Londres : hystérie souverainiste

May : l’enfer
(Photo AFP)

La chambre des Communes a encore voté pour rejeter les plus récentes propositions de Theresa May au sujet d’un accord qui permettrait à la Grande-Bretagne de quitter l’Union européenne dans l’ordre et le respect des intérêts britanniques et européens.

L’USAGE du vote parlementaire, au Royaume-Uni, est devenu l’ultime et unique expression de la démocratie. Le referendum de 2016 a déclenché une frénésie chez les élus. La Première ministre est elle-même convaincue qu’en respectant la décision du peuple quoi qu’il en coûte, elle ne fait que son devoir : avant toute chose, ce qu’elle veut, c’est rester fidèle au vœu populaire. Dans sa résistance à l’adversité, dans une longévité politique assez surprenante si l’on tient compte des conditions épouvantables dans lesquelles se déroule ce scénario grotesque, dans son acharnement à tenir bon, à ne pas lâcher prise et à parvenir à une solution décente, elle se nourrit exclusivement de sa passion démocratique.

Un  divorce s’organise.

Les oppositions qui se manifestent au sein des tories, membres de son propre parti, et des travaillistes conduits par Jeremy Corbyn, homme indéchiffrable dont toute initiative est marquée par la doctrine socialiste, mais qui n’est pas sûr d’être en faveur du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union, se sont emparées de la fragilité délibérée adoptée par Mme May pour lui faire subir les pires avanies. Le spectacle de ce Parlement éparpillé, colérique, qui a fait du préfixe anti l’alpha et l’oméga de sa politique, est pour le moins décevant, à tel point que l’on voudrait démontrer aux amis anglais qu’ils ont, en réalité, totalement perdu le contrôle de leur machine parlementaire et qu’ils se sont transformés en robots programmés pour démolir le système politique, un peu comme si, loin d’organiser et de poursuivre le débat jusqu’à son terme, ils s’étaient enfermés à Westminster, nouvel enfer sur terre, pour ne plus en sortir et voter, voter jusqu’à la fin des temps. « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ». (1)

Mais la chambre des Communes n’est pas hors du monde et le royaume, dans son dialogue avec 27 pays (ou ce qu’il reste de ce dialogue) ne peut pas ignorer que, quoi qu’il fasse, qu’il parte ou qu’il reste, qu’il y ait ou non un accord, sa décision certes souveraine aura des conséquences pour la Grande-Bretagne et pour l’Union européenne. Un divorce, par définition, implique deux personnes. Les Britanniques ne sont pas uniquement confrontés à la terrible torture mentale qu’ils se sont infligée, ils n’ont jamais été aussi fortement en relation avec les Européens. Ils ne souffrent pas aujourd’hui d’avoir commis l’erreur d’avoir adhéré en 1973 à l’Union, ils souffrent de ce que, en 46 ans, ils ont créé entre eux et nous des liens de toutes sortes, financiers, commerciaux, militaires et moraux qui se présentent maintenant comme un écheveau impossible à démêler. S’ils consentaient, les uns et les autres, à se dépassionner quelque peu, et à observer avec calme les enjeux du Brexit, ils y arriveraient parfaitement.

Un credo absolutiste.

Ils font de leur souveraineté un credo absolutiste et irréfragable, de sorte qu’ils voient dans la moindre proposition raisonnable une atteinte au dogme. Mais ce n’est pas vrai. Ils n’étaient pas dans la zone euro, ce qui aurait dû leur faciliter grandement la tâche. Ils avaient déjà adopté à leurs frontières un dispositif qui contrôlait mieux que d’autres l’immigration clandestine. Ils avaient une position financière dominante qu’ils sont en train de perdre. Ils étaient infiniment plus libres au sein de l’Union européenne qu’ils ne le seront une fois en dehors. Des monceaux d’ego ont été jetés dans ce tonneau des Danaïdes qu’est le Brexit. Une rage folle, ajoutée au sentiment que la survie du Royaume-Uni dépendrait des élus, comme à l’époque où l’Angleterre se battait seule contre le nazisme et craignait d’être dévorée par lui, exclut chez eux tout raisonnement.

L’honneur et le bon sens.

Le temps presse. Le risque d’un Brexit sans accord est immense, et la responsabilité de ceux qui s’y résoudront en fera pour l’histoire des coupables éternels. Le Brexit dur, c’est le populisme parvenu au degré de l’évaporation. C’est la destruction des forces vitales de la Grande-Bretagne par ceux qui prétendent les défendre. Il ne vaut ni que les Anglais se précipitent dans l’abîme, ni que le commerce européen soit disloqué, ni les privations qu’il entraînera nécessairement. Jamais, depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Royaume-Uni n’aura été aussi grand que s’il accepte l’accord proposé par Theresa May, ou tout moins si la chambre des Communes propose à son tour un accord viable. Contrairement à ce que croient la Première ministre et ses députés, la souveraineté de leur pays ne sera pas amoindrie par un accord. Si l’honneur consiste consiste à respecter le vote des Britanniques, le bon sens, encore lui, réside dans une solution.

RICHARD LISCIA

(1) Dante Alighieri.

 

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2 réponses à Londres : hystérie souverainiste

  1. admin dit :

    LL dit :
    L’absurdité n’est pas propre aux dictatures.

  2. Michel de Guibert dit :

    Après la dame de fer, voici la dame d’enfer !

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