Sarkozy, ce diable d’homme

Le livre de Sarkozy (Photo AFP)

Le livre de Sarkozy
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy s’y entend fort bien pour faire de l’annonce de sa candidature un événement, bien qu’elle fût prévisible puisqu’il lui fallait impérativement démissionner avant jeudi de son poste de président des Républicains. Il compte moins, pour réussir, sur la substance que sur le style.

ET QUOI de plus innovant que de « démédiatiser » son rendez-vous avec l’électorat, en choisissant de se livrer dans un ouvrage plutôt que de recourir à l’interview classique, la conférence de presse ou le discours devant ses partisans ? Pierre Laurent, le chef du PCF, n’a pas trouvé d’autre critique à formuler que l’importance accordée par les médias à ce nouveau « coup » de l’ancien président, comme si la candidature d’un Montebourg ou d’une Duflot, et a fortiori d’un leader communiste, avait autant d’importance, ou comme s’il n’y avait pas d’autre reproche à adresser à M. Sarkozy, par exemple sur le contenu de son programme fondé sur l’identité, la suppression de l’ISF et la répression du terrorisme. Allons, pas besoin d’être grand clerc pour savoir que la machine est déjà lancée à grande vitesse et que sa technique de conquête du pouvoir, même si elle échoué en 2012, sera puissante.

Il se joue des sondages.

Non pas que ses compétiteurs soient dépourvus d’atouts, à commencer par Alain Juppé, dont l’avance sur M. Sarkozy dans les sondages reste impressionnante, même si elle est appelée à se réduire sous l’effet de la violence des débats qui s’ouvrent. Pourquoi ne pas admettre que, dans sa manière inimitable de concentrer sur sa personne la lumière des projecteurs, Nicolas Sarkozy a plus de talent que ses principaux rivaux et que la primaire de la droite peut se jouer non pas sur le choc des programmes mais sur l’éloquence et l’autorité personnelle ? Pour ne pas lui faire la fête, la presse rappelle, à juste titre ses démêlés avec la justice qui risquent de le rattraper à tout moment pendant la longue campagne électorale qui commence. Mais de même qu’il se joue des sondages, qui persistent à ne pas lui accorder la première place, de même semble-t-il se moquer des nuages politiques accumulés au-dessus de sa tête, le refus populaire d’un nouveau match entre lui et François Hollande, le danger de copier le Front national qui lui aliènera l’électorat centriste, sa persistance à faire de l’identité nationale l’axe de sa politique, comme si sa dispute avec son ancien conseiller Patrick Buisson n’enlevait rien à la pertinence des idées que le même Buisson lui a inculquées ?

Les primaires critiquées.

M. Sarkozy semble penser que, cette année, il a la baraka qui lui a fait défaut en 2012. Il continue de croire qu’il n’a pas vraiment perdu il y a quatre ans et que si la campagne d’alors avait duré quelques semaines de plus, il l’aurait emporté. Il est convaincu que sa dynamique est assez puissante pour le débarrasser d’Alain Juppé, dont la subtilité, pourtant si nécessaire à la résolution des problèmes complexes de l’État, ne constitue pas forcément un avantage sur un podium où les bateleurs sont plus efficaces que les bons penseurs. On continue à nous dire, ici et là, qu’il n’y a rien de pire que les élections primaires, qu’elles représentent un instrument de division, qu’elles laisseront, à droite et à gauche, des rancoeurs impérissables. Mais fallait-il alors envoyer à la présidentielle trois douzaines de candidats ? D’autres, comme M. Montebourg ou M. Mélenchon, appellent de leurs voeux la création d’une VIè République. Je suis toujours surpris quand, pour une maladie spécifique, on préconise le traitement qui n’a pas une chance de la guérir. De quoi souffrons-nous ? Du chômage, des inégalités sociales, des problèmes migratoires et de l’insécurité. En quoi une nouvelle Constitution pourrait-elle surmonter ces difficultés ?
Tout se passe comme si, devant notre impuissance à juguler les crises que nous subissons, nous choisissions de les contourner en réglant un faux problème. De même, Arnaud Montebourg ne cesse, depuis plusieurs années, de préconiser une politique de lutte contre la mondialisation au lieu de songer à adapter la France à un phénomène auquel elle ne saurait s’opposer seule sans se retrouver dans la détresse et le dénuement. M. Sarkozy lui-même est tenté par un changement de politique européenne et parfois par un renversement des alliances traditionnelles de la France, sans paraître se douter qu’il ajouterait, s’il le faisait, de nouveaux problèmes à ceux qu’il n’a pas résolus. Sans comparer son ascension à celle d’Arturo Ui, qui était d’ailleurs résistible, on voudrait que son éventuel succès améliore sa plateforme politique, qu’il songe, à supposer qu’il triomphe de ses concurrents, à un programme de gouvernement pour tous les Français et pas seulement de la droite pure et dure.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Sarkozy, ce diable d’homme

  1. VUILLEMET dit :

    Sur le modèle américain…
    De la naïveté des foules dépendront ainsi les résultats.

  2. VUILLEMET dit :

    Disons de la crédulité : naïveté est peut-être un terme un peu fort.

  3. CHEMILA dit :

    Attention, comparer l’ascension d’Arturo Ui, c’est comparer Sarkozy à Hitler. Même si je comprends ce que vous voulez dire, et je l’approuve en partie, c’est très insultant, même s’il n’y a pas beaucoup de lecteurs de Bertold Brecht parmi les médecins susceptibles de faire le rapprochement.

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