Trump : campagne sulfureuse

Ilhan Omar et Rachida Tlaïb
(Photo AFP)

Obsédé par son second mandat, Donald Trump mène contre ses adversaires démocrates une campagne qui sent le soufre. Il vient d’attaquer, en termes peu galants, quatre représentantes venant des minorités et qui, il est vrai, ne l’ont jamais ménagé. Il donne ainsi un tour violent à sa campagne, qui promet coups fourrés et coups de Jarnac.

M. TRUMP s’en est pris notamment à Alexandria Ocasio-Cortez, du Bronx, Rachida Tlaïb de Détroit, Ayanna Pressley de Boston et Ilhan Omar, Somalienne naturalisée américaine, représentante de Minneapolis. Ces quatre femmes sont connues pour s’exprimer librement et au moins l’une d’entre elles, Ilhan Omar, ne mâche pas ses mots quand il s’agit de commenter la politique moyen-orientale du président, qu’elle juge néfaste pour les Palestiniens. Qu’une élue musulmane prenne le parti des Palestiniens n’est nullement surprenant, mais, aux États-Unis, s’aventurer dans ce dossier, c’est soulever (comme en Europe, d’ailleurs) des passions capables d’embraser le débat politique. Le fameux plan stratégique du gendre de Trump, Jared Kushner, est non seulement inapplicable mais rejeté par à peu près toutes les parties, sauf Israël. Grosso modo, il consiste en une contribution économique si énorme des États-Unis au développement de la rive occidentale du Jourdain (50 milliards en dix ans) que les Palestiniens s’en contenteraient. En réalité, ils ne veulent pas de ce plan parce qu’ils ont toujours réclamé un État dans les frontières antérieures à la guerre de 1967. Là où Trump croit les apaiser avec de l’argent, ils exigent leur liberté.

Rallier les Américains juifs.

L’illusion diplomatique de Trump, fondée sur le deal financier, fait peu de cas des antécédents historiques. Il a oublié que, à plusieurs reprises, depuis Oslo et les accords israélo-palestiniens, les deux peuples ont été à deux doigts de la paix. Rabin a été assassiné par un Israélien et, depuis 25 ans, jamais la tension n’a été aussi grande à Gaza et en Cisjordanie. Bien entendu, Benjamin Netanyahu est satisfait du statu quo, mais les Palestiniens, désespérés, refusent d’accorder aux États-Unis le statut de puissance médiatrice qu’elle a effectivement perdu quand ils ont déménagé leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem et avalisé l’annexion du Golan par Israël. Mais, dans ce contexte, que viennent faire les attaques de Trump contre des élues démocrates ? En s’appuyant sur des propos excessifs qu’a prononcés Rachida Tlaïb, s’agissant d’Israël et des Palestiniens, il l’a accusée d’antisémitisme. C’est l’un des coups les plus pervers de sa carrière. Car, effectivement, l’antisémitisme se développe aux États-Unis, ce qui alarme la puissante communauté juive. Les Américains juifs, en grande majorité, votent démocrate. S’ils commencent à partager l’idée qu’au Congrès existent des éléments antisémites, ils risquent de voter Trump pour un second mandat.

Alarmé par les sondages.

Mais nombre d’entre eux savent que le principal responsable du regain d’antisémitisme est Trump lui-même. Pour une raison simple : il a l’art de dresser une communauté contre l’autre. Loin de rassurer les Américains juifs par son plan foireux, il a déchaîné les forces qui le soutiennent, les Américains pauvres et blancs, contre toutes les minorités. Taper sur les Mexicains à longueur de journée, c’est une façon de dire implicitement que les juifs ne valent pas mieux, surtout ceux qui, contrairement à leur gouvernement, contribuent à l’accueil des migrants. Comme chacun sait, Trump n’est jamais à court d’un procédé grossier pour retourner l’opinion en sa faveur. Et il a besoin de réussir : les sondages montrent que, pour le moment, il est battu par quatre des démocrates qui sont candidats à l’investiture de leur parti. Le vote juif n’est pas le plus important, mais il est toujours bon à prendre. Il n’est pas sûr, cependant, que la communauté juive avale l’hameçon. Sur l’immigration, elle a le point de vue des descendants d’immigrés, ceux qui, pendant la Seconde guerre mondiale, voguaient désespérément dans l’océan à la recherche d’un asile parce que Franklin D. Roosevelt ne voulait pas les accueillir. En outre, elle a peu d’affinités avec le socle électoral de Trump, composé de rednecks, familles de la Bible et de la Terre, souvent évangélistes, pour lesquelles le seul statut social, qu’elles sont en train de perdre, est de vivre un peu moins mal que les Noirs ou les Latinos.

Comme en France, l’antisémitisme américain comporte deux branches : la vieille intolérance à l’égard des juifs, soupçonnés de trop bien gagner leur vie, et l’antisémitisme de gauche, allié à, ou séduit par, l’islamisme, ce qui est le cas de Mme Omar, laquelle a commis l’erreur de donner à Trump un os à ronger. Le mal n’est toutefois pas irréparable, car une forte majorité d’Américains juifs critiquent ouvertement la politique de Netanyahu. Ceux-là savent qu’ils votent aux États-Unis et que les problèmes américains ne sont pas moins urgents à régler que ceux du Moyen-Orient.

RICHARD LISCIA

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