Douloureux Brexit

May et Juncker
(Photo AFP)

Au terme d’une longue et pénible négociation, la Première ministre britannique, Theresa May, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, sont parvenus à un accord qui dégage la voie pour la séparation de la Grande-Bretagne et de l’Union européenne.

LES DEUX partenaires ont consacré beaucoup de temps à trois dossiers qui se présentaient comme des obstacles à des pourparlers sur le fond : le règlement financier des engagements pris par le Royaume-Uni pour des travaux d’infrastructure européens,  dont le montant (pas encore fixé) est estimé à une cinquantaine de milliards d’euros ; Londres accepte de payer. Le sort des expatriés : Mme May consent à maintenir tous les droits dont bénéficient les travailleurs européens installés en Grande-Bretagne, en échange du même statut pour les Britanniques installés en Europe. Enfin, la frontière entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise ne sera pas fermée, mais tout de même contrôlée.

Pas de « nettoyage ethnique ».

Jamais à court d’un compliment, M. Juncker a reconnu le talent de négociatrice de Mme May. C’est utile dans la mesure où vont très vite s’ouvrir les discussions sur le fond : la chef du gouvernement britannique a hâte de conclure avec les 27 une série d’accords commerciaux qui permettront à l’économie britannique de se maintenir à flot. Mais beaucoup de temps a été perdu au nom de la politique intérieure britannique. Mme May espérait imposer aux Européens un accord qui, en mettant en cause quelques vieilles habitudes, comme l’immigration des talents au Royaume-Uni, aurait satisfait les Brexiters les plus opiniâtres. À ceux-là même à qui Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, et l’extrême droite annonçaient, avant le référendum de juin 2016, des économies d’un montant si élevé qu’elles auraient financé le système anglais d’assurance-maladie, Mme May va bientôt dire que la réalité du Brexit, c’est d’abord la perte de 50 milliards et pas du tout le « nettoyage ethnique », si l’on m’autorise cette expression, des étrangers qui vivent en Grande-Bretagne. Il y a loin de la coupe aux lèvres et nos amis anglais en sont à avaler toutes les couleuvres pour n’avoir pas à reconnaître que le Brexit est pour eux un désastre.

Démons et merveilles.

En tout cas, le temps presse. Car le Royaume-Uni a décidé de fixer la fin des négociations à mars 2019, ce qui laisse quinze mois aux négociateurs pour conclure des accords infiniment complexes. On a tout dit des difficultés de Theresa May et on a même émis l’hypothèse qu’elle n’avait pas les compétences requises pour protéger les intérêts britanniques, comme si ce n’était pas le peuple souverain qui avait commis cette folie de quitter l’Union européenne. Sa détermination à ne rien lâcher a fini par céder le pas au réalisme. C’est une preuve d’intelligence. Il fallait impérativement que les Britanniques fussent placés devant la dure conjoncture qu’ils ont délibérément créée. Pour ce qui concerne les partisans de l’Union, cette première phase de la négociation sur le divorce est un crève-coeur. Ceux d’entre nous qui ont pensé que les Anglais finiraient par reculer devant les difficultés en seront pour leurs frais. Le royaume nous quitte, l’accord intervenu hier soir le prouve. Nous continuerons à penser que les gains de souveraineté obtenus par Londres ne sont guère compensés par une stimulation de leur économie, que le Brexit leur coûte un bras, que lorsque le soleil se lèvera en mars 2019 sur une Grande-Bretagne prenant le large, les sujets de la reine auront sûrement un pincement de coeur, comme au début d’une aventure qui promet plus de démons que de merveilles.

Mme May n’est pas un personnage inintéressant, qui a été galvanisée par le respect de la volonté populaire, du vote démocratique, de la loi d’airain que crée une majorité. Ceux qui ont raillé et condamné des référendums européens qui ne respectaient pas cette loi se féliciteront sans doute de la rigueur et de l’intégrité des choix britanniques. La démocratie au service d’une cause douteuse, bizarre, anachronique et passéiste.

RICHARD LISCIA

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