L’Algérie et nous

Manif hier à Alger
(Photo AFP)

Les Algériens manifestent ce vendredi, pour une troisième journée contre le régime, qui tente de rester au pouvoir avec de vagues promesses de changement institutionnel. En France, on a vite fait de transformer la crise algérienne une affaire franco-française. Voici pourquoi notre gouvernement doit être particulièrement discret.

D’ABORD parce qu’il ne peut pas s’ingérer dans la politique intérieure d’un État souverain. Ensuite parce qu’il ne peut pas reprendre à son compte la cause des manifestants (pour le moment tous non-violents, une leçon pour les gilets jaunes) sans encourir de fâcheux déboires. Emmanuel Macron hérite d’une soixantaine d’années de relations franco-algériennes qui ont consacré la prédominance en Algérie du FLN (Front de libération nationale) celui-là même qui a arraché l’indépendance algérienne et qui a gagné une terrible guerre civile contre les islamistes, au prix de quelque 200 000 morts. Il est évident que, au terme de cette crise intérieure, la France ne risquait pas d’exiger l’instauration d’un régime démocratique dans un pays où elle conserve d’immenses responsabilités liées à la colonisation.

Un allié précieux.

La guerre contre Al Qaïda, puis contre Daech, a cimenté nos liens avec les institutions algériennes. Elle n’est pas terminée. Si la vie civile est apaisée, la bataille continue dans le Sahara et dans le Sahel et le gouvernement algérien apporte à la France, qui se bat au Mali et au Niger, de précieux renseignements tout en contrôlant ses frontières avec la Libye. Un changement de président ne signifie pas que, automatiquement, l’Algérie cesserait de coopérer avec nous, mais il modifierait l’état des rapports empiriques favorisant la lutte en commun contre le même ennemi. Par ailleurs, la France est un très bon client de l’Algérie dont elle importe le gaz ; et il n’est pas du tout recommandé de changer de fournisseur car, comme l’Allemagne, nous serions contraints de nous adresser à Poutine qui n’est pas plus commode en affaires qu’en politique et a déjà prouvé qu’il pouvait se servir de l’énergie pour faire plier les gouvernements d’Europe centrale, par exemple celui de l’Ukraine.

Le dernier mot n’est pas dit.

Le mutisme du président Macron et de son gouvernement représentent la meilleure attitude. Il ne préjuge pas de l’issue de la crise algérienne. Les manifestants n’ayant pas dit leur dernier mot, le clan du président. Bouteflika se rend compte que le chantage au chaos n’empêche plus les foules algériennes de s’indigner et de protester. Le fait nouveau est là : le risque d’un retour du terrorisme ne suffit plus à maintenir le pouvoir en place et l’offre faite par Abdelaziz Bouteflika de procéder à la consultation électorale pour que, ensuite, il se livre à une profonde réforme institutionnelle, est considérée par le peuple algérien comme une vaste mascarade. Depuis 2013, date de son accident vasculaire cérébral, ce n’est plus Bouteflika qui gouverne, c’est sa famille et l’armée. Cet homme à bout de forces, incapable de s’exprimer et probablement de prendre des décisions n’a absolument rien à perdre. En cas de changement d’équipe, ce sont les corrompus, les stipendiés et les médiocres qui en paieraient le prix. Les Algériens ont le droit de choisir leur destin mais sans l’aide de la France.

RICHARD LISCIA

PS- C’est aujourd’hui la Journée de la femme. Avec un peu de retard, je consacre aux femmes un article que je publierai dans le Quotidien du médecin du lundi 11 mars.

 

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