Avant la parole de l’oracle

Un président peut être pire
(Photo AFP)

Emmanuel Macron annoncera ce soir à 20 heures le contenu des mesures qu’il s’apprête à prendre pour apaiser la colère sociale. Les oppositions et la presse dénoncent ces décisions avant même de les connaître.

AFFIRMER, comme les médias, que le président de la République est contraint, cette fois, de faire des choix qui risquent de plonger le pays dans une crise financière et monétaire ne revient pas à annoncer une nouvelle. On s’en doutait depuis longtemps. Les partis et les journaux dramatisent à leur tour une séquence que le chef de l’État vent rendre spectaculaire. Si elle bouleverse les âmes et les esprits, c’est qu’il aura exagéré et pris des risques relatifs aux équilibres fondamentaux. Si elle déçoit, c’est qu’il aura voulu, au contraire, respecter en partie les engagements de campagne qu’il a pris. Néanmoins, l’attitude de l’opinion, des partis et des commentateurs montre une volonté d’alarmer le peuple un peu plus. Conformément à une formule anglaise, le président sera condamné s’il agit et condamné s’il ne bouge pas. Alors, pourquoi ne pas le critiquer avant même qu’il se soit exprimé, ce qui a été fait ce matin un peu partout, mais relève davantage de la manipulation des cerveaux que de la sérénité ?

Bobard sur la fiscalité.

Pour le dénoncer à l’envi, on se fonde sur sa part de responsabilité personnelle dans la chronologie des événements, ses provocations verbales, ses convictions inébranlables, le peu d’égards qu’il a eus pour ceux de la République en marche qui viennent de  la gauche, l’isolement dans son palais, son refus de dialoguer avec les syndicats dicté par son désir d’accélérer les réformes. Tout cela est vrai. Mais qui pouvait penser, encore l’été dernier, qu’un mouvement social profondément minoritaire bloquerait le fonctionnement de la République ? Et qui a vu que le danger contenu dans ce mouvement menaçait non pas telle ou telle catégorie de citoyens, mais l’ensemble de la Nation ? Qui a admis, en dépit de tous les sondages, que la REM vaut mieux, quoi qu’il arrive, que le RN ou LFI ? Pis, la presse a vu dans les attaques des partis extrêmes une analyse justifiée, et soutenu un bobard selon lequel la classe pauvre et la classe moyenne étaient fiscalement matraquées, alors que, en réalité, elles l’ont été infiniment plus par François Hollande, qui fait la danse du ventre dans toutes librairies, que par Macron.

Des mesures qui peuvent plaire.

Avant même que l’oracle ne parle, la situation politique est la suivante : la mauvaise humeur de la gauche de la REM n’empêche pas le parti d’avoir la majorité à l’Assemblée ; elle ne l’empêchera pas de gagner, de justesse, les élections européennes puisque tous les sondages accordent aujourd’hui à Nathalie Loiseau, chef de file de la REM, entre deux et quatre points d’avance sur le RN. La droite LR, grâce en partie à sa tête de liste, François-Xavier Bellamy, reprend du poil de la bête mais se situe au mieux à 14 %. Le PS, associé à Place publique, stagne à un niveau bas. Benoît Hamon aussi, La France insoumise reste au-dessous de la barre des 10 %. Nicolas Dupont-Aignan refuse avec obstination toute alliance avec le RN, le privant d’une chance de victoire. Il suffirait qu’une liste gilets jaunes soit annoncée pour que l’écart entre REM et RN augmente. Nous en sommes là avant que Macron ait annoncé ses mesures qui ne risquent pas de déplaire aux personnes personnellement intéressées par la baisse des impôts, classe démunie ou retraités. Qui peut être certain aujourd’hui que les décisions de l’exécutif ne vont pas lui rapporter 1, 2 ou 3 points aux élections européennes ?

Dictature de la pensée.

Enfin, on peut éternellement contester la légitimité d’un homme qui a été élu par 66 % des suffrages et a obtenu bien plus que la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Depuis ce tour de force de 2017, les européennes sont le premier rendez-vous électoral avec le peuple français et quoi qu’on en dise, c’est quand même autre chose que le bris de vitrines. Si la majorité, lors de ce scrutin, confirme qu’elle est majoritaire, si les gauches divisées sont renvoyées dans leurs foyers, si la droite minoritaire le reste, si le RN est une fois de plus écarté du pouvoir, qu’est-ce que les Français des ronds-points et des Champs-Élysées pourront faire, sinon attendre les municipales, puis les élections générales de 2022 ? Oui, les européennes seront un test de popularité pour Macron ; oui, il est le meilleur rempart contre la vague lepéniste ; oui, s’il devait démissionner, il plongerait le pays dans le chaos institutionnel, moral et politique. N’ont le choix que les esprits les plus enfumés par des idées préconçues, les gens qui récusent l’unité nationale, ceux qui souhaitent, en somme, imposer la dictature de leur pensée.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Avant la parole de l’oracle

  1. Doriel Pebin dit :

    Merci de conserver du bon sens et l’intérêt général. Cela ne semble en rien préoccuper les médias et les autres politiques. Le but est que Macron ne soit pas crédible et soit responsable de tout. Ce court-termisme et l’égoïsme partisan règnent. Notre-Dame en feu rappllera, je l’espere, que nous avons un patrimoine commun depuis des siècles et que la passion actuelle paraît bien futile lorsqu il faut préserver le vivre ensemble de façon rationnelle. Il faut apprendre la communication en désaccord, ce qui ne semble guère la qualité de nos politiques et évidemment des gilets jaunes et des trop nombreux apprentis sorciers qui les soutiennent. Il est ahurissant et navrant de constater le nombre réduit des défenseurs de la démocratie et de l’intérêt général ! Continuez à nous faire bénéficier de vos analyses .

  2. PICOT François dit :

    Elu avec 66 % des suffrages mais pas des inscrits. Légitime oui, représentatif certainement pas, hélas.

    Réponse
    Je n’y avais pas pensé : il fallait désigner Marine Le Pen avec la moitié du score de Macron ?
    R.L.

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