Macron se porte bien

Richard Ferrand
(Photo AFP)

À l’orée de la campagne des élections législatives, le président Macron ne donne pas de signes d’affaiblissement en dépit des attaques dont la République en marche fait l’objet. Il ne bénéficie pas encore d’une forte adhésion populaire, mais il fait l’objet d’une certaine curiosité.

« LE CANARD ENCHAÎNÉ », toujours lui, a découvert ce qui ressemble à un conflit d’intérêts dans le passé de Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires et ancien dirigeant de la campagne présidentielle d’En Marche ! M. Ferrand aurait impliqué sa compagne dans le développement des mutuelles de Bretagne, au bénéfice des patients, affirme-t-il, mais aussi, selon le « Canard », du sien. M. Ferrand rejette toute accusation de conflit d’intérêts, mais l’occasion est trop belle, pour les oppositions de droite et de gauche, de s’emparer d’une affaire susceptible d’endommager la bonne réputation du gouvernement ; lequel s’apprête à présenter son projet de loi de moralisation de la vie publique. Jean-Christophe Cambadélis, opposé à Mounir Mahjoubi, par ailleurs ministre du Numérique, dans la 16ème circonscription de Paris, exige du président et du ministre de la Justice, François Bayrou, qu’ils donnent une explication des faits et gestes de M. Ferrand. Il est vraisemblable que le tollé ne fera que s’amplifier, en partie à cause de la crédibilité du « Canard » dans ce genre d’affaires, en partie parce que la République en marche (REM) fait une campagne triomphale. Il est urgent, pour la droite et le PS, tous deux à bout de souffle, de donner un coup de frein à cette marche forcée.

Sacrifier M. Ferrand ?

M. Macron a tout le loisir, s’il le faut, de sacrifier M. Ferrand pour s’enlever une épine du pied. Mais la morale va dans les deux sens : il ne serait pas bien vu qu’il se sépare d’un ministre qui a beaucoup contribué à sa victoire à la présidentielle. Si le problème qui lui est posé est aigu, il ne semble pas que l’affaire puisse avoir le moindre impact sur le résultat des législatives. Sondages et projections accordent en effet à REM une bonne avance sur les autres partis politiques, à 32 % contre 19 % pour la formation arrivant en second, les Républicains (LR). Il n’est pas impossible que le mouvement de Macron emporte la majorité absolue. Mais, même s’il n’y parvient pas, il peut se réjouir de l’effet asphyxiant que REM exerce sur ses adversaires. Non seulement REM a évité de présenter des candidats dans les circonscriptions où il a de bonnes raisons de croire que les concurrents les mieux placés rejoindront la majorité présidentielle, mais nombre de candidats du PS n’hésitent pas, dans leurs affiches électorales, à oublier leurs origines et se réclament de la majorité présidentielle, même si M. Macron ne leur en a pas accordé le label, le cas le plus cité étant celui de Marisol Touraine, ancienne ministre de la Santé, qui se présente dans la troisième circonscription d’Indre-et-Loire. Le cas aussi de Malek Boutih, ex-PS, dans la 10ème circonscription de l’Essonne et de Myriam El Khomri, ex-ministre de M. Hollande dans la 18ème circonscription de Paris.

Macron cherche l’affaiblissement de la droite et de la gauche.

La campagne de M. Macron, n’en doutons, est très agressive : il s’agit pour lui d’administrer la preuve que les partis traditionnels sont finis et qu’il a inauguré une façon différente de faire de la politique. Il espère avoir convaincu l’opinion que l’on retrouvera l’accomplissement de son projet dans la composition de la prochaine assemblée. Il souhaite que LR fera un score insuffisant et que la déroute du PS sera confirmée, avec un nombre de députés socialistes qui ne dépassera pas la soixantaine. Face à une telle offensive, il est parfaitement logique que les deux partis visés se défendent par tous les moyens, même si, parfois, ceux-ci sont pathétiques. François Baroin, chef de la campagne de LR, présente M. Macron comme le champion de la pression fiscale alors que le programme de REM prévoit certes une hausse de la CSG mais une baisse de la fiscalité pour une forte partie de la population (par le biais d’une suppression de la taxe d’habitation). De la même manière, l’appel strident de M. Cambadélis à la mise en ordre morale de « l’affaire » Ferrand est quelque peu téléguidée : on n’a pas fini, en France, de peser sur le suffrage universel par le biais de scandales vrais ou non confirmés.
Il ne faut pas faire la moindre exception pour le nouveau venu dans la politique, ce jeune homme à la fois très ambitieux et clairvoyant, qui a enfourché une vague immense. Le fond de l’affaire, c’est que le président Macron a senti la force du mouvement et l’accompagne au lieu de s’y opposer. Ses adversaires, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, refusent pour le moment de jouer dans ce registre. Il faudra bien, pourtant, qu’ils fassent peau neuve, s’adaptent aux aspirations populaires, et reconnaissent ce qu’il y a de positif, et même de vital, dans le macronisme : il accepte les exigences inédites du peuple et les fond dans son programme. Ce faisant, il nous a épargné jusqu’à présent le triomphe des deux extrêmes qui menacent le pays.

RICHARD LISCIA

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