Le fiasco de Valls

Se comprennent-ils encore? (Photo AFP)

Se comprennent-ils encore?
(Photo AFP)

L’homme qui sort le plus endolori de cette inénarrable journée du 22 juin, c’est bien le Premier ministre. Il a ordonné l’interdiction de la manifestation d’aujourd’hui, puis il a dû se plier à la volonté du président, qui a soutenu l’accord entre Bernard Cazeneuve et les syndicats. De sorte que la manifestation a été de nouveau autorisée.

DIVERSES hypothèses sont parues dans la presse, mais il semble bien qu’au conflit social s’est ajouté une divergence de fond entre Manuel Valls et François Hollande. Ce qui a permis au ministre de l’Intérieur de jouer sa partition en solo. L’accord conclu avec la CGT et FO n’est rien d’autre qu’un camouflet infligé à M. Valls. Le Premier ministre est conscient des couacs, contradictions, faiblesses d’une politique gouvernementale qui ne conduit nulle part. Il lui a donc paru utile de corriger la perception, par le public, d’une mollesse maladive du gouvernement en tapant sur la table, c’est-à-dire en interdisant la manifestation d’aujourd’hui à Paris et en assumant les conséquences. Cela revenait à ignorer les hésitations et tergiversations de François Hollande, dont la position politique personnelle est si compliquée qu’il ne peut pas se permettre le moindre clash avec les organisations syndicales et l’opinion. Et à ignorer aussi le comportement de la gauche de la gauche, toujours prompte à prendre le parti inverse de celui du gouvernement et à tirer profit des failles qui craquèlent le pouvoir.

Éviter les violences.

M. Hollande ne voulait pas d’une épreuve de force et il l’a signalé aussitôt en faisant courir des commentaires « off » affirmant que l’Élysée n’était pas concerné par une décision qui, selon lui, relevait simplement de la gestion de l’ordre public et ne ferait donc pas l’objet d’un « arbitrage » du chef de l’État. Un peu plus tard dans la matinée, sans doute parce que cette rumeur dans « l’entourage » du président avait indigné Manuel Valls, l’Élysée a publié un communiqué pour s’associer aux décisions du gouvernement, créant alors une confusion énorme sur les intentions respectives de l’Élysée et de Matignon, sur la communication entre le président et son Premier ministre et surtout sur la réalité des décisions annoncées, puis modifiées, par le gouvernement. C’est le ministre de l’Intérieur qui a réglé le problème en trouvant un accord avec les deux syndicats pour une manifestation place de la Nation dans un périmètre restreint, l’idée maîtresse étant d’éviter les violences.

Doit-il démissionner ?

Le président avait tout le loisir de dire « non » à l’épreuve de force souhaitée par M. Valls. Certes, le risque d’une explosion sociale ne devait pas être écarté, mais le Premier ministre voulait en finir avec des manifestations répétées qui donnent lieu à des scènes de guerre civile. Le chef de l’État a préféré laisser le Premier ministre s’engager dans la voie de la fermeté, tout en se donnant à lui-même la possibilité d’en modifier le cours. Entre 9 heures et 13 heures hier, on a donc assisté à une série de revirements et de coups de théâtre du plus mauvais effet. Car ils posent les questions de l’unité du gouvernement, de sa capacité à adopter une ligne claire et consensuelle, et à prendre des décisions qu’il maintient. Hélas, ce qui était vrai à 9 heures était incertain à 11 heures et faux à 13 heures. Le pouvoir a baladé les médias pendant toute une matinée parce que lui-même n’était pas sûr de ce qu’il voulait faire.
Les ennemis de M. Valls, et ils sont nombreux, demandent sa démission. Il n’est pas obligé de les écouter. Mais dans l’exercice de ses fonctions, il est en train de perdre son aura, sa réputation d’homme fort, actif, déterminé et sa stature de Premier ministre. C’est clair : M. Cazeneuve, soutenu par le président, a désobéi au chef du gouvernement, ce qui suggère que l’un ou l’autre doit démissionner. Ils ne le feront ni l’un ni l’autre parce que le calendrier est surchargé et, surtout, parce qu’une crise gouvernementale ajouterait du chaos au désordre. Mais, premièrement, l’opinion a assisté à une cacophonie au sommet de l’État dont le passé nous offre peu d’exemples; et deuxièmement, M. Valls, conspué de toutes parts et surtout au sein de sa propre majorité, se retrouve dans une position pratiquement intenable.

RICHARD LISCIA

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