La vie sans Castro

Castro au faîte de son pouvoir (Photo AFP)

Castro au faîte de son pouvoir
(Photo AFP)

La mort de Fidel Castro ne manquera pas d’attiser, en France et ailleurs, les sempiternelles querelles entre partisans de deux sortes de libertés que les régimes totalitaires ne savent pas concilier.
LA DISPARITION du leader maximo ne change rien au choix du régime cubain de se réformer, mollement et lentement, dans le cadre d’un autoritarisme que rien, à ce jour, n’a vraiment modifié. Au vieillard qui vient de rendre l’âme, succède son frère, à peine plus jeune, qui maintient sur Cuba la loi d’airain établie par Castro. Si le succès d’une carrière se mesure à la permanence du legs transmis à un pays après le décès de son dictateur, Castro a parfaitement réussi ; encore que sa disparition annonce une brèche dans l’armure que les Cubains sauront peut-être élargir. On n’est pas surpris de ce que la fin de 56 années de règne indiscuté vaille au « géant » cubain des tombereaux de gloire posthume, déversés avec dévotion par toutes les gauches du monde, elles-mêmes associées aux nostalgiques des Soviets.

L’ostracisme des Etats-Unis.

Le Cuba révolutionnaire de Fidel Castro a certainement subi l’ostracisme exacerbé des Etats-Unis qui ont cherché, par tous les moyens, de l’intimidation à l’invasion, à se débarrasser d’un régime hostile, constitué devant leur porte et qui, pour mieux se défendre contre leurs menées impérialistes, n’a pas hésité à entraîner le monde entier dans une crise telle qu’on ne fut pas loin de déclencher le feu nucléaire. Pour « réussir » la révolution castriste, Castro a pris des risques insensés qui, par comparaison, relativisent ceux que nous font courir aujourd’hui la Corée du Nord et son gouvernement dérangé. Dans son désir d’exalter les immenses vertus de Castro, le manichéisme international a fait valoir quelques arguments qui ne résistaient guère à l’analyse, en minimisant l’inquiétude des Américains, pourtant justifié par le comportement irréductible de Nikita Krouchtchev et en faisant de l’expérience cubaine l’exemple irréfragable que l’ensemble du tiers-monde devait suivre. On sait ce qu’il advint : la mondialisation a permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la misère et de la précarité. Le seul exemple qui vaille pour tous les déshérités de la terre, c’est le travail, c’est le développement économique et social, c’est la production et la vente. La dictature cubaine, en revanche, n’a pu s’imposer, résister et confirmer son irréversibilité qu’en recourant à une répression d’une extrême violence. Il est vrai que Castro a donné aux Cubains une éducation qui a effacé l’illettrisme, mais il n’est pas allé jusqu’à leur enseigner que la liberté individuelle est sacrée. Comment ne pas voir dans cet entêtement de presque soixante ans la preuve indéniable que la protection de son pouvoir était plus importante à ses yeux que le bien-être de ses administrés ? Comment ne pas voir que l’espoir des Cubains aujourd’hui, c’est l’investissement et le tourisme américains ?

Le culte de la personnalité.

Le romantisme de la révolution et l’idolâtrie dont Che Guevara fait encore l’objet continueront à retarder la réforme indispensable. Les avatars catastrophiques de l’expérience cubaine, au Nicaragua, en Colombie, au Venezuela et dans le reste de l’Amérique Latine devraient suffire à calmer l’ardeur élégiaque qu’inspire la foi castriste. Il n’en est rien. Vivant, Castro tenait son pays dans une main de fer. Mort, il sera célébré par tous les moyens fallacieux qu’offre le culte de la personnalité. Je ne sous-estime pas le rôle pervers joué par l’Amérique dans les années soixante-dix. Pour que l’Argentine, le Chili et le Brésil échappent à la contamination castriste, elle en a fait de repoussantes dictatures militaires, plaçant sur ces pays, au nom des libertés, une chape de plomb qui les privait de toute liberté et permettant à des généraux sans scrupules de combattre leurs peuples comme si le peuple était l’unique ennemi. Il demeure que le Brésil, le Chili et l’Argentine sont aujourd’hui des démocraties parlementaires, ce que Cuba n’est toujours pas.
Rien de tout cela ne se serait produit si Fidel Castro avait envisagé un jour de tenter le pluripartisme, un développement économique et social qui aurait arraché Cuba à la dépendance de l’URSS, puis de la Russie, si l’idée qu’il s’est toujours faite de lui-même avait été nuancée par l’intérêt bien compris des Cubains, s’il avait enfin compris que la liberté, c’est la vie.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La vie sans Castro

  1. Alan dit :

    Merci pour cette analyse très pertinente. Je pense que la plupart des Cubains et des gens en Amérique Latine savent ce que nombre de Français tardent à comprendre (ne veulent pas voir).

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