Retraites : plus vite que la musique

Delevoye avec Macron
(Photo AFP)

Le gouvernement envisage de durcir les conditions d’accès à la retraite avant même l’adoption de la réforme que prépare Jean-Paul Delevoye. Il s’agirait d’instaurer une décote pour ceux qui partent à 62 ans et de réaliser ainsi des économies dont les pouvoirs publics ont furieusement besoin.

L’HYPOTHÈSE, annoncée hier par « le Monde » risque d’avoir de sérieuses conséquences politiques. Il se pourrait donc qu’il s’agisse d’un ballon d’essai. Pourquoi le pouvoir prendrait-il un tel risque ? Parce qu’il s’y voit contraint. La Cour des comptes lui reproche déjà le non-financement des 17 milliards qu’il a jetés sur la table pour en finir avec la crise des gilets jaunes ; les perspectives de croissance sont faibles et se traduisent déjà par de moindres recettes de l’État. Or il est clair que la prolongation des carrières professionnelles constitue un puissant moyen d’économiser plusieurs milliards par an. Un salarié qui travaille un an de plus continue à cotiser et ne retire pas un centime des caisses de retraites. La France est donc contrainte d’imiter ses voisins européens qui, à peu près tous, ont allongé les carrières. Dans certains pays, on ne part pas à la retraite avant 65 ans, voire 66 ou 67. En effet, non seulement la longévité des Français augmente, mais la qualité de vie des seniors s’est grandement améliorée.

Drôle de méthode.

Mais le problème vient moins du raisonnement, d’une impeccable logique, que de la méthode. Ce n’était pas la peine de lancer, sous la houlette de M. Delevoye, un immense débat avec les syndicats si on s’apprête à gagner du temps en adoptant arbitrairement les mesures censées figurer dans la réforme et par ailleurs vivement combattues par les partenaires sociaux. Il est même curieux, de ce point de vue, que le gouvernement songe à passer en force, ce qui déclencherait une nouvelle crise sociale. C’est un mouvement de pendule permanent et contradictoire. On éteint le feu des revendications par des largesses. Et quand on s’aperçoit qu’elles coûtent trop cher, on diminue les dépenses sociales. Ce qui me conduit à croire que la tactique du gouvernement, cette fois, n’est pas brutale. Il tente d’habituer l’opinion à des orientations dictées par les contraintes budgétaires et, si la révolte monte, il renoncera peut-être. Il s’agirait plus d’une forme de communication que d’une décision.Toute la politique d’Emmanuel Macron est marquée par cette volonté d ‘accoutumer ses concitoyens à un autre discours et, surtout, à d’autres méthodes. La crise des gilets jaunes semblait avoir balayé le blitzkrieg social de M. Macron, mais voilà qu’il réapparaît dans l’épineux dossiers des retraites.

Le report de l’âge est inéluctable.

En outre, la contradiction est très forte entre le soin, la minutie, le temps qu’a pris M. Delevoye pour imposer aux syndicats quelques idées « neuves » qu’ils récusent et la décision quelque peu capricieuse et soudaine de réforme sans la réforme. Si c’était aussi simple, pourquoi perdre son temps à négocier ? D’autant qu’existe un risque supplémentaire, relatif aux personnes en fin d’activité et auxquelles, si des mesures adaptées à leur situation ne sont pas prises, le gouvernement demandera de rester au travail un ou deux ans de plus (si elles veulent bénéficier de la totalité de leur pension). Depuis des mois, les pouvoirs publics n’ont cessé de répéter que la réforme des retraites ne repousserait pas l’âge du départ. Soudain, le printemps dernier, la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Agnès Buzyn, a déclaré que la prolongation des carrières était une nécessité, mettant M. Delevoye en porte-à-faux. La ministre a pourtant prononcé une vérité absolue. Les Français, tôt ou tard, devront se résigner à travailler plus longtemps, même si des exceptions doivent être prévues pour divers cas particuliers, notamment dans les métiers pénibles.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Retraites : plus vite que la musique

  1. Michel de Guibert dit :

    Merci pour cet excellent article.
    Outre la décote pour ceux qui partiront plus tôt à la retraite et une surcote pour ceux qui prolongeront le travail plus longtemps, il faudra effectivement prévoir des exceptions pour métiers les plus pénibles.

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