Le raz-de-marée annoncé

Honteuse agression
(Photo AFP)

Selon deux sondages (Odoxa et Harris Interactive-Indeed), l’abstention atteindra 53 % des inscrits au second tour des élections législatives de dimanche. Si les faits confirment les prévisions, le République en marche (REM) obtiendrait au minimum 440 sièges (majorité absolue : 289).

C’EST une bonne nouvelle pour REM, mais pas pour la démocratie. Cependant, le parti d’Emmanuel Macron n’est pour rien dans ce phénomène abstentionniste sans précédent. Les explications fournies par les personnes interrogées portent sur la lassitude, la certitude que, de toute façon, REM est imbattable et la désillusion qu’inspirent les autres partis à l’électorat. Pourtant, les deux-tiers des Français ne souhaitent pas que M. Macron bénéficie d’une trop forte majorité. Le découpage de l’hémicycle tel que le prévoient les derniers sondages montre que, en définitive, tous les autres partis ont la portion congrue, ce qui limiterait beaucoup leur capacité à s’opposer ou même à faire entendre leur voix. Les Républicains n’obtiendraient pas plus de 80 sièges, le PS 25 au maximum, la France insoumise et le PCF presque autant que le PS, le Front national entre 1 et 6.

Une demi-France qui vote, une demi qui ne vote pas.

Le second tour offre l’occasion aux partis politiques et aux commentateurs de presse de lancer un nouvel et ultime appel à la participation. Le refus de voter entraîne un clivage inédit entre participants qui croient aux chances du président de redresser le pays et abstentionnistes qui ne croient plus à grand-chose et s’éloignent du débat public. C’est un comportement incohérent dès lors qu’une majorité de Français ne souhaitent pas que M. Macron dispose d’une majorité écrasante mais qu’ils ne feront rien dimanche pour l’en empêcher. On constate en tout cas que le mode de scrutin, majoritaire à deux tours, n’est pas responsable du déséquilibre politique qui s’annonce. À la proportionnelle, les effets d’une abstention aussi massive n’auraient pas été sensiblement différents. Le seul moyen de corriger le tir et d’assurer une meilleure répartition des partis au sein de l’Assemblée, c’est justement le second tour. Les sondages ne retrouvent pas une baisse de la participation chez les partisans de REM. Ils relèvent un refus très répandu chez les jeunes de se rendre aux urnes. On peut donc craindre que le scrutin, au lieu de répartir les suffrages entre REM et les autres formations, se limite à une coupure entre deux France, l’une qui vote, l’autre qui ne vote pas.
Le président et son gouvernement sont en outre incapables de réduire la désaffection de l’électorat et refuseront, le moment venu, d’en assumer la responsabilité. En revanche, leur suprématie augmente leurs obligations. Ils sont condamnés à réussir, non seulement en lançant d’indispensables réformes mais en faisant en sorte qu’elles soient justes, ce que leurs intentions fiscales, notamment, ne confirment pas vraiment. Les diverses oppositions, de droite et de gauche, ne doivent pas nécessairement sombrer dans le désespoir : pour elles, c’est un très mauvais moment à passer, mais elles doivent se rappeler que l’exercice du pouvoir use les gouvernants et que l’inévitable impopularité des réformes diminuera très vite l’enthousiasme qu’inspire M. Macron.

L’incident NKM.

Au moment ou se clôt une campagne électorale qui n’aura jamais été aussi longue et aussi intense, je voudrais dénoncer à mon tour l’incident scandaleux dont Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate LR à Paris, a été victime. Elle distribuait des tracts quand un homme l’a prise à partie, l’a insultée, lui a renvoyé ses tracts à la figure. NKM a alors fait une chute et s’est évanouie pendant dix minutes. Elle est encore à l’hôpital et a reçu de toutes parts des messages de soutien. Le Premier ministre, Édouard Philippe, s’est rendu hier soir à son chevet. Il a fort bien souligné le caractère machiste de cette agression. Il est probable en effet que l’homme n’aurait pas eu cette conduite inqualifiable s’il avait eu affaire à plus fort que lui. Poursuivi par l’un des membres de l’équipe de la candidate, le forcené a frappé son poursuivant et s’est enfui. Heureusement, il a été photographié et la police ne devrait pas tarder à l’identifier et à l’arrêter. Dans tous les camps, l’agression a été déplorée et nombreux sont ceux qui y voient une conséquence du torrent de haine qui déferle sur Internet. À quoi j’ajouterai que si les candidats de tous bords mettaient un peu de décence dans leur leur langage électoral, ce qui n’est pas toujours le cas, ils ne contribueraient pas à enflammer des âmes dont la violence est surtout le produit d’une insigne lâcheté.

RICHARD LISCIA

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