Du bon usage des débats

Macron et Fillon avant le débat
(Photo AFP)

Le débat d’hier sur TF1 hier était long, portait sur les programmes des cinq candidats retenus par la chaîne, et n’a pas manqué d’informer minutieusement l’électorat. Ceux de nos concitoyens qui s’intéressent à cette passionnante séquence électorale n’ont pas, pour autant, fait de grandes découvertes. Ces grand-messes télévisées sont-elles indispensables ?

ELLES LE SONT pour ceux qui n’ont pas le temps ou la patience de lire et auxquels elles offrent les images vivantes de la politique. Mais même ceux qui ont déjà acquis une culture des partis et des institutions trouvent dans les propos de chacun des candidats des éléments susceptibles de les convaincre et dont ils aimeraient faire la synthèse, celle que représenterait leur candidat idéal. Ce n’est pas de la sorte que les choses fonctionnent. Il n’y a pas d’élu fabriqué sur mesures. Il faut choisir celui qui se rapproche le plus des idées que l’on a. Déjà les primaires ont contraint nombre d’électeurs à faire leur deuil du candidat qu’ils appelaient de leurs voeux. Aujourd’hui encore, pour le premier tour, nous devons choisir non pas le meilleur selon nous, mais le moins mauvais. Ainsi, le jeu des éliminations successives nous envoie vers une second choix, puis vers un troisième, pour autant qu’au terme de la course nous ne soyons pas placés devant un insoluble dilemme.

Fillon sur la défensive.

Le débat d’hier a-t-il changé la donne, renforcé ou affaibli l’un ou l’autre des personnalités en présence? Les rendez-vous télévisés vont-ils avoir sur le cours de la présidentielle un impact inattendu? Peut-être parce que les gens avertis n’ont rien appris hier qu’ils ne savaient déjà, on n’a pas eu l’impression d’avoir assisté à un événement décisif, bien que le spectacle ait attiré près de dix millions de téléspectateurs, que le débat ait été approfondi, plutôt décent, souvent animé, quelquefois drôle. Les distributeurs de bons et mauvais points n’ont exprimé que leur subjectivité. Je n’ai pas retrouvé dans leur palmarès une hiérarchie des comportements comparable à la mienne. À gauche, Benoît Hamon ne parvient pas encore à faire président. Jean-Luc Mélenchon, conforme à lui-même, a su mettre une sourdine à ses emportements traditionnels sans quitter le ring où il aime boxer. Marine Le Pen a prononcé, notamment sur l’Europe et à la demande de François Fillon, quelques-unes des énormités (ou des mensonges) qui lui valent de faire la course en tête. François Fillon a été « solide », tout le monde le dit, surtout ses amis et ses proches, mais il n’a pas été éblouissant au point de fasciner les quatre ou cinq millions d’électeurs dont il a encore besoin pour franchir le premier tour. Enfin, il y avait dans le studio ce jeune homme aux yeux bleus qui n’a plus comme rivale que Marine Le Pen et qui l’a prise au mot chaque fois qu’elle l’agressait, fût-ce dans un langage modeste. Ces deux-là se battent déjà pour le second tour et ont la complicité des premiers de la classe.

Ralliements à Macron.

Je constate donc qu’à sa progression dans les enquêtes d’opinion, M. Macron ajoute des gains quotidiens de ralliements, grâce à l’arrivée de nombreux socialistes accablés par ce concours des utopies organisé par MM. Hamon et Mélenchon, de pas mal de jeunes auxquels il offre le changement qu’ils réclament à cor et à cri, et de cette large fraction du peuple qui en a marre de l’affreuse coupure du pays entre droite et gauche. On était dans le bain de la synthèse, hier. On aurait bien pris une grosse tranche de Fillon, une pincée de sel Hamon, un doigt de poivre Mélenchon, un bon morceau de Macron, et, pourquoi pas, une grain d’hellébore de chez Mme Le Pen qui, entre cent fadaises, glisse parfois une petite vérité aussi toxique que la plante que je viens de citer. M. Macron est celui qui semble apporter le plus grand nombre de ces ingrédients. Son programme n’a pas la vigueur de celui de M. Fillon, mais voilà : il est bon, il est beau, il est bio.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Du bon usage des débats

  1. Patrice Martin dit :

    Personnellement j’ai eu l’impression de voir un illusionniste prestidigitateur (Macron), un saltimbanque déconnecté mais drôle (Mélenchon), un gamin de 8 ans d’âge mental (Hamon), une hystérique et un président. Hélas, j’ai sans doute été le seul.
    Je voudrais souligner l’habileté de Macron à valider certains arguments de Fillon (ce qui étoffe sa stature de présidentiable) et la pertinence de Le Pen quand elle a agressé Macron sur le vide qui ressort de son discours. Pourrons-nous bientôt écrire, plagiant ce bon Winston : « Une voiture vide s’est arrêtée devant le perron de l’Elysée et Monsieur Macron en est sorti » …

  2. Agnès Gouinguenet. dit :

    Ouh là là ! Monsieur Poutine, Total, les pipelines, et d’éventuels faux en écriture ! Bigre. Ah, il n’a pas l’air mal le nouveau ministre de l’Intérieur. Crévingtdiou !

    • mXmF dit :

      Ce n’est pas chez les enfants de chœur que l’on trouve les plus grands chefs d’État, loin de là.
      D’ailleurs il n’y en a plus (des enfants de chœur)…

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