Le premier renoncement ?

Le père de la réforme
(Photo AFP)

Le doute semé par Emmanuel Macron au sujet de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ne peut avoir qu’une raison. Elle est politique. L’impôt sur le revenu payable tous les mois était prévu pour le 1er janvier 2018. Il a déjà été reporté d’un an. Le pays était prêt.

IL NE S’EN réjouissait pas pour autant. C’est entendu, le prélèvement à la source ne change rien au montant de l’impôt. Mais, d’une part, il oblige les entreprises à assumer une partie du travail du fisc et, d’autre part, il complique la trésorerie des particuliers tout en améliorant celle de l’État. Surtout, on aura constaté, en lisant les dispositions adoptées par le gouvernement, que le prélèvement à la source ne simplifie en rien les rapports entre les pouvoirs publics et les contribuables. Dans certains cas, on a prévu de différer ou d’annuler le paiement de l’impôt par quelques catégories professionnelles. Les crédits d’impôt (donations, métiers bénéficiant d’une décote) ne seront versés au contribuable qu’après le paiement de l’impôt. On ne peut pas dire que l’on remplace une machine à gaz par un long fleuve tranquille.

La réforme de Hollande.

Pourquoi le président a-t-il subitement envisagé un report, alors que toute la France était convaincue que la réforme serait mise en place le 1er janvier prochain ? On est tenté de croire que, après les criailleries déclenchées par sa réflexion sur les « Gaulois réfractaires », le chef de l’État qui, le lendemain, a tenté d’atténuer la portée de ses propos, s’est souvenu qu’il se trouve décidément sur la pente de plus en plus glissante de l’impopularité. Le voilà qui se pose soudain en protecteur de ses concitoyens en imaginant l’ajournement de la mesure. Mais il s’agit plutôt, chez lui, d’une réflexion peut-être plus vaste sur le cours que prennent les choses, et qui ne joue pas en sa faveur. La rentrée va être extraordinairement tendue dans tous les secteurs sociaux et le président se demande maintenant s’il ne peut pas élaguer l’arbre touffu de ses réformes. Celle-ci, en tout cas, ne lui appartient pas. Elle a été lancée par François Hollande, dont les amis ont déjà dit en 2017 que, si M. Macron repoussait d’une année la réforme, c’est parce qu’il voulait que les Français voient clairement les effets, pour eux bénéfiques, de ses premières réductions d’impôt, l’abolition de l’ISF et la diminution des cotisations sociales pour les actifs, certes assortie d’une hausse de la CSG que les retraités ont eu beaucoup de mal à encaisser, si j’ose dire.

Le règne de la confusion.

Les mêmes socialistes, et notamment Michel Sapin et Christian Eckert, respectivement ancien ministre des Finances et ancien secrétaire d’État, dénoncent aujourd’hui un nouveau report que rien ne justifie techniquement car, selon eux, les 40 000 personnes qui, à Bercy, s’occupent du prélèvement à la source, sont parfaitement préparées ; et ils reprochent à Emmanuel Macron de laisser entendre que nos fonctionnaires ne seraient pas capables d’affronter la mise en place, dès le 1er janvier, du prélèvement à la source. Ce n’est pas vraiment ce que le président a dit, mais peu importe : si la mesure est reportée, beaucoup de contribuables, habitués à gérer leur trésorerie sans que le fisc s’en mêle, seront soulagés de ne pas constater, chaque mois, que leur revenu a été amputé. En revanche, la décision du report ajouterait beaucoup de confusion dans un domaine qui est déjà d’une complexité extrême. On s’inquiètera de ce « fait du prince » (l’expression, bien sûr, a fleuri dans l’opposition) accompli par Macron, capable de différer une réforme qu’il n’a pas inventée pour avoir plus de marge dans la mise en oeuvre des siennes. M. Eckert a raison quand il rappelle que le report doit passer par un vote au Parlement. Mais il semble surtout que, avec les « Gaulois réfractaires », on aura assisté à la provocation ultime d’Emmanuel Macron, soucieux maintenant de faire moins de vagues pour gouverner dans un climat plus apaisé.

Il ne s’agit là que d’une hypothèse, surtout si, dans quinze jours, le prélèvement à la source est maintenu pour 2018, et si, hélas, M. Macron se livre de nouveau à quelques saillies assassines.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Le premier renoncement ?

  1. PICOT François dit :

    Bien vu. Je pense, en plus, que ce prélèvement à la source est techniquement très difficile au vu de la grande complexité de notre fiscalité, ce qui ne semble pas être le cas dans les autres pays européens. Personne ne semble vraiment être prêt, les entreprises, surtout les petites, sont dans l’anxiété. Ce sera une nouvelle usine à gaz avec une grosse perte de temps et d’énergie. Pourquoi diable ne pas garder la mensualisation qui marche bien, ce qui permettrait de ne pas demander aux entreprises de faire le travail du fisc ? Je soupçonne le gouvernement, outre cet objectif des plus discutables, de vouloir bénéficier d’avances de trésorerie non négligeables.

  2. marie jo dzula dit :

    Je trouve surprenants ces revirements alors même que l’on a dépensé des millions d’euros en communication sur ce sujet et que certaines entreprises ont déjà investi pour passer ce cap : seront-elles remboursées ? A l’heure où on parle d’économie, ça fait plutôt cafouillage !
    Le mythe est en train de s’effriter !

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