Le viol d’Alep

Le dernier cri (Photo AFP)

Le dernier cri
(Photo AFP)

Soutenues par les Russes, les forces loyalistes du régime syrien se préparent à reprendre Alep, ville stratégique qui assurerait à Bachar Al-Assad le contrôle du nord de la Syrie et le rendrait invulnérable aux forces qui lui sont hostiles, qu’il s’agisse des mouvements terroristes ou de la Coalition nationale syrienne.

BACHAR AL-ASSAD ne se contente pas de bombarder Alep massivement. Il choisit ses cibles, principalement des hôpitaux, de manière à obliger la population à quitter la vile avant que ses troupes passent à l’offensive et pratiquent la politique de la terre brûlée. Le secrétaire d’État américain, John Kerry, s’est rendu dimanche à Genève pour demander au gouvernement russe de rétablir le cessez-le-feu, lequel a volé en éclats depuis que Bachar l’a allègrement violé par ses bombardements. Les dirigeants russes ont fait savoir que, pour le moment, le rétablissement du cessez-le-feu est impossible, parce que les troupes du régime affrontent des organisations terroristes, oubliant la population civile au sein de laquelle le plus récent bombardement a fait 254 morts dont 39 enfants.

L’argument du réalisme.

Depuis plusieurs mois, la « paix russe » apparaît aux Occidentaux comme un pis-aller préférable au chaos qui règne au Syrie. Pour faire un bout de chemin avec Moscou, il faudrait donc se rabibocher avec le dictateur arabe le plus sanglant de l’histoire. Des élus de droite français n’ont pas hésité à se rendre à plusieurs reprises à Damas pour y « discuter » avec Bachar. Ils sont revenus enchantés de leurs voyages sans nous expliquer en quoi la réhabilitation du président syrien ferait progresser la paix. Ils nous proposent l’argument du « réalisme » qui revient à dire que la paix est bonne à prendre même si elle se construit sur des monceaux de cendres. En fait, la perspective que nous offre Bachar est celle d’un peuple libéré par la mort ou l’exil. Si le dictateur triomphe, ce ne peut être qu’en rasant les villes qu’il souhaite conquérir de manière à ce qu’il se débarrasse de tous les mouvements, terroristes ou non, qui contestent son autorité. Et tant pis si, dans la mêlée, des milliers de civils innocents sont sacrifiés. À ce jour, la guerre de Syrie aurait fait 270 000 morts et contraint plusieurs millions de Syriens à l’exil.

Un menteur invétéré.

Rien de ce projet sinistre, soutenu, donc, par une partie des élus de la droite proches de François Fillon ou de Nicolas Sarkozy, n’est possible sans le soutien militaire des Russes. Les Européens critiquent vivement les États-Unis pour leur passivité, mais eux-mêmes ont l’air bien impuissants. Inutile de dire que si Bachar reprend le contrôle de son pays, les émigrés syriens ne rentreront jamais chez eux. Ce qui est incroyable, c’est que les enjeux de la guerre civile de Syrie puissent conduire à des comportements diplomatiques inacceptables, parfaitement indifférents à la souffrance humaine, et que se développe en France une école du pragmatisme qui fait bon marché de l’existence même du peuple syrien. Vladimir Poutine, menteur invétéré, qui nous a fait croire à la réalité du cessez-le-feu et au retrait de ses troupes (il en a gardé assez sur le terrain pour qu’elles y fassent des ravages) est devenu, en l’absence opérationnelle des Occidentaux, l’acteur unique de la crise syrienne. Or il ne peut y avoir de retour à la paix si les parties ne concluent pas un compromis historique. Il est logique de continuer à éradiquer Daech et les autres organisations terroristes, il est absurde d’oublier les facteurs qui ont produit la guerre civile. Aucune paix fondée sur l’écrasement de la population ne sera durable. Comme en Ukraine, où il continue à parader, Poutine n’a remporté en Syrie qu’une victoire à la Pyrrhus qui annonce de nouvelles violences. Il aura alors beaucoup de mal à s’en extirper.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le viol d’Alep

  1. Michel de Guibert dit :

    Pour mémoire Alep est bombardé par les deux camps…

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