Macron défie Trump

Macron avec le secrétaire général de l’ONU, M. Guterres

L’un après l’autre, Donald Trump et Emmanuel Macron ont prononcé devant l’Assemblée générale de l’ONU des discours diamétralement opposés, dans la forme comme dans le fond.

L’EXERCICE du pouvoir et la confrontation aux réalités du monde n’ont pas convaincu le président des États-Unis qu’il devait tenir un langage différent, plus conciliant, plus diplomatique, surtout dans une enceinte dont la vocation est le maintien de la paix. M. Trump a exprimé hier sa vraie nature, belliqueuse, sûre de sa force, arrogante. Il a dit qu’il est prêt à tout, y compris à raser la Corée du Nord, à se retirer de l’accord nucléaire conclu avec l’Iran et à abandonner le projet mondial de lutte contre le réchauffement climatique. Le président Macron, pour sa part, a énoncé des idées inverses, véhiculées par une langue impeccable. Il a soutenu à plusieurs reprises le multilatéralisme, dont les effets sont bien plus pacifiques que les menaces lancées au nom de la supériorité militaire, il a insisté avec humanisme sur la détresse indescriptible des immigrés, apporté son aval à l’accord nucléaire avec l’Iran, dénoncé Bachar Al-Assad tout en admettant qu’il faut négocier avec lui. Bref, Macron dit le contraire de Trump et ce qui se passe sur la scène internationale est tout à fait nouveau.

La défense du multilatéralisme.

Rex Tillerson, le secrétaire d’État américain, sait nuancer les propos de Trump : une renégociation de l’accord climatique nous permettra d’y rester, dit-il en substance ; des garanties nouvelles apportées par l’Iran nous convaincront de rester signataires du pacte que nous avons conclu avec lui. M. Macron répond qu’il n’est pas du tout question de renégocier quoi que ce soit dans chacun des deux dossiers. Cela signifie que, en dépit de la chaleur des rencontres Trump-Clinton, le président français qui a fait entendre un son agréable à la réunion des Nations-Unies, offre une alternative à l’unilatéralisme américain et que, de facto, il est en train de contribuer à l’isolement croissant des États-Unis.
Car il ne faut pas s’y tromper : l’Amérique ne peut raser la Corée du Nord que si, au préalable, Pyong Yang attaque le territoire sud-coréen, japonais ou américain. Si Trump se livrait à une attaque préventive, ce serait une déclaration de guerre à la Chine et sans doute à la Russie. Pour le moment, et en l’absence d’un acte insensé de Kim Jong-Un, le seul moyen de faire baisser la tension entre Washington et Pyong Yang, c’est la négociation par l’entremise de la Chine. Aucun allié traditionnel des États-Unis, même pas la Corée du Sud, même pas le Japon, n’a envie de se lancer dans une aventure suicidaire parce que M. Trump ne croit qu’aux vertus de la force. Le président américain peut déjà dresser un premier bilan de son action à l’étranger : ce sont la Russie et l’Iran qui mènent le bal en Syrie, où les Américains ne défendent plus que des positions éparses. Dans la question iranienne, M. Trump est le seul à vouloir renvoyer l’Iran à son statut de paria. Dans la question climatique, c’est également l’Amérique contre tous.

L’isolement des États-Unis.

Si M. Trump, pour une fois, va au-delà de ses pulsions, il ne manquera pas de constater que son action est en train de rétrécir l’influence américaine, que la Chine et la Russie font ce qu’elles veulent dans le monde sans tenir compte du point de vue de M. Trump, que l’isolationnisme éteint le rayonnement américain et que le protectionnisme finira par coûter très cher aux salariés américains. L’aveuglement du président, entretenu par ses électeurs, mais par bien peu d’élus républicains, le conduit tout simplement à la faillite.
Ce qui ne veut pas dire que nous évoluions vers un monde meilleur. La disparition du sens de la nuance et de la subtilité en diplomatie peut produire le pire des désastres, aussi bien à cause de la Corée qu’à cause des points chauds du globe où le retrait américain donne leur chance aux criminels de tous bords, de Bachar au Hezbollah, des passeurs libyens à Nicolas Maduro. La conduite hégémonique de la Chine dans le Pacifique oriental, la pax poutina qui se dessine en Syrie et en Irak, les premières victoires du chiisme contre le sunnisme au Proche-Orient, la montée en puissance de l’Iran sous le parapluie russe, la crise de nerfs permanente du président turc, Recep Erdogan, la lutte contre le terrorisme qui absorbe beaucoup d’énergie européenne, la défaite américaine en Afghanistan montrent que les successeurs de la superpuissance seront bien moins commodes qu’elle.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Macron défie Trump

  1. JB7 dit :

    Une fois de plus , votre article est très bien argumenté et … illustre bien les conséquences probables des évènements actuels. Merci.

  2. mathieu dit :

    Aussi inconsistant, intellectuellement, politiquement et moralement qu’il soit, ce n’est pas en six mois que M. Trump a pu enfermer la première puissance mondiale dans l’isolationnisme. Le pays – et le monde – collectent aujourd’hui les dividendes du président – très humaniste, lui – qui l’a précédé, M. Obama, qui en huit ans a été absent de tous les débats, crises, conflits de la planète (Europe, Ukraine, Proche et Moyen-orient, Corée, Afrique), dans un isolationnisme propre, vertueux et pacifiste, dont les résultats éclatent aujourd’hui au grand jour et à la figure de son histrion de successeur, qui, à ce jour, a par un bombardement – louable – en Syrie, n’a encore rien commis d’irréparable. Alors que la passivité d’Obama (responsabilité historique), a créé la toute puissance de Poutine et permis la prolifération nucléaire incontrôlée.

    Réponse
    L’isolationnisme n’est pas seulement une attitude de Trump, c’est un projet. Si vous sentez plus rassuré avec Trump qu’avec Obama, qui n’était pas l’objet de mon propos, je ne peux que vous féliciter pour votre optimisme.
    R.L.

    • mathieu dit :

      Je ne suis certes pas plus rassuré, ou plutôt pas moins inquiet, car ces deux présidences marquent le retrait visible et affiché du grand arbitre mondial qu’était, à tort ou à raison, depuis le 7 décembre 1941, l’oncle Sam, préoccupé désormais (peut-on l’en blâmer?), de ses seuls enfants…ou neveux (!) et de leurs intérêts commerciaux. La présidence Trump , radicalement différente de la précédente dans le style et l’image, le sera-t-elle dans l’action politique et l’inflexion de l’ordre mondial? Rien n’est moins sûr!

      Réponse
      Le rejet de l’accord sur le réchauffement climatique, la volonté d’en finir avec l’accord nucléaire avec l’Iran, le soutien apporté au Brexit, la remise en cause du traité commercial avec le Canada et le Mexique, le refus de financer l’OTAN et l’ONU sont des actes qu’Obama n’a jamais accomplis. Votre entêtement à ne pas reconnaître qu’il y a un changement majeur de paradigme avec Trump n’est qu’une façon artificielle d’associer deux hommes qui n’ont rien en commun.

      R. L.

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