Gracier Jacqueline Sauvage

Eva Darlan en pointe dans le combat en faveur de Mme Sauvage (Photo AFP)

Eva Darlan en pointe dans le combat en faveur de Mme Sauvage
(Photo AFP)

Le 3 décembre dernier, la cour d’appel du Loir-et-Cher a condamné à 10 ans de prison Jacqueline Sauvage, une mère de famille de 68 ans, qui avait abattu son mari de trois coups de fusil dans le dos. Confirmant le précédent verdict de la cour d’assises, elle a estimé que Mme Sauvage ne bénéficiait pas de la légitime défense. Pourtant son époux était connu pour les violences qu’il exerçait contre Mme Sauvage et ses deux filles, qu’il avait violées.

JACQUELINE SAUVAGE a enduré son calvaire pendant 47 ans. On s’interroge bien sûr sur l’omerta qui a permis au mari de se livrer à des crimes répétitifs contre sa femme et ses filles sans être jeté en prison. Personne, dans le village où vivait la famille, n’ignorait les violences dont cet homme était capable. Les raisons psychologiques qui ont empêché Mme Sauvage de porter plainte relèvent de l’analyse sociale. En tout cas, elles ne semblent pas avoir été retenues par le tribunal, dont les jurés, selon les avocates de Mme Sauvage, auraient été influencés par la magistrate, laquelle a fait valoir que la légitime défense était inapplicable à la meurtrière. Pourtant, elle était bel et bien une victime qui, au terme d’une vie de souffrance, a enfin décidé, en 2012, de se libérer elle-même et de libérer ses filles. La peine, 47 années de coups et d’abus de toutes sortes, elle l’avait subie avant de commettre l’acte qui lui vaut dix ans de prison.

Un comité de soutien.

Tout le monde comprend que la justice ne puisse avaliser un meurtre, qu’une personne n’a pas le droit de se rendre justice elle-même. Tout le monde aura également remarqué que les avocates, qui s’en sont tenues à la légitime défense, n’ont pas construit une stratégie très solide. Personne ne peut nier que les deux tribunaux ont jugé en droit pur. Le crime commis par Mme Sauvage a donc été traité d’un strict point de vue judiciaire sans que l’histoire du couple, l’environnement social, le silence des voisins et amis, la sujétion dans laquelle cette mère de famille a été tenue, la peur indicible que l’homme inspirait à la mère et à ses filles aient été suffisamment prises en compte. L’émotion du public ne cesse de croître. Un comité de soutien à Jacqueline Sauvage a été constitué avec, notamment Daniel Cohn-Bendit, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon. Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a écrit à François Hollande pour lui demander la grâce de Mme Sauvage. Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Boyer (députées LR) lui ont rendu visite. Une pétition en faveur de la détenue a été signée par près de 400 000 personnes, dont l’actrice Eva Darlan, en pointe dans le combat pour la libération de la détenue.

Mettre fin à la brutalité masculine.

Le chef de l’État a accepté de recevoir cet après-midi les filles et les deux avocates de Mme Sauvage. On lit ici et là que François Hollande ne serait pas très favorable à l’idée d’user de son droit de grâce où il voit sans doute une survivance de la monarchie absolue. Il sait cependant que la grâce n’est pas l’amnistie et qu’elle prend du temps, car elle doit être envoyée à la Chancellerie où le ministre de la Justice doit la contresigner. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le sort personnel de Jacqueline Sauvage, c’est l’évolution même de la société française. Jamais la notion d’égalité entre hommes et femmes n’a été autant partagée qu’aujourd’hui, jamais autant d’efforts n’ont été fournis pour acter cette égalité sur les plans économique, social, moral. Jamais la lutte contre le viol, le machisme, la brutalité masculine, la simple grossièreté de nombreux hommes n’a été aussi intense. Et la justice de la République aurait un temps de retard sur cette vigoureuse évolution ?
Quelque chose n’a pas fonctionné dans le procès de Jacqueline Sauvage. Quelque chose a manqué dans l’évaluation des faits : par exemple cette vie de souffrances, sans espoir, et les traumatismes psychologiques et physiques qui ont été infligés aux trois femmes. Pourquoi le verdict n’a-t-il pas été assorti du sursis ? La parité hommes-femmes est une valeur nouvelle, contemporaine. La notion d’ascendant masculin sur les femmes appartient au passé. La justice doit être exercée dans le monde présent, ici et maintenant.

RICHARD LISCIA

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