Hulot s’en va

Écartelé entre conviction et action
(Photo AFP)

Au cours d’un entretien avec France Inter ce matin, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a annoncé  qu’il quittait le gouvernement. Il estime en effet que son bilan pour la lutte en faveur de l’environnement est resté insuffisant.

LA NOUVELLE est énorme et a alimenté une kyrielle de réactions, toutes axées sur un point central, le coup politique porté par la démission de M. Hulot à Emmanuel Macron. L’ex-ministre n’a pas jugé utile d’informer le président de la République et le Premier ministre de sa décision et a expliqué sa méthode par la crainte de céder à leurs efforts de persuasion. La surprise est immense, dans le sens où l’on n’attendait pas cette décision pour le mois d’août, mais relative, car cela fait des mois qu’il faisait allusion à son départ. Bien entendu, le geste fracassant de M. Hulot nuit objectivement au président Macron. Le voilà dénoncé personnellement en tant que chef d’État qui aurait trahi ses engagements en matière de défense de l’environnement, ce qui est discutable, et le voilà soumis à un nouveau tir de barrage des oppositions qui, décidément, depuis deux mois, ne manquent pas d’événements propres à alimenter les assauts répétés auxquelles elles se livrent contre le pouvoir.

Les affres de M. Hulot.

La démission de Nicolas Hulot est celle d’un homme torturé depuis longtemps entre des convictions puissantes et un exercice du pouvoir auquel il n’avait cessé de se dérober jusqu’à ce que M. Macron gagne les élections de 2017. Il ne l’a pas caché : en préférant annoncer publiquement sa démission sans en informer l’exécutif, il a voulu échapper au cycle douloureux d’une décision cent fois prise et reportée. Jean-Luc Mélenchon peut bien déclarer que la macronie amorce sa « décomposition », la vérité est ailleurs. M. Hulot a été le meilleur ministre de l’environnement que nous ayons jamais eu et M. Macron est le président qui a agi contre le réchauffement climatique alors que ses prédécesseurs s’étaient contentés d’en parler. M. Hulot, en outre, a eu plusieurs fois l’occasion de dire que les choses sont différentes quand elles sont observées du point de vue de l’exécutif et non du point de vue du citoyen. Il a pris conscience des limites d’une action gouvernementale constamment contrainte par des intérêts contradictoires qui, tous, doivent être respectés.  Naguère ennemi du dépôt des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, il a déclaré, une fois qu’il est devenu ministre : « Je ne peux pas faire disparaître ces déchets comme par enchantement. »

Un bilan positif.

Son bilan n’est pas nul : il a fait adopter le plan climat (6 juillet 2017) qui éliminera les voitures à essence ou diesel en 2040 ; il a fait interdire les néonicotinoïdes, obtenu l’abandon de la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, arraché la décision d’éliminer le glyphosate du territoire français en trois ans et non en cinq, comme le prévoit la norme européenne ; et, de lui-même, il a adopté sur l’énergie nucléaire une position relativement modérée. On ne lui reprochera certainement pas sa rectitude intellectuelle, mais on regrettera que, chez lui, l’exigence reste absolue bien que la politique ne soit faite que de compromis. C’est dommage pour lui, pour Macron et pour la défense de l’environnement.  Ce qui l’a incité à partir, c’est la visite, hier, des chasseurs à l’Élysée, auxquels M. Macron a promis une réduction de 50 % du prix du permis de chasse. Il n’est pas impossible qu’en se présentant ce matin à France Inter, il ne savait pas lui-même qu’il annoncerait sa démission. Mais il s’empresse de dire que ses frustrations sont nombreuses et portent sur plusieurs sujets.

Le geste de Nicolas Hulot complique les plans de M. Macron et l’oblige probablement à précipiter son remaniement gouvernemental, où M. Mélenchon décèlera sans doute une accélération de la décomposition du pouvoir. Il importe que le président de la République continue d’appliquer et de renforcer une politique environnementale dont il ne doit pas avoir honte. Comme pour le reste, Macron a plus fait pour la planète que la totalité de ses prédécesseurs. On peut comprendre l’intransigeance de M. Hulot, mais, en partant, il n’a rendu service ni à ce gouvernement ni à la cause qu’il défend.

RICHARD LISCIA

 

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9 réponses à Hulot s’en va

  1. Scalex dit :

    Dommage, il est tellement plus gratifiant de faire partie de ceux qui construisent, plutôt que de ceux qui critiquent.

  2. étémeutrier885 dit :

    Eté meurtrier pour les macronistes qui doivent quand même l’avoir un peu en Travert de la gorge ! Qu’ils se rassurent, les ministres de la macronie sont bien la seule véritable caution verte du gouvernement de la com.:ils sont en carton.

    Réponse
    Quel bon mot ! Si on pouvait dire « en hulot de la gorge », ce serait formidable, surtout avec des ministres en carton. Félicitations pour votre immense talent.
    R. L.

  3. ostré dit :

    Il a eu en effet quelques résultats mais s’est heurté à tous les lobbies que suit le président qui soutient les chasseurs.

  4. Michel de Guibert dit :

    Il est tout de même dérisoire que Nicolas Hulot annonce son départ en réaction à une mesure en faveur des chasseurs même s’il exècre ces derniers !
    Il y a tout de même des questions plus importantes et plus graves que celle du permis de chasse pour un ministre de l’écologie…

    • marie josephe dzula dit :

      C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! On peut être conciliant, mais il y a pour certains des limites qu’on ne dépasse pas quand on veut pouvoir se regarder dans la glace le matin et se reconnaître.C’est la différence entre les moutons de Panurge et les autres.

  5. JULIEN dit :

    Nicolas Hulot savait certainement que la résolution des problèmes écologiques actuels serait freinée par l’importance des problèmes sociaux. Comment peut-on prôner la croissance susceptible d’améliorer la situation des Français et des Européens en général quand on sait bien que celle-ci ne peut qu’aggraver les problèmes écologiques. Croissance verte ? Mais qu’est-ce que la croissance verte ? Le court terme, (satisfaire les demandes sociales) s’oppose au long terme (l’avenir de la planète); Comment résoudre ce dilemme ?
    Merci en tous cas, à Nicolas Hulot pour ce qu’il a fait et merci aussi pour ses idées concernant ce qu’il faudrait faire

  6. jean-Marie Boy dit :

    C’est plus que cavalier, après moi, le déluge …

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