Trump : victoire totale

Quatre ans de Trump (Photo AFP)

Quatre ans de Trump
(Photo AFP)

Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine et obtient la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. Le décompte des voix n’est pas terminé, mais il est impossible que Hillary Clinton puisse renverser la tendance.

LA VICTOIRE de Trump est sans appel. Il a gagné dans les « swing states », c’est-à-dire les Etats indécis, et dans des Etats, comme la Pennsylvanie, censés voter en faveur de la candidate démocrate. Il conserve la majorité républicaine à la Chambre, ainsi qu’au Sénat. Il disposera donc de tous les pouvoirs. Il a déjoué les pronostics, ridiculisé les instituts d’opinion, dont les prévisions étaient fausses, ainsi que les médias, qui se sont prononcés massivement en faveur de Mme Clinton. Peu avant trois heures du matin sur la côte Est, elle a appelé M. Trump pour admettre sa défaite.

Un changement de paradigme.

Ce qui s’est passé aux Etats-Unis dans la nuit de mardi à mercredi est sans précédent. Il ne s’agit pas seulement d’un changement de majorité, il s’agit d’un changement de paradigme, du basculement d’un peuple de quelque 330 millions d’habitants dans une orientation politique inédite que l’on peut qualifier de révolutionnaire. Les très solides institutions américaines, dont le fonctionnement a été respecté à la lettre pendant le dépouillement des suffrages, sont maintenant au service d’une vision originale, mais qui reste aussi dangereuse aujourd’hui que lorsqu’elle était dénoncée pendant la campagne électorale. M. Trump a prouvé des centaines de fois qu’il était imprévisible et bien que l’exercice du pouvoir soit de nature à le normaliser, on peut craindre qu’il mette en vigueur les idées, parfois inapplicables, qu’il n’a cessé d’exposer.
La surprise causée au monde entier par la victoire de Trump ne constitue pas seulement une humiliation pour le parti démocrate, pour son électorat, pour la presse et les sondeurs. Des politologues très sérieux, d’excellents experts de la politique intérieure américaine, l’ensemble des gouvernements européens, ceux du Proche-Orient et de l’Asie, notamment du Japon, n’ont pas cru que la victoire de Trump fût possible. Tous militaient pour le succès de Hillary Clinton, même s’ils ne votaient pas. Si une erreur fondamentale d’analyse a été commise, elle est partagée par des centaines de millions de personnes. Toutes sont saisies d’inquiétude, et même d’angoisse, comme en témoigne la chute brutale des marchés boursiers. M. Trump a tout à fait le droit de savourer son triomphe, celui-ci n’en est pas moins perçu comme un désastre.

Promesses, promesses…

Dans son discours d’acceptation, le président-élu a annoncé qu’il allait doubler la croissance aux Etats-Unis. Comme il vient de gagner, il y aura bien sûr des gens pour le croire naïvement. Cela semble signifier que le candidat qui a raconté bon nombre de calembredaines pendant la campagne continue à mentir et à annoncer des lendemains qui chantent, grâce à ses qualités de gestionnaire de l’économie. Une tâche à laquelle il est d’autant moins préparé qu’il n’a pas songé à former son équipe de gouvernement.
Une foule de gens, dans les heures et les jours qui viennent, s’attachera à expliquer les raisons du bouleversement qui affecte aujourd’hui les Etats-Unis. Nous n’aurions pas mesuré l’impopularité de Hillary Clinton, ni compris la colère du « peuple d’en bas », celui qui souffre tant de la mondialisation et d’une très injuste répartition des ressources. Nous n’aurions pas décelé la force du courant qui a porté Trump au pouvoir. Nous n’aurions pa vu ce qui crevait les yeux et qu’ont compris des gens plus lucides que nous, par exemple Marine Le Pen, Nadine Morano et Christine Boutin, qui se sont réjouies de la victoire de Trump.

Une mystérieuse colère.

Cette argumentation n’est nullement convaincante. L’Amérique d’Obama est restée un pays d’opportunités, celui où tout le monde peut se faire une place au soleil. Certes, les inégalités sociales y sont considérables. Mais si elles sont tellement insupportables dans un pays aussi riche, qu’est-ce qu’elles sont en Europe ? Qu’est-ce qu’elles sont dans les pays en développement, ou en Chine, ou en Russie ? Non, ce n’est pas la colère du peuple qui a triomphé de la sagesse conventionnelle. C’est la fragilité des démocraties devant le populisme. C’est la liberté, qui permet à tout un chacun de jeter son bonnet par dessus les moulins, la liberté d’un Trump qui a pu dire n’importe quoi pour l’emporter, la liberté des électeurs qui votent non en fonction d’une analyse, mais de leurs émotions. Quelques élus français se gargarisent avec l’idée de démocratie directe, avec les référendums, en proposant, en quelque sorte, la supériorité de l’électeur sur l’élu. Le peuple le veut, courbons l’échine. Et les « valeurs », alors ?

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Trump : victoire totale

  1. Liberty8 dit :

    Sidéré !
    Victoire du populisme, retour au Far West, gueule de bois !
    Les sondés ont fait comme les Français d’il y a 10 ans (pour le front national), ils n’ont pas osé donner verbalement leur intention de vote de peur d’être jugés mais se sont bien défoulés dans l’isoloir.
    Comment se faire élire avec un programme des plus light mais des plus racistes, xénophobe, isolationniste et anti social ?
    Le seul espoir : Trump est fiable comme Tchernobyl, il n’est pas sur qu’il mette en pratique le dixième de ses réformes … en espérant qu’il n’ouvre pas l’ère de Walking Dead !
    Surtout qu’on ne vienne pas nous faire la leçon avec notre Front national, nous au moins on ne l’a pas élu ! Pas encore.

  2. JMB dit :

    La candidate des élites a recueilli près de 631 000 voix de plus que son concurrent populiste. En particulier, les États-uniens ayant moins de 30 000 dollars (27 600 euros) de revenus annuels ont voté à 57% pour Mme Clinton. Certes plus de 70% des États-uniens se réclamant de l’évangélisme ont voté pour Trump, trois fois marié, qui fréquente plus la télévision et les défilés type Miss America que les lieux de culte.
    En 2000, le fait qu’Al Gore obtienne plus de suffrages des électeurs que George W. Bush mais que l’élection soit suspendue au résultat de celle en Floride, avait suscité des réflexions. Grâce à l’historien Élie Barnavi, nous apprîmes que les concepteurs de la constitution états-unienne souhaitaient pondérer le vote populaire et donner en dernier ressort le soin à des grands électeurs de désigner l’élu à la présidence. Les gens de bien avaient le dernier mot.
    Le général De Gaulle a été élu président selon un tel système de scrutin indirect en 1958, il a établi, pour le meilleur et pour le pire, l’élection au suffrage universel direct.

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