Les sacrifiés du changement

Un simple député
(Photo AFP)

Deux anciens Premiers ministres tirent la dure leçon des élections présidentielle et législatives : Manuel Valls quitte le parti socialiste et Jean-Pierre Raffarin abandonne les trois dernières années de son mandat de sénateur.

LE PARADOXE, chez M. Valls, c’est qu’il approuve le programme de la République en marche, mais qu’il fut le chef du gouvernement qui laissa partir son ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, sans se douter qu’il lui ouvrait la voie à une carrière fulgurante qui l’a conduit à la présidence de la République. Macron a fait ce que Valls aurait voulu faire, et avec des idées très proches. Une antipathie réciproque, sans doute induite par l’ambition de M. Macron, les a empêchés de travailler ensemble. Le Premier ministre de l’époque a tout fait pour écarter son ministre des responsabilités, notamment en le déchargeant de la loi Travail et en la confiant à Myriam El Khomry. Le triomphe de M. Macron l’incite sans doute aujourd’hui à oublier son sérieux différend avec l’ancien Premier ministre, mais de toute façon, M. Valls, qui l’a emporté d’à peine 139 voix contre sa rivale de l’Essonne, Farida Amrani, se retrouve simple député au sein d’un parti dominé par l’homme qui lui a donné tant de fil à retordre au sein de son gouvernement.

Après le pouvoir, les vicissitudes.

Par fidélité à ses idées, Manuel Valls, oubliant la mauvaise qualité de ses relations avec M. Macron, a souhaité se porter candidat à la députation avec l’étiquette En Marche ! Ce qui faisait de lui un godillot rejoignant une nombreuse troupe. Il était un parmi tant d’autres. Il a gagné d’un cheveu, ce qui n’est pas un score brillant pour un ancien Premier ministre. Il quitte maintenant le PS, et on le comprend, car il y était un personnage peu conventionnel par rapport aux idées du parti et qu’il s’y est fait un incalculable nombre d’ennemis, de l’espèce la plus hargneuse. Alors qu’il tentait de pousser François Hollande à changer de fond en comble sa politique économique, il a été combattu par les frondeurs et par d’autres socialistes à chacune de ses initiatives, notamment la loi Travail, sujet qui n’en finit pas de mettre en danger les exécutifs, et aussi la déchéance de nationalité que François Hollande a imaginée mais dont on a donné à Valls la co-paternité.

LFI et Dieudonné.

Jusqu’à l’arrivée de M. Macron, M. Valls a été le réformateur très rocardien du PS au point d’en donner la nausée aux frondeurs et à Martine Aubry. Aujourd’hui, que peut-il faire, en tant que député isolé, apparenté République en marche, quels nouveaux rapports peut-il établir avec le président, qu’est-ce qui peut le rapprocher du Premier ministre, qu’est-ce qui lui permettra de faire entendre sa voix ? Si sa vie, c’est la politique, celle-ci vient de lui infliger de cruelles déceptions. Mais comptez sur Valls pour ne pas céder à la déprime. Dans un entretien avec l’écrivaine Christine Angot, dans « Libération » de ce matin, il déclare tout net ce que beaucoup chuchotent, à savoir que le mouvement de M. Mélenchon, la France insoumise, « se compromet avec l’islam politique ». Il constate que sa rivale dans l’Essonne, Mme Amrani, a reçu le soutien de Dieudonné, l’humoriste antisémite, et n’a rien dit à ce sujet. Il dit que « la gauche n’est pas à l’aise avec ce sujet-là ». Il ajoute :« Ce n’est pas la première fois qu’il y a de la complaisance à gauche avec le terrorisme ». Ce sont des paroles fortes, mais pas du tout exagérées et qui portent sur le problème de l’antisémitisme et du terrorisme islamiste en France. Son jugement n’épargne pas ceux qui continuent de croire que les victoires de la gauche doivent être remportées à n’importe quel prix, quitte à faire un bout de chemin avec des gens voués à détruire la société française. En d’autres termes, ce que Valls combat, c’est ce sectarisme qui finit par renverser l’idéal que l’on est censé servir. Faire de la politique, c’est affronter ce danger insidieux, contre lequel hommes et femmes engagées ne savent pas toujours se défendre.
Manuel Valls, au terme d’un cycle pour lui très défavorable, aurait pu changer de métier, sauf, peut-être, qu’il n’en connaît pas d’autres. Jean-Pierre Raffarin, lui, abandonne complètement la politique, sans doute parce qu’il estime occuper son temps dans d’utiles actions privées. Il va fonder une ONG qui se consacrera à empêcher les guerres. Il a beaucoup voyagé, c’est un bon connaisseur de la Chine et il aura été toute sa vie un homme de raison et de modération, à l’abri des excès de langage et des effets de manche.

RICHARD LISCIA

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