C’ÉTAIT un moment d’immense émotion et nous en avions besoin. Pour des raisons de sécurité, le gouvernement a interdit les manifestations, même s’il n’a pas empêché de très nombreuses expressions de la solidarité nationale. Aujourd’hui, enfin, tout le pays a pu se recueillir. Les cérémonies nationales sont toujours empreintes d’un certain formalisme, mais cette fois, une dignité sobre a accompagné chacun des gestes accomplis et des mots prononcés. Le président de la République, porteur d’un foulard noir, n’a pas hésité à afficher son deuil. Les chansons et la musique étaient parfaitement choisies. La Marseillaise, si souvent entonnée depuis quinze jours, est restée l’un des remèdes au chagrin.
Ceux qui ne sont pas venus.
Quelques familles de victimes ont décidé de ne pas participer à la cérémonie. Elles estiment en effet que de meilleures mesures de sécurité auraient empêché les attentats et sauvé la vie de leurs proches. On les comprend. Mais, en même temps, il fallait que les Français communient dans cette célébration du droit de vivre, du droit d’écouter de la musique et de s’attabler à un restaurant. De ce point de vue, si officielle, si gouvernementale que fût la cérémonie, elle a traduit ce que tous les Français ressentent. Elle a souligné que si le pays a été aussi ignominieusement agressé, c’est parce qu’il cultive la vie, le simple mais immense bonheur d’être. « La France frappée en son coeur », a dit le président, par « une horde d’assassins » agissant au nom d’une « cause folle et d’un Dieu trahi ». « La France restera elle-même », a ajouté François Hollande. Nous ne céderons ni à la peur ni à la haine ».
130 noms.
« 130 noms, 130 vies arrachées, 130 destins fauchés, 130 rires que l’on n’entendra plus, 130 voix qui à jamais se sont tues ». 130 noms publiés ce matin à la Une de « Libération » et du « Parisien ». M. Hollande a trouvé les mots. Ils n’ont rien à voir avec la violence ou la politique et tout à voir avec l’amour, la famille, les liens qui nous unissent. « Une initiation terrible à la dureté du monde », a-t-il dit encore, ce qui est la façon la plus exacte d’exprimer notre crainte de laisser aux générations suivantes un monde dangereux, pernicieux, pervers, qui s’acharne contre leur raison de vivre. Pour rester en adéquation parfaite avec les Français, le président a su entrer dans leurs foyers, parler leur langage quotidien, retrouvé ce qui fait le sens profond des familles et des gens. Des Français qui se battent avec constance, avec un courage qu’ils puisent dans les vertus qui leur ont été enseignées. Des Français que les crimes les plus odieux ne diviseront pas.
RICHARD LISCIA