Combat « pour » l’inflation

Les prix ne seront plus ce qu’ils étaient
(Photo AFP)

La Loi alimentation entre en vigueur demain et elle se traduira par une hausse des prix d’un certain nombre de produits. Ou comment une bonne intention risque de se traduire par beaucoup de mécontentement.

CE QUI motivait le législateur, c’était la nécessité d’augmenter la part du producteur, souvent réduite à néant par un effet pervers de la concurrence et de la formation des prix. La loi devait protéger principalement les agriculteurs, ceux qui parfois vendent leurs récoltes à perte parce que, entre le moment où ils vendent le produit et celui où il est placé sur l’étalage, les coûts de distribution, transport, marge des intermédiaires et marge du distributeur, il ne peut plus être payé pour son travail alors que sans lui, les autres ne survivraient pas.

Curieux calcul.

Le gouvernement s’est emparé de cette injustice, en a analysé les causes, et a trouvé une parade en obligeant les distributeurs à cesser de vendre à prix coûtant, c’est-à-dire sans faire de bénéfice. Le seuil de revente à perte a donc été relevé de 10 %. Quelles sont les conséquences de cette mesure ? Personne n’en sait rien et les chiffres avancés ne sont guère convaincants. On ne sait pas davantage si le nouveau système favorisera les agriculteurs, et on ignore de combien les prix vont bondir à l’achat. L’Autorité de la concurrence affirme que le coût total pour chaque ménage augmentera de 14 à 38 euros par an, la hausse moyenne par produit étant limitée à 35 centimes. Mais on aimerait comprendre par quel calcul labyrinthique elle est parvenue à cette conclusion. De toute façon, nous explique-t-on, tous les prix ne vont pas augmenter et beaucoup baisseront. C’est ce qu’affirme Leclerc, qui jure que 1 000 produits subiront une hausse de 3 % tandis que le prix de  4 600 « références » diminuera. Bref, on se contente d’espérer que les agriculteurs vont y trouver leur compte, mais on est déjà certain que la hausse, c’est pour le consommateur.

Une atteinte au marché.

On verra si à l’usage le coût du panier de la ménagère va augmenter et de combien. On n’en est pas moins certain que, dans une période aussi agitée socialement, les consommateurs vont protester, ce qui risque de donner un prolongement à la crise provoquée par le matraquage fiscal. Le gouvernement a fait voter la loi pour répondre à la crise de la paysannerie, mais le système adopté, qui a si bien convenu aux parlementaires, est indéchiffrable et ne semble pas répondre au grave dysfonctionnement au nom duquel il a été adopté. L’intervention de l’État dans cette affaire est une atteinte à la libre concurrence, fondement de l’économie de marché, mais elle aurait été parfaitement acceptée au nom de la justice sociale si ses objectifs avaient été clairs et surtout si ses effets positifs étaient visibles. Il aurait sans doute été plus simple de fixer les prix de la production agricole de façon à ce que les paysans touchent d’abord leur part avant que se mette en marche le système de distribution complexe au sein duquel les prélèvements par les intermédiaires sont nombreux et coûteux.

C’est la concurrence effrénée entre les distributeurs qui a fait que les agriculteurs ont été sacrifiés. Il fallait se concentrer sur eux et sur le juste prix de leur production au lieu d’obliger les supermarchés à augmenter leurs étiquettes. Certes, la même concurrence les contraindra à en baisser d’autres, mais qui peut nier que la Loi alimentation est née dans une confusion extrême, que sa conception n’est pas forgée au coin du rationalisme et que ses effets potentiels sont dangereux, surtout dans le contexte social actuel ?

RICHARD LISCIA

 

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