Trump dos au mur

Une partie du mur déjà construite
(Photo AFP)

Donald Trump réclame 5,7 milliards de dollars au Congrès pour construire son mur avec le Mexique. La Chambre des représentants, à majorité démocrate depuis les élections de mi-mandat,  les lui a refusés. Il s’est vengé en décrétant le « shutdown » ou arrêt de l’activité de quelque 800 000 fonctionnaires, ce qui a coûté très cher aux États-Unis, mais n’a pas fait bouger les démocrates.

SA STRATÉGIE s’est donc révélée erronée parce qu’il croyait que l’opinion américaine blâmerait les élus démocrates. Au contraire, elle l’a rendu responsable de la paralysie de l’administration. Il a mis fin au shutdown parce que le parti démocrate refusait de l’inviter à tenir son discours sur l’état de l’Union devant les deux chambres réunies. Il a donc cédé, rendez-vous est pris pour le discours, mais Trump continue de militer pour l’érection du mur. Entretemps, il aura compris qu’il peut prendre des décisions, mais dans le cadre de dispositions juridiques compliquées. Il ne suffit pas qu’il veuille un mur, il lui faut une majorité qu’il n’a plus et il  ne peut lancer la construction du mur sans l’aval des élus qu’en ayant recours à un texte, le National Emergencies Act, qui permet au président de réactiver ses pouvoirs exceptionnels au nom de l’urgence. Bien entendu, le président insiste sur la gravité de la crise migratoire. Entre octobre et décembre 2018, 153 000 immigrés ont franchi la frontière mexicaine. Mais cette loi ne l’autorise pas à dépenser 5,7 milliards de dollars.

Une autorisation provisoire.

Il y a des précédents : George W. Bush a eu recours au à cette disposition après le 11 septembre. Barack Obama l’a utilisée en 2009 pour renforcer la lutte des hôpitaux contre une épidémie de grippe sévère. Les démocrates considèrent que l’immigration clandestine ne pose pas un problème aussi aigu que Trump veut le faire croire. Ils font de leur différend avec le président un axe de leur bataille contre un exécutif qui ne respecte pas la procédure et qui a la mauvaise habitude de prendre des décrets sans consulter les parlementaires. En outre, la construction du mur pose différents problèmes logistiques et juridiques (par exemple les expropriations de terrains) qui ne peuvent être résolus qu’avec le temps. Enfin, même si Trump applique le National Emergencies Act, il devra répondre des coûts et résultats du chantier au bout de six mois devant le Congrès. Au bout d’un an, la décision peut être entérinée ou abolie.

Faire confiance à Erdogan ?

D’un côté, on peut voir l’aspect positif de l’affaire en soulignant que le président commence, mais un peu tard, à apprendre son métier. D’une autre côté, on devine que le mur avec le Mexique n’est que la partie émergée de l’iceberg. Donald Trump avait annoncé le résultat des élections de mi-mandat comme une victoire personnelle. Il n’en est rien. Avec le refus du Congrès d’édifier le mur, il paie la perte de sa majorité à la Chambre des représentants. Il n’est pas combattu que par les démocrates. Beaucoup d’élus républicains s’inquiètent d’une politique étrangère contraire aux intérêts américains. Sa décision d’évacuer la partie de la Syrie que des militaires américains occupent avec l’aide des Kurdes a provoqué la démission de son ministre de la Défense, Jim Mattis, et a été très vivement critiquée, y compris par certains commentateurs qu’il croyait acquis à sa cause. À tel point que Trump essaie maintenant de faire croire que l’évacuation des soldats américains prendra plus de temps que prévu et négocie avec Recep Yassip Erdogan, le président turc, la promesse que les forces turques n’envahiront pas cette partie de la Syrie avec laquelle ils ont une frontière.  À ce jour, on n’a jamais vu Erdogan ignorer une bonne occasion de renforcer son influence nationale ou internationale.  Les Kurdes se sont conduits jusqu’à présent comme les meilleurs amis des Occidentaux et sans eux, la victoire provisoire sur Daech n’aurait pas été remportée.

Pourquoi Trump agit-il avec si peu de scrupules ? Parce que, au delà de son incohérence apparente, il suit une ligne politique, celle de l’isolationnisme et celle des intérêts américains immédiats (économies, sauver des vies américaines), mais au mépris de l’histoire. De ce point de vue, il devrait donner satisfaction à tous ceux, et ils sont nombreux, qui demandent aux États-Unis de renoncer à s’ingérer dans les affaires des autres. L’expérience a largement démontré qu’avec l’Amérique, les choses peuvent empirer et que, sans elle, elles peuvent être catastrophiques. Livrer une partie de la Syrie à la Turquie, c’est encourager l’Iran à renforcer sa présence dans ce pays. C’est ignorer ce que l’Occident doit aux Kurdes. C’est améliorer les positions de Poutine. Quant à l’idéologie de Trump, c’est celle d’un enfant : il quitte la Syrie, mais il veut envoyer un corps expéditionnaire au Venezuela. Essayez de comprendre.

RICHARD LISCIA

 

 

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