Migrants : l’Europe amorphe

Bulldozers en action (Photo AFP)

Bulldozers en action
(Photo AFP)

Le gouvernement de Manuel Valls a appris sa leçon politique : le terrain est miné, il faut donc agir avec prudence. Alors que se multiplient les difficultés, immigration, Calais, droit du travail, inertie européenne, chômage, déflation, les réponses du pouvoir sont de plus en plus faibles.

BERNARD CAZENEUVE a réussi à commencer l’évacuation de la zone sud de la « jungle » de Calais. Les forces de l’ordre se sont heurtées à une vive résistance des migrants qui y séjournent, ceux qui veulent rester là où ils sont et refusent d’être déplacés vers d’autres lieux, ceux qui croient encore qu’ils franchiront la Manche, ceux qui ont compris qu’un gouvernement démocratique les traitera avec le moins de brutalité possible. Ce qui n’a pas empêché le ministre de l’Intérieur de recourir à la manière forte. Au moins a-t-il commencé à accomplir la tâche qu’il s’est assignée. Quand on calcule le nombre de reculs de son gouvernement, sa performance semble héroïque.

La Grèce menacée de suffocation.

De toute façon, le problème de l’immigration dépasse la crise de Calais. L’Union européenne reste sidérée devant une menace qui risque bel et bien de la détruire. Les pays qui jalonnent la route entre la Grèce et l’Allemagne ont construit des murs et des barrières. Leurs policiers tentent de dissuader les migrants de marcher vers le nord-ouest, l’Allemagne, la Suède, l’Angleterre, puis finissent par les laisser passer. La chancelière Angela Merkel est le seul chef de gouvernement à préconiser une juste répartition des clandestins entre les pays membres de l’UE. Les États d’Europe centrale et orientale font la sourde oreille. Alors que la Grèce voit s’accumuler sur ses côtes des milliers et des milliers de personnes qui ne peuvent plus avancer et restent donc en Grèce, dont le tissu économique et social, déjà gravement endommagé par la crise, est en train de se défaire. Que n’a-t-on pas dit des Grecs quand on a jugé qu’ils avaient trop emprunté ! Aujourd’hui qu’ils sont victimes d’un phénomène sur lequel ils n’ont aucune prise, on ne fait rien pour les aider, ni eux, ni la Jordanie ni la Turquie, pays également envahis par des peuples en exil dont le seul tort est de vouloir échapper aux bombes et aux massacres.

Une somme d’égoïsmes.

Il n’y a pas de concertation européenne digne de ce nom, pas de négociations, pas d’espoir de trouver des solutions, fussent-elles temporaires. Il n’y a qu’une somme d’égoïsmes. Les pays de l’Union qui refusent tout sacrifice ne semblent pas comprendre qu’ils ne bénéficieront pas éternellement des avantages économiques, financiers et commerciaux que leur procure l’UE et que leur politique de l’autruche finira mal parce que l’Europe elle-même baissera les bras devant un phénomène dont seul un traitement radical peut venir à bout. Bien que Mme Merkel ait répété son credo (« Nous pouvons le faire »), elle est isolée. François Hollande n’a pas essayé de lancer une grande négociation européenne sur le sujet des migrants. Les Européens se contentent de subir, comme si l’UE n’avait aucune ressource intellectuelle, aucun leadership, aucun moyen matériel.
L’absence d’imagination, d’autorité, de concertation est d’autant plus criante que, même dans de meilleures circonstances historiques, le problème de l’immigration exige des remèdes subtils. La plupart des pays concernés s’efforcent de traiter les migrants avec humanité et sans coercition. Comme à Calais, vient tout de même un moment où il faut leur dicter une solution. Les Européens ne sont pas tous conscients de l’enjeu. Beaucoup de pays ont adopté des mesures excessives, par exemple le Danemark qui veut confisquer les économies des immigrés pour qu’ils contribuent au financement de leur accueil. D’autres, comme l’Allemagne, ont peut-être péché par optimisme, quitte à s’en mordre les doigts après coup. La politique migratoire de l’Europe doit donc concilier les intérêts de l’Union et la qualité du traitement à réserver aux migrants. C’est, bien sûr, une quadrature du cercle. Mais il est temps de mettre un peu d’ordre dans une situation anarchique qui, à terme, portera à l’Union un coup sévère, peut-être fatal.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Migrants : l’Europe amorphe

  1. Pene dit :

    Si l’Europe ne propose pas de solutions, c’est vraisemblablement parce qu’il n’y en a pas dans l’état actuel des choses, avec des sommations contradictoires: humanité, mais crise économique, accueil humaniste, mais pas d’argent, répartition homogène dans les pays, mais pas de gouvernance européenne…

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