La chute de Rugy

François de Rugy
(Photo AFP)

Sans attendre les conclusions des deux enquêtes ordonnées par le Premier ministre sur son cas, François de Rugy a démissionné hier en début d’après-midi de son poste de ministre d’État à la Transition écologique. C’est un nouveau coup dur pour le gouvernement.

LE SITE Médiapart s’apprêtait hier à publier un nouvel article révélant que le ministre avait utilisé, en 2013 et 2014, son indemnité parlementaire pour payer sa cotisation mensuelle à Europe Écologie les Verts, le parti auquel il appartenait. Ce procédé est strictement interdit parce qu’il consiste à défiscaliser deux fois la même somme. En conséquence, les cotisations à un parti politique doivent provenir non pas d’une indemnité mais d’un salaire. Ajoutée aux précédentes informations de Médiapart sur les dîners somptuaires de l’ancien président de l’Assemblée nationale et la réfection de son appartement à l’hôtel de Lassay, cette révélation semble avoir provoqué la démission de M. de Rugy, jugée par Emmanuel Macron comme une décision « personnelle ». En tout cas, elle contraint Édouard Philippe à remanier son gouvernement et elle fait de l’écologie, dossier numéro un dans les préoccupations nationales, une question gérée par intermittence. Le Premier ministre s’est contenté de placer Élisabeth Borne, ministre des Transports, dans le fauteuil de M. de Rugy, mesure ultra-rapide destinée à éviter les commentaires sur les carences du pouvoir, mais qui fait de l’environnement une affaire gérée à la va-vite, d’autant que Mme Borne n’est pas, comme M. de Rugy, ministre d’État.

Coup de grâce.

La chronologie des événements laisser penser que M. de Rugy aurait dû démissionner sans laisser Médiapart lui porter des coups de bélier successifs et, hier, son coup de grâce. Elle démontre, avec une vigueur alarmante que le principe balladurien selon lequel un ministre ne démissionne que s’il est mis en examen est complètement dépassé : non seulement les membres du gouvernement ne sont à l’abri d’une mésaventure que s’ils sont certains de leur intégrité, mais ils ne sauraient compter sur leur appartenance à la majorité pour résister aux assauts de la presse d’investigation. Ce qui, en soi, pose un sérieux problème : la réaction la plus forte des oppositions consiste à démontrer que la  lutte contre le réchauffement climatique n’est même pas défendue par un homme permanent et durable. La mise en œuvre de la loi sur la moralisation publique, qui date de 2017, prend nécessairement du temps. Il n’est pas interdit de  supposer qu’en ciblant un à un les élus ou les membres du gouvernement, la presse qui leur est hostile en fera démissionner d’autres.

On lui prête plus que ce qu’il a.

Le cas de M. de Rugy n’est pas aussi grave que celui de Jérôme Cahuzac ou que celui de François Fillon, même s’il est entendu qu’il aurait cherché à faire  quelques économies et à vivre richement aux frais du contribuable. Le problème vient de ce que rien n’est encore prouvé et qu’on lui a trop vite prêté plus que ce qu’il avait, par exemple dans le cas de l’appartement qu’il loue près de Nantes et pour lequel il paie un loyer conforme à son exiguïté. Touché à plusieurs reprises par les tirs de sniper de Médiapart,  François de Rugy a jeté l’éponge et porté plainte contre sa nemesis. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera pas capable de faire valoir son innocence aux déontologues ou à la justice. Toute l’affaire pose le problème d’une éthique nouvelle qui n’existait pas il y a quelques années, de la crise politique qu’elle provoque et qui déstabilise le gouvernement, même si elle réjouit l’opposition, et de l »adoption universelle par tous les élus d’une éthique inscrite dans les textes et à laquelle ils doivent promptement s’habituer en commençant par se l’appliquer à eux-mêmes. Encore faudrait-il éviter de changer de majorité sans recourir au suffrage universel.

Le RN ferait mieux de se taire.

Les élus du Rassemblement national ont été les premiers à célébrer bruyamment la chute du ministre. Ils semblent oublier que leur parti doit quelques millions à une banque russo-tchèque qui a disparu et qu’ils n’ont pas remboursée, que le RN est poursuivi par la Commission européenne pour des emplois fictifs et que  Marine Le Pen a emprunté plusieurs millions à son père qui réclame leur remboursement par la voie judiciaire. A scandale, scandale et demi. Quoi qu’il en soit, il y en a un qui connaît l’exacte et complète vérité, et c’est François de Rugy. Sa démission résulte peut-être de son accablement, mais elle peut aussi avoir été causée par sa propre conviction qu’il ne pouvait pas rester ministre. Enfin, la vision de l’avenir immédiat telle qu’elle est colportée par la presse est celle du chaos politique. Les précédents ont pourtant démontré que ni l’affaire Benalla, ni la crise des gilets jaunes ne sont parvenues à déstabiliser durablement la macronie.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à La chute de Rugy

  1. JMB dit :

    Après la Seconde guerre mondiale, la délation était vilipendée, avec Internet, elle fait florès et acquiert une respectabilité.
    La modernité consiste le plus souvent à faire passer le curseur d’un extrême à l’autre en dédaignant le point d’équilibre.

  2. LHERBIER dit :

    Pour Médiapart comme pour le peuple, il faut sa ration de viande fraîche.
    Le très léger de Rugy en fait les frais,ces frais que nous payons, nous, les contribuables.
    Allez expliquer ça aux gilets jaunes.

  3. Jovik dit :

    Mais rien n’égale la performance-Guiness de feu Raymond Barre, ce « Français innocent », victime de la bombe à retardement du Canard enchaîné de la semaine passée (du Cahuzac puissance 10).
    Hélas tous ces parvenus ministres, marcheurs ou non, se valent dans leur pose de donneurs de leçons pour autrui. La démission de Rugy est une réaction finalement saine face à la honte d’avoir été découvert les doigts pleins de confiture.

  4. lam van dit :

    Je ne commenterai pas mais lorsque l’on traîne d’anciens boulets au pied il vaut démissionner et surtout ne pas réapparaître. Et mettre un point final à sa soi disant carrière politique !

  5. Num dit :

    Est ce que Le Quotidien du médecin peut rétablir le lien sur la page d’accueil permettant l’accès direct à ce blog ?
    Avec la nouvelle mise en page du site (très réussie, par ailleurs), il est devenu assez complexe d’y accéder.
    Merci !
    Réponse
    Entièrement d’accord. Nous avons changé la maquette de la page d’accueil et lappel du blog sera inséré dans quelques jours. Je vous suggère de faire leblogderihardliscia.fr et vous y êtes. En vous remerciant de votre remarque.
    R.L.

  6. mathieu dit :

    A propos de la toute dernière phrase de cet édito: bien des observateurs et chroniqueurs, lunettes et stylo au ras de l’évènement proclament régulièrement la république en danger et la chute du gouvernement voire du régime (JM Apathie n’a-t-il pas annoncé en décembre la mort politique immédiate d’Edouard Philippe?)… La Vème République, 6 décennies durant, a toujours résisté à la rue, même couverte de gilets!

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