Sur la loi anti-casseurs

Gérard Larcher
(Photo AFP)

Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 3 de la nouvelle loi anti-casseurs parce qu’il contenait une disposition instaurant l’interdiction administrative de manifester, soit le droit pour la police d’empêcher des citoyens, même s’ils ne sont pas dangereux, de participer à une manifestation sans que la justice en soit saisie.

L’ACTION du Conseil constitutionnel est en tous points édifiante, ce qui permet de rappeler un processus hautement démocratique. La loi anti-casseurs, en effet, vient du Sénat, qui a voulu ainsi apporter sa contribution au rétablissement de l’ordre, sérieusement menacé par les gilets jaunes et par les black blocs. À l’Assemblée nationale, la gauche, mais aussi une cinquantaine d’élus de la République en marche, ont rué dans les brancards parce que la loi, disaient-ils, était liberticide. Quand le texte est revenu au Sénat pour relecture, la droite, qui domine la chambre haute, a refusé de le modifier. En dernière lecture à l’Assemblée, il est resté inchangé. Le président de la République, qui a aussitôt prévu le risque de l’adoption d’une loi qui allait ajouter une polémique à une situation constamment conflictuelle, a soumis la proposition de loi du Sénat au Conseil constitutionnel. Lequel a joué son rôle de garant des libertés.

L’ordre peut être respecté.

Faut-il s’en désoler, comme Éric Ciotti, élu des Républicains, qui estime que le Conseil constitutionnel ne s’intéresse pas assez à la sécurité des Français ? Sûrement pas. Nous ne pouvons pas défendre nos institutions avec vigueur si, en même temps, nous essayons d’en ôter la substantifique moëlle. Le droit de manifester est une liberté nationale, qui devrait être liberté universelle, et nous ne devons pas soumettre les institutions à un projet politique, fût-il fondé sur une sérieuse préoccupation. Le Conseil appartient à la Nation, pas à un exécutif, pas à des élus, pas aux circonstances. Quand la crise des gilets jaunes sera passée, nous serons très heureux d’avoir respecté la décision du Conseil (et d’ailleurs, nous n’avons pas le choix). Au demeurant, la nouvelle loi ne permet-elle pas au gouvernement de respecter l’ordre ? Bien sûr que si et il l’a prouvé en empêchant la casse lors des manifestations de samedi dernier. Pour la vingt et unième journée de protestation, il sera, comme la semaine dernière, vigilant. Il était donc inutile de durcir la répression anti-casseurs, ce que j’affirme tout en espérant ne pas me tromper.

Tension entre deux présidents.

Ce qui est également intéressant, dans cette affaire, c’est que les Républicains du Sénat ont tenté, mais en vain, de mettre en œuvre une loi plus répressive. C’est le même Sénat qui a envoyé à la justice le dossier des auditions de sa commission des Lois dans l’affaire Benalla, justice qui a convoqué trois membres haut placés de l’Élysée. La saisine du Conseil constitutionnel par l’exécutif est la réponse du berger à la bergère : vous affirmez que vous ne faites qu’appliquer le droit, mais de ce point de vue nous sommes encore plus légalistes que vous. Le président du Sénat, Gérard Larcher, se plaindrait, si l’on en croit des articles de presse, de ce que le président de la République le batte froid et ait arrêté de discuter avec lui au sujet de la réforme de la Constitution. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. LR ne cesse, à la faveur de la campagne des élections européennes, de combattre la majorité avec une virulence digne des surexcités des partis extrêmes. Mais le pouvoir n’est pas dépourvu de moyens. Il peut même obtenir une réforme constitutionnelle par référendum, réforme dont le premier objectif consisterait à diminuer sensiblement le nombre de sénateurs, ce qui convient parfaitement à une opinion qui pense, à tort ou à raison, que sa représentation démocratique lui coûte trop cher.

RICHARD LISCIA

 

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