La galère, c’est la routine

Martinez, l'homme qui ne sourit jamais (Photo AFP)

Martinez, l’homme qui ne sourit jamais
(Photo AFP)

À la SNCF, la grève continue, bien qu’un accord ait été soumis aux syndicats. Cet accord enterre la réforme d’une entreprise publique qui a accumulé quelque 50 milliards de dettes et qui doit désormais faire face à la concurrence européenne. La grève est devenue l’unique moyen d’expression d’organisations qui prétendent par ailleurs souffrir de l’absence de dialogue.

ET TOUT est à l’avenant. Des batailles sporadiques autour des dépôts de carburants, les éboueurs qui s’y mettent ici ou là, avec l’espoir d’offrir aux visiteurs de l’Euro un pays laid et nauséabond, la RATP où l’on ne sait plus qui travaille et qui ne travaille pas, le refus de la CGT de prendre en considération les inondations et leurs dégâts et donc de contribuer au soulagement des populations sinistrées, des pilotes qui rejettent l’accord proposé par la direction d’Air France, tout cela au nom d’une réforme du code du travail qui est en cours de discussion au Parlement et dont le contenu n’est pas encore fixé. Cette crise sociale est un scandale. C’est un abus de pouvoir généralisé qui permet aux camarades syndiqués d’imposer leur volonté à toute la population. C’est aussi une honte : à la SNCF, contre la volonté du PD-G, Guillaume Pépy, qui ne peut pas gérer la société si elle n’est pas réformée, le gouvernement, décidé à amadouer la CGT, nouvelle terreur dans le paysage politique, a abandonné un projet qui était pourtant indispensable et puisera dans les caisses pour donner de l’oxygène au système ferroviaire, à bout de souffle.

Le désarroi et le ridicule.

Le pire, c’est qu’une majorité de Français sont convaincus que les syndicats défendent leurs acquis sociaux, que la loi travail constitue une atteinte à leurs droits fondamentaux, et qu’ils préfèrent les nuisances quotidiennes entraînées par les grèves à une capitulation sociale. Bien entendu, personne n’a lu le projet de loi et encore moins les amendements multiples que le Sénat prépare et qui, au final, changeront le texte en profondeur. On fait donc la grève pour des raisons virtuelles, on est en colère contre des décisions qui n’ont pas été prises, on plonge le pays dans le désarroi et le ridicule sans être capable d’expliquer pourquoi.
La CGT s’est radicalisée parce qu’elle craint de céder à la CFDT sa place de premier syndicat français. Elle n’a jamais été aussi intraitable que depuis qu’elle a pris conscience de ses faiblesses. Elle n’a jamais provoqué autant de difficultés depuis que ses effectifs sont devenus notoirement clairsemés. Elle est passée, en un claquement de doigts, du social au politique. Bernard Thibault avait pris ses distances avec le parti communiste, Philippe Martinez s’en rapproche ostensiblement.

Un discours menaçant.

Le nouveau secrétaire général de la CGT se complaît dans la sévérité, une totale absence d’humour et un discours sinistre et menaçant. Formidable : nous sommes gouvernés par des non-élus qui nous disent tous les jours pourquoi nous devons souffrir dans les transports publics ou sous les monceaux d’ordures. Ils fixent le niveau des agressions qu’ils nous infligent. Ils nous dictent leurs propres règles. Si on les voit encore comme les amis du peuple, le peuple ne court aucun danger avec ses ennemis. Ajoutant l’injure à l’outrage, ils nous rappellent benoîtement que la grève est un droit sacré des travailleurs. Oui, mais la prise d’otages ?
Avec une hypocrisie exaspérante, ils se prétendent les victimes d’un système politique dont les composantes opposées comploteraient pour asservir tous les travailleurs. Mais c’est nous, les usagers, qui sommes soumis à leur diktat. Le pouvoir n’est plus à l’Élysée ou à Matignon, il appartient au conducteur de train et au chauffeur de benne à ordures. Le monde qui nous observe est partagé entre la franche rigolade et la pitié ironique.

RICHARD LISCIA

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