 a été obtenue par une formidable coalition qui comprenait les armées occidentales et arabes et fut financée par les Saoudiens. George Bush (le père) s’est satisfait de la défaite de Saddam Hussein et n’est pas allé le chercher à Bagdad. La guerre d’Afghanistan a été provoquée par les attentats du 11 septembre. L’Afghanistan abritait les Taliban et c’est à partir de son sol qu’Oussama Ben Laden a programmé les attentats contre l’Amérique, qui ont fait près de 3 000 morts, un nombre incalculable de blessés, des dégâts matériels de plusieurs centainess de milliards de dollars. Il y avait donc une logique et une morale dans la réaction des États-Unis.

Le rôle particulier de l’Iran.

Malheureusement, ils ont été incapables d’instaurer en Afghanistan un ordre durable et ils s’y sont enlisés. C’est l’honneur de Barack Obama, quoi qu’on pense de sa politique, d’avoir rapatrié ses troupes. En Irak, en 2003, l’offensive américaine n’avait aucune raison d’être et les États-Unis n’ont pas fini d’en payer le prix. Peut-on imaginer aujourd’hui la formation d’une coalition comparable à celle de 1991 qui libèrerait l’Irak de Daech et la Syrie de Bachar ? C’est très peu probable, à cause de la présence de l’Iran en Irak. Les Iraniens veulent protéger les chiites irakiens contre la minorité sunnite. Ils sont les amis de Bachar. Ils souhaitent vaincre Daech, avatar hideux du sunnisme et étendre leur influence au Liban, où ils sont alliés au Hezbollah. Les querelles interminables sur l’interventionnisme militaire n’ont aucun sens si elles ne prennent pas en compte les différences stratégiques et diplomatiques. Il y a des interventions militaires parfaitement justifiées, mais elles sont toutes extrêmement dangereuses : si l’armée française avait eu des pertes lourdes au Mali, l’opinion française aurait exigé le rapatriement de nos troupes. La même opinion ne souhaite sans doute pas, dans sa majorité, de nouvelles aventures militaires. Il y a aussi des interventions contre-productives comme celle de l’Amérique en Irak, en 2003. Il y a des interventions très mal ficelées, comme celle de la France en Libye. Nicolas Sarkozy a cru qu’il suffisait d’éliminer Kadhafi pour que la paix revienne. Il n’en est rien. C’est le chaos.
Alors, que faire ? Maintenir la pression militaire, même si elle est insuffisante, profiter de la détente avec l’Iran pour négocier avec ce pays quelques points d’accord ; essayer d’inclure la Russie dans la table ronde des discussions, mais ce sera extrêmement difficile, car les objectifs de la Russie n’ont rien à voir avec les nôtres ; tenter de convaincre M. Obama, dont la puissance de feu est inégalable, qu’il doit contribuer à l’effort de guerre. Toutes tâches qui semblent particulièrement ardues.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La France attaque

  1. Je suis convaincu que le tsunami que va entrainer la marche du 29 novembre en prélude à la COP21 va complètement bouleverser la donne politique du village global du monde. Des millions de personnes vont y participer et les citoyens de la planète sont prêts à comprendre le comment et le pourquoi des grandes migrations populaires qui commencent par le monde méditerranéen mais vont s’amplifier à la fois par contagion et par nécessité. Excès d’eau salée et pénurie d’eau douce sont (d’autant et encore) plus dangereux que la pollution atmosphérique aux yeux de l’humanité intertropicale qui est la première touchée.

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