Régression française

Alain Finkielkraut
(Photo AFP)

La France ne sortira pas grandie du mouvement des gilets jaunes. Il a atteint la semaine dernière un paroxysme d’intolérance qui le rend très dangereux du point de vue des institutions et des équilibres démocratiques. L’incohérence de ses revendications conduit le pays à l’anarchie.

LES PARTIS politiques et l’opinion sont indignés par les injures adressées dans la rue par des gilets jaunes à Alain Finkielkraut, philosophe et académicien. Pourtant, il n’était pas difficile de prévoir ce qui arriverait s’il allait à leur rencontre.  Nous sommes maintenant confrontés à un débat sémantique pour savoir si l’appellation de « sale sioniste » relève ou non de l’antisémitisme. On peut laisser cet accablant dilemme à Éric Coquerel, de la France insoumise, qui tient absolument à conserver le droit de critiquer la politique du gouvernement israélien. Ce n’est pas du tout la question. On peut très bien ne pas soutenir Benjamin Netanyahu tout en reconnaissant le droit des Israéliens à avoir leur État. M. Coquerel ignore sans doute que cet État a livré plusieurs guerres contre les armées arabes, qu’il est constamment menacé à ses frontières par divers groupes et diverses nations, principalement l’Iran qui entretient le Hezbollah, groupe terroriste installé à la frontière libanaise. En réalité, la France insoumise projette dans la discussion ses propres ambiguïtés. Il lui suffit pourtant de dire que cette avalanche de haine contre les juifs ou les Israéliens relève du même antisémitisme.

« Nous sommes le peuple ».

L’indignation nationale soulevée par les attaques contre M. Finkielkraut a sûrement quelque chose de sain et de nécessaire et il n’est pas inutile que des grandes manifestations soient organisées demain à Paris et en province contre l’antisémitisme. Je ne crois pas cependant que les gilets seront impressionnés. Leur radicalité, leur violence, leur haine, leur vocabulaire, tout droit sorti des réseaux sociaux, et d’une vulgarité inouïe, montrent qu’ils se rassurent eux-mêmes en se trouvant des ennemis inexistants. Ils l’ont dit à Finkielkraut : « Nous sommes le peuple, nous sommes chez nous », de la même manière que Jean-Luc Mélenchon, dont les locaux étaient perquisitionnés, assurait aux policiers qu’il était le peuple, qu’il était la République. Eh bien, si c’est vrai, pauvre peuple et pauvre République ! A l’extrême droite, même analyse : l’antisémitisme n’est que musulman, les gilets jaunes sont innocents. Combien de musulmans parmi les gilets jaunes ? Mais, bien que le sursaut national soit salutaire, cette vague d’antisémitisme déchaîné qui ne craint pas de s’exprimer avec tout l’attirail argumentaire qui a conduit à la Shoah, emporte à peu près tout sur son passage. Les gilets ont manifesté samedi ET dimanche pour dire qu’on ne les écoutait pas « On » leur a déjà accordé 10 à 12 milliards, « on » a ouvert un immense débat national, « on » tente par tous les moyens et dans des conditions budgétaires extrêmement serrées, de leur apporter quelques satisfactions.

Tout et rien.

Qu’est-ce qu’ils veulent ? Tout (par exemple la démission du président de la République) et rien. Ils ne veulent pas présenter une liste aux élections européennes. L’une d’eux, Ingrid Levavasseur, a essayé de constituer une telle liste, elle a été interpellée, menacée, injuriée. Et a donc renoncé. Comme je continue à le maintenir, les gilets sont noyautés par l’extrême droite et, s’ils ne veulent pas d’une liste aux européennes, c’est parce qu’ils souhaitent, dans leur majorité, la victoire du Rassemblement national. Mais au fond, pourquoi devraient-ils faire de la politique ? Il s’agit d’une minorité active et destructrice. Ils s’en prennent à des élus à leur domicile. Ils commencent à dégommer leurs propres leaders, tout personnage qui voudrait prendre l’ascendant sur eux. Une révolution qui dévore ses enfants, quoi de vraiment nouveau ? Ce désordre, cette démence, cette violence font penser à la révolution maoïste de 1966. Tout détruire pour reconstruire. Encore faut-il  compter sur cette poignée d’irrédentistes pour s’atteler à une tâche aussi désespérée.

Un rempart contre l’infamie.

Il faudrait que la manifestation de mardi aboutisse à un peu d’unité chez tout ce qui n’est pas gilet jaune, que les Français réalisent enfin et de façon majoritaire vers quelle régression historique le mouvement conduit le pays. On peut penser ce qu’on veut de Macron et de son gouvernement, il n’empêche qu’il est le seul rempart contre l’infamie. Laurent Wauquiez, président des Républicains, lui a lancé samedi une algarade pour exiger que le président mette un terme au désordre, aux déprédations, à la violence. Il a littéralement raison, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Que ferait-il s’il était à l’Élysée, lui qui ne réussit même pas à rassembler son parti ? Benjamin Cauchy, l’un des personnages qui émerge chez les gilets jaunes, affirme que ses amis envisageront une fin de leur action après le débat national. Dès lors qu’il n’a aucune responsabilité, et que tous ceux qui essaient de diriger le mouvement sont aussitôt discrédités, on ne peut guère lui faire confiance. Quant aux autres, par exemple Éric Drouet, Priscilla  Ludosky et Maxime Nicolle, ils ne s’entendent sur rien. Comment ne pas voir que les maximalistes et les anarchistes orientent le mouvement à leur manière, qui n’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, démocratique ?

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Régression française

  1. Num dit :

    Une fois encore, vous faites une erreur d’analyse: mêlez vous aux manifestations et vous verrez que les gilets jaunes sont en fait noyautés par l’extrême-gauche (NPA, écolo-zadistes, proches de Dieudonné) et par les islamistes. Ceux qui ont pris à partie et insulté Finkielkraut sont des islamistes radicaux connus de la police.
    L’extrême droite n’a été présente par l’intermédiaire de micro groupuscules identitaires qu’aux deux premiers actes.
    Je ne comprends pas pourquoi vous et de nombreux médias tiennent absolument à ne pas admettre les évidences ?

    Réponse
    C’est une révolte à visée totalitaire. Dieudonné appartient à l’ultra droite. Les zadistes se réclament de l’extrême gauche mais se conduisent en nervis néo-fascistes. Le problème est là, il n’est pas dans l’origine du mouvement mais à qui il profite. Il ne profite pas à LFI mais au RN. Vous aussi vous pourriez admettre l’évidence : la quasi disparition du PC est due au transfert des voix ouvrières vers le RN. Le salafiste qui a insulté Finkielkraut se sent parfaitement à l’aide dans une manifestation se réclamant de la gauche mais pratiquement ouvertement l’antisémitisme.
    R. L.

  2. Lilith dit :

    Croyez-vous sérieusement que Danièle Obono – qui agite vigoureusement le drapeau de la tolérance …. des musulmans, voile et prière pour tous – ait sa place auprès de Le Pen ?
    Elle l’a trouvée chez Mélenchon. Que je n’ai pas encore entendu depuis l’ignoble affaire Finkielkraut.

  3. Michel de Guibert dit :

    Il ne faut pas se tromper d’époque, nous ne sommes pas dans les années 30, les actes de judéophobie les plus graves allant jusqu’au meurtre ne viennent pas de l’extrême-droite mais du salafisme islamiste trop souvent excusé par les milieux gauchistes, il faut écouter ce que dit Alain Finkielkraut, il faut lire ce qu’écrit Pierre-André Taguieff sur les formes nouvelles de l’antisémitisme

    • PICOT François dit :

      Parfaitement exact M. de Guibert. Cette montée d’antisémitisme à laquelle le gouvernement et d’autres prétendent s’attaquer est essentiellement le fait des islamistes, ce qu’il se garde bien de dire. Il est, en effet, mouillé jusqu’au cou par sa trop grande tolérance, pour ne pas dire plus.

  4. JULIEN dit :

    Quelle que soit l’origine de la flambée actuelle d’antisémitisme, elle rappelle par certains côtés celle des années 30 et ceux qui hurlent les injures contre les juifs seront eux-mêmes manipulés et iront jusqu’au meurtre. Il me parait beaucoup plus nécessaire, si on veut éviter cela de s’unir contre l’intolérance plutôt que de savoir si les manipulateurs sont de gauche ou de droite.

    Réponse
    J’approuve à cent pour cent, d’autant que c’ets le thème de mon blog d’aujourd’hui.
    R.L.

  5. chretien dit :

    Si on n’arrête pas avec la plus grande fermetéces cinglés, ces tarés, ces fous (zadistes, islamistes radicaux et extrême droite) qui ont infiltré les gilets jaunes, ils vont arriver à mettre par terre le pays le plus beau du monde qui a su accueillir toutes les races, toutes les religions, toutes les philosophies, tous les réfugiés politiques et économiques/
    Les riches sont déjà partis, les aisés vont partir, les juifs vont regagner Israël et nous allons accueillir les Daech et leurs enfants qui auront la haine au cœur. Quel avenir pour la France ?
    Le laxisme commence là : comment a-t-on pu accepter qu’un Parti puisse se nommer la France insoumise ?

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