Un Iran dangereux

Le « Guide suprême », Ali Khamenei
(Photo AFP)

La politique iranienne de Donald Trump soulève des critiques à la fois unanimes et compréhensibles. Il a fait jouer le rapport de forces en essayant de mettre à genoux le régime de Téhéran. Un missile iranien ayant abattu un drone américain, il a renoncé à riposter militairement. Son attitude erratique n’enlève rien à la dangerosité de l’Iran.

LA PRÉSENCE d’un drone dans l’espace aérien iranien ou aux confins de cet espace (rien n’est encore prouvé) ressemble bien à une provocation, mais la crise interminable au Proche-Orient n’est faite que d’une série de conflits militaires. Avant de détruire le drone, les Iraniens se sont livrés à quatre attaques contre des tankers, défi qui n’a été relevé par aucun État, même pas les États-Unis, même s’ils se sont empressés de dénoncer l’Iran sans en avoir la moindre preuve. Que Trump, en déchirant l’accord nucléaire avec l’Iran, ait apporté sa lourde contribution à la tension internationale ne signifie pas qu’il s’adresse à un régime innocent et bon enfant, épris de paix. L’Iran est un État terroriste qui a apporté son aide à Bachar Al Assad en Syrie par le truchement du Hezbollah, organisation vouée à la destruction d’Israël, qui, en 1992 et 1994 a commis deux attentats sanglants en Argentine, d’abord contre l’ambassade de l’État juif puis contre une association argentine juive, faisant au total 113 morts et 472 blessés, sans que la justice ou la police de Buenos Aires aient jamais trouvé les coupables.

La menace du Hezbollah.

Au Liban, le Hezbollah, parti politique qui continue à contrôler la vie politique du pays, a massé à la frontière avec Israël des troupes surentraînées dotées de cent mille roquettes qui, si elles entraient en action, ferait beaucoup de dégâts en Israël. L’Iran n’a pas la bombe atomique, en tout cas pas encore, mais possède des missiles capables d’atteindre l’Europe. Il est tout à fait logique que les Européens tentent de maintenir l’accord nucléaire avec l’Iran sans l’adhésion américaine, mais à entendre les débats dans les médias, la défection des États-Unis serait plus grave que les objectifs de la politique iranienne. Non seulement Téhéran a sauvé le régime du dictateur le plus cruel de la planète, mais les Iraniens livrent contre l’Arabie Saoudite une guerre par procuration au Yémen. Il ne s’agit plus, dans ce cas de figure, d’éliminer l’État juif, mais d’un énorme conflit géopolitique entre Chiites et Sunnites : les Iraniens sont décidés à installer leur hégémonie dans toute la région et les Saoudiens veulent affaiblir l’Iran et même en vaincre le régime pour asseoir leur autorité au Proche-Orient. Pour les Européens, qui assistent impuissants au conflit, le choix est embarrassant : les deux pays sont des dictatures aux ambitions autoritaires.

Trump ne fera pas la guerre.

L’approche diplomatique des Européens est la bonne mais, compte tenu de leurs divisions, la plus difficile à mettre en œuvre. Ils ne disposent pas de moyens propres à convaincre un régime irrédentiste. Ils ne savent pas comment gérer un Trump imprévisible. Ils n’empêcheront pas l’Amérique de frapper si Téhéran se livre à une nouvelle provocation, même s’il est clair que Trump ne veut pas s’engager dans une nouvelle guerre. Comme toujours, le Proche-Orient est une cocotte minute et il faut l’approcher avec beaucoup de sang-froid et d’humilité. Mais depuis que le régime des mollahs s’est installé en 1979, il n’a pas changé. Il ne s’est formé que sur la base de l’anti-américanisme, en prenant en otage le personnel de l’ambassade des États-Unis. Les Américains n’ont jamais oublié cet épisode, d’autant que la tentative de libération des otages à l’époque (sous la présidence de Jimmy Carter) s’est traduite par un terrible fiasco. Il faut donc comprendre l’acuité de l’antagonisme entre les deux pays et ne pas ériger la république islamiste en pouvoir vertueux qui ne souhaiterait que la paix.

RICHARD LISCIA

 

 

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6 réponses à Un Iran dangereux

  1. Michel de Guibert dit :

    C’est lequel selon vous « le régime du dictateur le plus cruel de la planète » ?

    Réponse
    Vous avez le choix. Mais je donne la médaille à Bachar. Il a pratiqué le génocide contre son propre peuple. Kim est son concurrent le plus proche.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      Vous semblez méconnaître que la Syrie a été victime d’une guerre sans merci des djihadistes islamistes de toutes obédiences.
      Réponse
      Bachar n’a aucune excuse. Lui en trouver, c’est coopérer avec un dictateur sanguinaire qui ne mérite sûrement pas de rester au pouvoir.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Je ne trouve pas d’excuse non plus aux terroristes islamistes soutenus par l’Arabie saoudite ou le Qatar…
        Réponse
        Moi non plus. Mais dans le cas de Bachar, c’est une extermination massive, avec l’aide de l’Iran, de la Russie et même de la Turquie.
        R.L.

  2. PERNES dit :

    Certes l’Iran est un régime dangereux. Certes l’Iran soutien la dictature syrienne. Mais que dire des États du golfe qui ont soutenu pendant fort longtemps des mouvements terroristes à l’origine de l’état islamique ? Que dire des Etats-Unis qui eux aussi, dans leur temps, ont soutenu des mouvements djihadistes radicaux en Afghanistan (cela s’est d’ailleurs retourné contre eux). L’Iran est-il responsable de l’attaque contre des pétroliers ? C’est possible. On ne le saura peut-être jamais. Mais pourquoi n’envisagerions-nous pas aussi d’autres possibilités : à commencer par des provocations des Etats-Unis. Je sais, vous allez dire que je dis n’importe quoi. Mais les Etats-Unis nous ont habitué par le passé à ce type de provocation : on pourrait citer les fameuses armes chimiques de Saddam Hussein. On pourrait parler de la fausse attaque de vaisseaux militaires américains en 1964 dans le golfe du Tonkin qui avait servi de prétexte à l’administration Johnson pour intensifier le conflit vietnamien. On pourrait aussi envisager une provocation des Etats du Golfe et notamment de l’Arabie Saoudite pour pouvoir ensuite tranquillement accuser les iraniens. Pourquoi pas, même, une provocation d’Israël… Bref, je ne suis pas sûr que l’Iran doit être retenu comme le seul possible responsable de ces attaques.

  3. JMB dit :

    En 1898, l’étincelle de la déclaration de guerre des États-Unis à l’Espagne est l’explosion du navire Maine dans le port de La Havane. Il s’avérera ultérieurement que cette explosion était accidentelle et n’était pas un attentat espagnol. Mais auparavant on aura pu mobiliser l’opinion publique. Lors de cette même période, les États-Unis soutiennent les Philippins qui veulent se libérer du joug espagnol. Les Philippines deviendront une colonie américaine.
    Au XIXème siècle, sous la dynastie Qâjâr, l’Iran se modernise mais devient une paracolonie européenne. Le baron de Reuter obtient une concession pour les chemins de fer, les mines, la banque. Le monopole du tabac est accordé à un autre groupe européen.La Grande Bretagne, maîtresse de l’Inde et l’Empire russe tsariste en expansion vers le Caucase (Rezâ Pahlavi a appartenu à la Légion cosaque) ont un rôle déterminant sur la politique de l’Iran et signeront en 1907 un traité où ils se partagent ce pays en zones d’influence. Dès cette époque, le clergé chiite, conservateur, voit cette évolution d’un mauvais œil, mais les “progressistes” déplorent que la modernisation s’accompagne d’une sujétion de leur pays.
    Dans les suites de la Première guerre mondiale, les Anglais se sont octroyés une place privilégiée sur les ressources pétrolières de l’Iran. En 1951, un Front national fait voter la nationalisation du pétrole. Mossaddeq devient Premier ministre, et utilise des moyens juridiques pour y parvenir. Il déclenche l’hostilité des Britanniques puis des Américains. Les services britanniques n’hésitent pas à inciter les Fedâ’iyân-e eslâm à se soulever contre le Front national (comme les Américains ultérieurement en Afghanistan contre les Soviétiques). Un coup d’État renverse Mossaddeq, Mohammed-Rezâ Shâh, à l’étranger, revient dans les fourgons de la CIA, le discréditant aux yeux des progressistes et des religieux. Ce sont ceux-ci qui l’emporteront.
    NB: L’Iran n’a aucun rôle dans la démission ultérieure de Nixon.
    John Bolton était déjà conseiller de George W. Bush, il était favorable en 2003 à la guerre contre l’Irak possesseur d’armes de destruction massive. Un homme politique fiable incontestablement.

    • Michel de Guibert dit :

      Merci pour ces rappels historiques très intéressants et utiles pour comprendre le « temps long » et les permanences des enjeux.

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