Renault dans la tourmente

John Elkann
(Photo AFP)

L’annulation du projet d’alliance entre Renault et Fiat-Chrysler aura été aussi rapide que l’annonce du projet.

ON ne s’attendait pas à ce que Renault, déjà associé à Nissan et à Mitsubishi, pût être intéressé par une nouvelle liaison avec un grand industriel de l’automobile. Le projet de fusion avec Fiat-Chrysler a donc surpris au moins les profanes. On ne voyait pas en effet comment le numéro un de l’automobile française pouvait s’engager dans un nouveau mariage sans avoir l’accord de ses partenaires japonais. D’autant que le contexte général de l’affaire était, et demeure, extrêmement troublé : la justice japonaise poursuit l’ancien P-DG, Carlos Ghosn, avec des accusations contre lesquelles il se défend âprement. On devine une grande suspicion chez Nissan à l’égard de Renault dont les Japonais craignent qu’il ne finisse par avaler l’industriel japonais. En effet, la fusion avec l’Italo-Américain Fiat aurait dilué le capital de telle manière que Nissan risquait d’être purement et simplement absorbé par le géant qu’aurait créé la fusion.

Un mariage pourtant souhaitable.

Sur le papier, le projet n’était pourtant pas excessivement ambitieux. Il aurait donné naissance  à la plus grande société automobile de la planète, alors que ne survivront dans ce domaine industriel que des compagnies de taille mondiale. Il ne faut pas être trop surpris du renoncement italo-américain. Non seulement Fiat a fait le premier pas, mais il était pressé, conformément au tempérament de John Elkann, le petit-fils du mythique Giovanni Agnelli, qui est encore assez jeune pour aller vite. Ce qui a ensuite troublé les Italiens, c’est que, justement, l’État français, actionnaire de Renault, a voulu d’abord consulter les dirigeants japonais de Nissan pour s’assurer que le mariage avec Fiat-Chrysler ne leur apparaîtrait pas comme un danger pour la société japonaise. Ce qu’il pouvait être : on n’a pas l’impression que l’opinion nipponne soit enthousiaste au sujet de la fusion Renault-Nissan à laquelle le nouveau P-DG, Jean-Dominique Sénard, semble très attaché, tout comme, d’ailleurs, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

Méfiance italienne.

Jouant les libéraux intransigeants, les dirigeants de Fiat, dans leur communiqué de rupture (unilatérale) ont dénoncé l’ingérence de l’État français dans une transaction qui aurait du, selon eux, être conclue selon ses mérites en matière de prospective économique, d’emploi et de moyens financiers. Ils voient donc dans l’actionnariat une sorte de main-mise publique sur un champion industriel. Pure hypocrisie. L’État italien n’est pas absent de quelques grosses sociétés. Le souci, clairement exprimé par Bruno Le Maire, au sujet des emplois chez Renault en France, est d’autant plus sincère que le ministre se bat avec ardeur contre la désindustrialisation dans notre pays, avec les interminables problèmes de la sidérurgie et dans le reste de l’industrie lourde. On ne soupçonnera pas l’élégant Elkann d’avoir été influencé lui aussi par le pouvoir politique, mais il y a toujours, dans les affaires franco-italiennes, une part de méfiance des Italiens à l’égard de ce qu’ils considèrent comme une forme d’hégémonie française.

Nous en faisons autant avec les Allemands, sévères maîtres d ‘école qui fustigent les déficits italien et français. Les plus faibles des pays européens ont tendance à critiquer les plus forts, parce qu’ils les rappellent incessamment à la rigueur budgétaire. C’est pourquoi la diplomatie existe : elle doit apaiser les relations parfois tourmentées entre des partenaires qui ne réussiront que s’ils restent unis. Il est regrettable que la fusion n’ait pas eu lieu, mais elle peut se produire dans quelques mois, ou bien il sera possible d’en imaginer une autre. Pour le moment, le procès Ghosn, les alliances mal ficelées, les inconnues nombreuses de l’équation font un peu de Renault, cette si belle réussite, un bateau ivre.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Renault dans la tourmente

  1. Michel de Guibert dit :

    N’est-ce pas plutôt une bonne nouvelle que cette fusion n’ait pas eu lieu ? Peut-être pas pour les actionnaires, mais sûrement pour les salariés !
    Réponse
    Je ne sais mais je suis sûr qu’il y aura une fusion avec les Italiens ou avec une autre compagnie.
    R.L.

Répondre à Michel de Guibert Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.