Rupture au FN

Philippot : fin de partie
(Photo AFP)

La démission de Florian Philippot, vice-président du FN, traduit une crise profonde au sein du Front national, un peu plus plus affaibli chaque jour par ses divisions et ses incertitudes idéologiques.

DEPUIS que M. Philippot a créé son association, « les Patriotes », qui ressemble furieusement à un parti politique, rien n’allait plus vraiment entre Marine Le Pen et le tout premier de ses collègues. Venu du chevènementisme, fortement inspiré par le souverainisme, le gaullisme et autres thérapies contre la mondialisation, Florian Philippot occupait au sein du Front une place que beaucoup lui enviaient, lui qui n’a que 35 ans et s’est déjà illustré comme l’idéologue de la droite extrême et le confident de Mme Le Pen. Dans cette officine, vaste mais sombre, où le pouvoir se transmet de père en fille, où les « trahisons », comme celle de Bruno Mégret à la fin des années 90, sont courantes, où les débats de toutes sortes sont à la fois interminables et foisonnants, la crise née de la défaite électorale couvait donc depuis juin dernier.
M. Philippot et sa carrière fulgurante ont suscité beaucoup de jalousies et le procès qui lui a été fait par de nombreux ténors du FN résulte davantage de son indépendance d’esprit, d’une certaine arrogance face aux caciques du Front, de son côté « à prendre ou à laisser » que d’un danger quelconque auquel il aurait exposé le FN. Marine Le Pen est entrée dans une période de doute : elle a très mal vécu sa détestable performance télévisée d’entre les deux tours, elle s’en remettait toujours à M. Philippot pour maintenir la ligne du parti et la cohérence de ses propres idées, elle ne l’avait hissé à ses côtés que pour en faire son numéro deux et peut-être même son successeur.

Le rôle d’Aliot.

Bien que la défaite et l’incapacité du parti à tomber d’accord sur une ligne politique soient les principales raisons de son affaiblissement, lequel est d’ailleurs davantage dans les têtes que dans la réalité électorale, aucun sujet de fond n’explique le divorce entre Mme Le Pen et M. Philippot. La haine que sa présence nonchalante de premier de la classe soulevait dans les rangs explique la création des « Patriotes », rempart contre les complots internes, qui lui-même a été compris comme un défi à l’autorité de la présidente. M. Philippot a voulu se protéger contre les révolutions de palais, Mme Le Pen a vu dans la manoeuvre le début d’une trahison, née de son propre désarroi. Et c’est donc à son compagnon, Louis Aliot, qu’elle a demandé de sonner l’hallali dans un tweet vengeur où il ne se prive pas de couvrir d’épithètes l’ex-vice-président. Ainsi en va-t-il dans les systèmes totalitaires, où il faut toujours justifier un limogeage par les tares, naguère inconnues mais soudainement insupportables, du limogé.

Les clés de la maison.

Fidèle à lui-même, Jean-luc Mélenchon a appelé les « fâchés, mais pas fachos » (et surtout pas M. Philippot) à rejoindre la France insoumise, confirmant de cette manière ses affinités avec un mouvement censé se situer à l’opposé du spectre idéologique. La rupture entre Marine et Florian entraînera inévitablement des défections de militants lassés par les palinodies de la direction. M. Aliot dit que M. Philippot, parce qu’il ne travaillait plus, ne servait plus à rien. Il avait pourtant imposé à l’opinion l’image du personnage jeune, cultivé, disert, moderne qu’il est encore. Il ne pouvait occuper une place de premier plan sans être indispensable à Marine Le Pen qui, déjà très déconcertée par sa défaite, va se sentir bien seule au pouvoir, pour autant qu’elle compte y rester encore longtemps.
Il y aurait, dans ce cas, beaucoup de candidats à la relève. Le départ de M. Philippot va sans doute mettre un terme au programme le plus absurde du FN, la sortie de l’euro. De ce point de vue, c’est un facteur de réunification du parti. En revanche, d’autres personnalités fortes, comme Marion Maréchal-Le Pen, pourraient revenir sur la scène lors d’une quête de principes solides (immigration, religion, moeurs) sur lesquels l’action du FN pourrait être recentrée. Le retour aux fondamentaux, en quelque sorte. Tant que la famille a les clés de la maison, le Front survivra à ses crises. Quand la famille se déchirera, processus déjà bien entamé avec la guerre entre Jean-Marie et Marine, le danger sera mortel.

RICHARD LISCIA

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