La drogue des mots

Macron au Danemark
(Photo AFP)

Les mots sont une drogue qui intoxique tout le monde, ceux qui parlent et ceux qui leur répondent. Emmanuel Macron, au Danemark, a parlé des « Gaulois réfractaires » (au changement), ce qui lui a valu un tombereau d’injures. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’il utilise ces termes, avec l’intention de souligner la difficulté de réformer la France.

ON NE S’ARRÊTERAIT pas sur cet épisode, un de plus, de la litanie des propos qui bouleversent, irritent, soulèvent la colère des gens. Et surtout celle des partis politiques qui s’inscrivent dans des oppositions auxquelles tout convient, les actes, mais aussi la sémantique du pouvoir, dans leur exercice désormais prévisible et répétitif de la guérilla anti-Macron. D’aucuns penseraient que la référence aux « Gaulois » rappellerait à leurs descendants leur amour de l’indépendance. Mais non, les déclarations du président sont une « sottise » (Alexis Corbière) et le reste des ripostes est à l’avenant. On me permettra de ne pas partager l’émoi de vierge effarouchée qui fait résonner si fort les cymbales des oppositions. Dénoncer le chef de l’État quand il réforme, ce qui apparaît comme une inévitable évidence depuis quinze mois, ou quand il prononce des propos quelque peu provocateurs (la marque même de son discours), c’est en quelque sorte une façon d’entrer dans son jeu, lequel consiste à réveiller les Français d’une torpeur qui les empêche d’évaluer les dangers auxquels est exposée notre société.

L’exemple danois.

Il faut reconnaître que le président ne peut pas « ironiser » sur le comportement de ses concitoyens car son rôle premier est de les protéger. Il se trouve qu’il était au Danemark, paradis de la flexisécurité, système de protection sociale qu’il souhaite ardemment appliquer à la France. Il s’est empressé de dire que, son pays n’étant pas réformable, il avait choisi la voie de la « transformation ». Il y a encore quelques semaines, j’exprimais la conviction qu’il devait se montrer plus vigilant et s’adresser aux Français sur un ton plus oecuménique. Mais, cet homme intelligent, qui semble savoir ce qu’il fait, a choisi le parti-pris de la provocation. C’est son affaire. Mais, dans ce cas, pourquoi, ce matin, a-t-il pris le soin de s’expliquer sur ses propos, comme s’il regrettait le lendemain ce qu’il avait dit la veille ? Ce genre d’aller-retour est de nature à semer le doute chez ceux qui subissent à la fois sa politique et son franc-parler. Y aurait-il une forme de repentir au sujet d’une maladresse qu’il aurait commise  et qu’il tenterait de rattraper ? Il aurait mieux fait de ne pas commenter les commentaires, dont l’agressivité n’a pas de limites sous le prétexte que la souffrance éprouvée par les indignés les autorise à l’irrespect. Mais, franchement, que vaut la politique quand elle se concentre sur des mots qui s’envolent à peine prononcés ? Le débat idéologique ramené à Astérix est nul.

Dynamisme.

Nous avons le Macron qui a été élu en 2017, qualités et défauts inclus. Certes on peut dire la même chose de tous ses prédécesseurs, mais nul ne peut nier qu’il a déjà accompli et qu’il accomplira encore quelques actes qui changent et changeront le pays. Le voici, en cette fin d’été, confronté à de dures réalités : démission de Nicolas Hulot, réouverture probable des conflits à la SNCF et à Air France, veillée d’armes pour les prochaines réformes, plan Pauvreté, loi Pacte, constitution, retraites, et j’en passe. Le tout dans un climat qui est d’autant moins favorable au pouvoir que, au nom de sa propre logique, son projet de budget est construit de manière à ne pas épargner les retraités et la classe moyenne. « Décomposition » de son mouvement, « échec », et autres évaluations sont pour le moins prématurés. De la même manière, on le déclare isolé en Europe alors qu’il en est la dernière chance. Quand la France aura cédé aux sirènes du populisme, les Gaulois seront bien malheureux et regretteront peut-être un président qui, quoi qu’il dise ou fasse, n’aura pas manqué de panache et aura donné un peu de dynamisme au pays.

RICHARD LISCIA

 

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9 réponses à La drogue des mots

  1. admin dit :

    LL dit :
    Il y a un mystère du leadership, en-dessous des mots et des actions : on le voit bien avec Angela Merkel, dont le ton est toujours ferme mais rassurant. Macron n’a pas encore appris à rassurer. Ce que les peuples demandent c’est un plan, un cap, une fermet tranquille (pour emprunter à Mitterrand) et la conviction inébranlable de la réussite. Macron est en train d’apprendre. Esperons qu’il tire des leçons rapides de ses échecs inévitables.

  2. Aubert dit :

    Cet homme manque effectivement de maturité.

  3. CHRETIEN dit :

    Pour avoir côtoyé plusieurs énarques , j’ai pu constater qu’ils sont formatés dans le même moule et pratiquent les mêmes stratégies à savoir: souvent des missions de 2ans dans les sociétés où ils essayent de faire des  » coups  » pour marquer leur passage , toujours avec de la com mais pas toujours à bon escient et souvent avec arrogance ( » moi je sais »). Ils bouleversent les organisations internes qui ont fait leurs preuves depuis des années , voient à très court terme et pour cause puis repartent sous d’autres cieux sans se préoccuper des dégâts qu’ils ont pu créer.

  4. ostré dit :

    Heureusement que les Français ne se laissent pas faire….devant tant d’injustices sociales (retraites etc…)

  5. JB7 dit :

    Vous aviez déjà souligné, dans un précédent billet, que l’opposition n’avait pas de programme. J’ai un grand respect pour les députés de droite qui se sont engagés à voter positivement pour toutes les réformes qui leur sembleraient utiles : ils travaillent en défendant l’intérêt de la France et non pas leur petit intérêt personnel,ce qui ne les empêchent nullement de revendiquer leur différence. Par contre, l’opposition qui ne fait que critiquer, vilipender, retarder ou empêcher les réformes et qui n’a même pas de vrai programme à proposer, cette opposition est indigne de son poste de député et ne mérite pas son salaire ! Que l’opposition critique le président, c’est normal, mais elle a l’obligation de travailler sur un programme qui puisse réellement améliorer le futur de la France.

    PS : j’espère que vous avez passé de bonnes vacances. De notre côté, nous sommes ravis de retrouver vos articles (toujours aussi bien argumentés).

    Réponse
    Merci.
    R.L.

  6. PICOT François dit :

    Macron nous protège ? Mais de quoi au juste? On dirait qu’il protège surtout les copains : Benalla, Nyssen, Kohler, Saal, et j’en passe. Quant à changer le pays, à part l’augmentation des impôts et taxes diverses et la perte catastrophique de notre tissu industriel, entre autres faits, on ne voit pas grand chose de positif. Il est dans la droite ligne de ses prédécesseurs.

    Réponse
    Je n’ai pas dit qu’il nous protège, mais que son rôle premier est de nous protéger.
    R.L.

  7. Liberty8 dit :

    « Gaulois réfractaires » : vraiment pas de quoi fouetter un chat surtout quand ça se rapproche de la réalité. Macron utilise l’électrochoc pour secouer une France endormie, passive et conservatrice. Qu’il parle comme nous ne me gêne pas, je trouve plutôt ça frais, nature et sain.
    Et vraiment qui actuellement a les capacités de le remplacer ? Entre les losers d’avant et les jeunes très fades de maintenant ?

  8. mathieu dit :

    Peut-être notre président distille-t-il à dessein ces « sorties » (puisqu’elles se font à l’étranger) faciles et attendues, comme le torero agite sa cape devant le toro, qui fonce dessus cornes baissées…avec finalement assez peu de risque de terrasser le matador! Une façon comme une autre pour l’élégant toréador de l’Elysée de « mater » son opposition désorientée en ridiculisant l’inanité et la disproportion prévisibles de leur réaction attendue. Macron, pour l’instant en tous cas, reste décidément le maître de l’arène!

  9. ostré dit :

    Oui, il a beau jeu : l’opposition ne propose pas grand-chose comme programme,
    en attendant il détruit les acquis sociaux.

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