Macron bouscule les habitudes

Trump et Macron
(Photo AFP)

Sans doute est-ce une façon d’habituer les Français aux réformes et changements qu’il veut apporter à la société, mais Emmanuel Macron est en train de bousculer beaucoup de règles et de traditions, ce qui, bien sûr, lui vaut les critiques de l’opposition, satisfaite de pouvoir se faire entendre dans le concert d’éloges dont le président fait l’objet.

LA DÉCISION du chef de l’État de prononcer lundi 3 juillet devant les deux chambres réunies en congrès à Versailles une sorte d’introduction à l’ère macronienne a été prise pour renforcer son image déjà très positive en France et à l’étranger. Elle a le défaut de percuter de plein fouet le discours de politique générale que le Premier ministre, Édouard Philippe, est tenu de lire mardi 4 juillet devant l’Assemblée nationale, à laquelle il demandera d’accorder la confiance à son gouvernement. Interrogé en Estonie, où il allait chercher l’inspiration pour le développement en France des nouvelles technologies, M. Philippe ne voit aucune contradiction entre les deux séquences, affirmant que les deux textes seront calculés pour exclure toute redondance. On ne peut pas s’empêcher de penser que vouloir faire le buzz deux jours de suite, consacrer le président jupitérien et démontrer que le chef du gouvernement conduit la politique du pays est une entreprise coûteuse et compliquée, ce que les Républicains se sont empressés de dénoncer en accusant le président d’avoir commis une « faute ». La réunion du Congrès à Versailles est censée servir à une réforme constitutionnelle, ce qui n’est pas le cas, mais pendant son unique mandat, Nicolas Sarkozy n’avait pas hésité à convoquer le Congrès parce qu’il brûlait d’envie de s’adresser directement aux parlementaires, ce qui est, en principe, l’apanage du Premier ministre. Par la suite, l’ancien président avait dit qu’il serait juste que le chef de l’État pût s’adresser une fois par an aux élus.

La vraie nature de Macron.

Mais il y a beaucoup d’autres moyens offerts au président de se faire entendre, discours, conférences de presse ou entretiens télévisés. C’est là que l’on devine la vraie nature de M. Macron, qui n’aime pas du tout se confier aux journalistes et subir leur tir de barrage. L’avantage d’un discours à Versailles, dont nul ne peut contester le contenu, ni poser des questions de relance, c’est que le président, qui veut faire de son mandat une charnière dans l’histoire, peut exposer sa gouvernance, ses idées et sa vision. L’essentiel, pour lui, c’est d’échapper aux questions portant forcément sur ce qui ne va pas et qui le contraignent à fournir des explications apparaissant comme les justifications compliquées et embrouillées des problèmes qu’il n’a pas réglés. À plusieurs reprises, nous avons eu l’occasion d’examiner la curieuse relation de M. Macron avec une presse qu’il semble vouloir mettre au service de sa popularité et avec laquelle il ne joue pas le jeu de l’entretien sincère et sans langue de bois. L’une des raisons de son extraordinaire popularité, c’est qu’il s’exprime fort peu. Il est complètement sourd aux attaques des diverses oppositions, qui semblent prêcher dans le désert. Il ne parle que dans des conditions qu’il rend solennelles à souhait et qui tendent à faire de la magistrature suprême ce qu’elle est, une sorte de lieu sacré qu’il serait blasphématoire de polluer par des questions pointues sur le nucléaire ou sur l’environnement. La preuve en est que M. Macron a purement et simplement supprimé la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet. Dorénavant, il ne parlera que dans un cadre choisi par lui et dans des circonstances qu’il aura bien définies.

L’invitation adressée à Trump.

Pour le moment, tout le monde applaudit à ses méthodes, qu’il a amorcées très vite après son élection. Après avoir cheminé lentement jusqu’à la pyramide du Louvre au son de l’hymne européen, il avait prononcé un discours inaugural qui, pétri de bonnes formules, n’en a pas moins paru un peu long. On ne cesse, au sujet de Macron, d’évoquer la monarchie présidentielle, la renforcement institutionnel d’un régime entièrement axé sur le président, l’erreur (commise par Lionel Jospin) qui a consisté à faire coïncider le mandat du chef de l’État avec le renouvellement de l’Assemblée, le premier devançant le second, de sorte qu’il donne assurément une majorité au nouveau président. Mais, au fond, c’est toujours la même histoire : les hommes politiques veulent réviser la constitution tant qu’ils n’ont pas le pouvoir. Quand ils y accèdent, ils se coulent avec volupté dans la Loi fondamentale comme dans un habit taillé sur mesures. Avec le temps, il faudra que le président apprenne à faire des phrases qui ne seront pas nécessairement vouées à devenir des citations historiques.
Plus curieuse encore est l’invitation adressée à Donald Trump pour qu’il assiste à Paris au défilé militaire du 14 juillet et qu’il a acceptée. Cette année est le centième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 et M. Macron a souhaité que des troupes américaines participent au défilé. M. Trump trouve ça merveilleux, comme d’habitude, sans paraître se douter qu’il va renforcer les liens transatlantiques, l’amitié franco-américaine et les engagements de son pays au sein de l’OTAN, toutes choses qui ne conviennent pas vraiment à son isolationnisme. Ce genre d’initiative, c’est de la diplomatie habile, celle qui consiste à amadouer l’adversaire avec l’espoir de le rallier aux idées qu’il récuse.

RICHARD LISCIA

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9 réponses à Macron bouscule les habitudes

  1. liberty8 dit :

    L’invitation de Trump est un coup de génie, comment le président US pouvait il refuser ?
    Centenaire de l’entrée des USA en guerre pour le premier conflit, hommage aux USA, refuser c’était contre son caractère et surtout sa politique de mettre les USA au premier plan : « il y a nous … et les autres ». Bref piégé dans tous les cas.
    Macron bouscule tout, tous les jours une nouveauté, les autres partis ne savent plus ou donner de la tête quand ils ne s’énervent pas comme les communistes hier soir ou Jacob dans la même soirée.
    La presse, à ma grande joie, revient à son rôle d’analyse et non plus de faiseur de roi. Elle est remise a sa place.
    Sans faute pour moi, on attend la suite.

  2. Num dit :

    Je ne sais pas d’où vous tenez « son extraordinaire popularité » et que « tout le monde applaudit à ses méthodes », à part dans le petit milieu parisien. D’après un sondage paru ce jour, Macron est moins populaire que Sarkozy et Hollande au même stade de leur mandat, et en baisse. Tous les partis d’opposition critiquent ses méthodes hégémoniques cherchant à annihiler toute opposition.
    Cette stratégie de refus du dialogue est par ailleurs très risquée et le met dans l’obligation d’obtenir rapidement de résultats faute de quoi on lui reprochera d’être déconnecté.
    Quand on voit qu’il recule déjà sur la réforme du code du travail, on peut s’inquiéter.

    Réponse
    Dans un article qui ne ménage nullement Macron, vous avez jugez utile de sortir deux expressions de leur contexte. Il ne me reste plus qu’à me ranger à votre avis : Macron est très impopulaire, personne ne s’intéresse à lui et ce qu’il fait n’a aucun intérêt.
    R.L.
    PS
    Un sondage de ce matin indique que les Français, dans leur majorité, approuvent la communication du président. Un sondage datant de dimanche dernier lui accorde 64 % d’opinions favorables. Il n’a pas reculé sur la réforme du travail pour la bonne raison qu’il n’a pas commencé à négocier.

    • Num dit :

      Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit : Macron n’est pas impopulaire mais il n’est pas extraordinairement populaire non plus. Les gens autour de moi (aux profils variés) sont pour la plupart dans une position d’attente. Il sera jugé sur ses résultats (pas sur sa communication) mais il ne lui sera pas laissé cinq ans pour les obtenir.
      Sa stratégie hégémonique est risquée car s’il échoue (même partiellement), elle lui sera vivement reprochée. Peu le disent car l’ont oublié mais les débuts de Macron rappellent ceux de Sarkozy en 2007: nouveauté, ouverture, énergie, volonté de réformer dans tous les domaines, renouvellement, mise à l’écart des médias, muselage de l’opposition, Premier ministre réduit à simple collaborateur, etc. On sait comment ça a fini… Pourquoi ? Parce que Sarkozy n’a pas fait les réformes annoncées et qu’il n’a pas obtenu de résultats générant une très grande déception en plus des critiques sur son style. Voyons si Macron saura éviter de faire les mêmes erreurs.

      Réponse
      Oui, voyons. Mais pour voir, il faut attendre. Vous énoncez une série de jugements (muselage de l’opposition, stratégie hégémonique ?) qui ne correspondent à aucune action politique qui soit accomplie. Et pour cause. On sort à peine des élections. Vous ne voulez donner aucune chance à un président élu à une très forte majorité, dont le programme est centriste et non extrémiste et vous l’accusez des pires intentions avant même qu’il ait commencé à gouverner. D’après vous, pour éviter la catastrophe que vous annoncez, qu’est-ce qu’il faut faire ? Renverser le régime ?
      R.L.

      • JB7 dit :

        La comparaison avec Sarkozy est intéressante : il faut espérer qu’il n’y aura pas de crise mondiale pendant la présidence de Macron!
        Effectivement Sarkozy a débuté sa présidences avec de multiples ouvertures, beaucoup d’énergie et l’ouverture de nouveaux chantiers de réformes avant même que les précédentes soient terminées et votées. Las, la crise des « subprimes » a stoppé cet élan et Sarkozy a dû quitter ses habits de réformateur pour ceux (moins glorieux) de gestionnaire de cette crise.

        Réponse
        Moins glorieux ? Il nous évité une crise bancaire qui nous aurait tous réduits à néant.Sa réactivité a été salutaire pour les Français et les Européens. Le bilan de son quinquennat n’est pas étincelant, mais il n’est pas nul.
        R.L.

        • JB7 dit :

          Parfaitement d’accord avec vous ! Sarkozy a permis à la France de traverser la tempête de la crise des subprimes alors que celle-ci aurait très bien pu nous couler. Bien évidemment toute cette énergie qu’il a consacrée à gérer cette crise (notamment en réussissant à convaincre les autres chefs d’états européens pour certaines décisions) ne pouvait plus être utilisée pour continuer à réformer la France.
          Il n’est pas sûr que l’Histoire retienne son rôle majeur dans la gestion de cette crise, alors qu’elle aurait retenu les réformes qu’il aurait pu faire en l’absence de cet événement.
          Pour l’intérêt de la France et pour le nôtre, il faut que Macron entreprenne, sans entrave, les réformes dont notre pays a besoin … souhaitons-nous qu’il n’y ait pas la moindre crise pour venir stopper ce travail.

  3. Michel de Guibert dit :

    La vraie réforme institutionnelle serait de rétablir le septennat ; espérons que Macron le fera pour revenir à l’esprit de la Constitution et à un juste équilibre de l’exécutif et du législatif.

    • Num dit :

      Je suis d’accord avec vous et j’irai plus loin en rétablissant l’élection du président de la république au suffrage indirect et en séparant les élections présidentielle et législatives.
      Ainsi nous nous rapprocherions des grandes démocraties européennes avec un régime plus équilibré.

      Réponse.
      Comment ? Avec une majorité absolue qui ne souhaite pas ce changement ?
      R.L.

      • liberty8 dit :

        Oui je suis tout a fait d’accord avec vous.
        Nous avons deux pouvoirs qui interfèrent. Un seul pouvoir législatif avec l’assemblée qui élit un pouvoir exécutif avec un premier ministre qui forme son gouvernement.
        Un président chrysanthèmes élu au suffrage indirect évitera un doublon dont on peut vraiment se passer.
        Mais il est vrai qu’aucun parti ne propose cette solution, c’est bien dommage.

        • Michel de Guibert dit :

          Là, vous revenez à un système parlementaire avec un exécutif élu par l’assemblée et un président chrysanthèmes.
          Je pense au contraire qu’il faut un équilibre des pouvoirs, un juste équilibre de l’exécutif et du législatif par la restauration du septennat et une dissociation des élections présidentielles et législatives.

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