Retraites : coup de théâtre

On repart de zéro
(Photo AFP)

En annonçant lundi soir à la télévision que la réforme des retraites devrait être axée sur la durée des cotisations et non sur l’âge pivot de départ, Emmanuel Macron a voulu lancer une bombe dont il espère que l’effet de souffle apaisera le débat.

LE PRÉSIDENT de la République a déjà touché les dividendes de son intervention. Il s’est subitement rallié la CFDT dont il a trop souvent écarté les propositions ; il a déstabilisé  ceux qui dénonçaient un système purement comptable destiné à faire des économies ; il a soulevé un intérêt qu’il va transformer en vaste discussion nationale, comme il l’a déjà fait au moment de la crise des gilets jaunes. Inutile de donner de savantes explications à ce geste imprévu. M. Macron s’attend à une rentrée difficile et il commence à prendre les dispositions politiques susceptibles d’empêcher une recrudescence des manifestations, du désordre et de la violence.

Paix sociale.

Mais contrairement à ce qui a été dit, il ne renonce nullement à la réforme, ne serait-ce que parce que des cotisations sur une durée plus longue se traduisent par un départ plus tard à la retraite, de la même manière que l’âge de 64 ans permettait de différer ce départ de deux ans. Un travailleur qui reste en activité un mois ou un an de plus, et a fortiori deux ans, est celui qui cotise au système de pensions et n’en retire aucune prestation. La CGT n’a pas manqué de rejeter la nouvelle proposition du chef de l’État. Le patronat, qui a réagi un peu vite, voit, dans la nouvelle idée de M. Macron, non seulement un revirement philosophique, mais une dangereuse initiative capable d’accroître rapidement le déficit des caisses de retraite. Le président, aujourd’hui, semble beaucoup moins s’intéresser aux « paramètres », c’est-à-dire à l’équilibre durable des comptes sociaux et davantage à la paix sociale.

Trouver dix milliards.

Qu’est-ce qui l’a fait changer d’avis ? Le feu protestataire dont les braisent couvent encore ; la nécessité, enfin reconnue et mise en pratique, de consulter les syndicats et de trouver un compromis au moins avec la CFDT ; le besoin, pour l’acte II du quinquennat, de dégager l’espace politique et de permettre au gouvernement de travailler sur ses réformes dans un climat moins tendu. Il n’est pas impossible que la prise de conscience des réalités nationales limite la profondeur de la réforme des retraites. Mais, en principe, M. Macron ne renonce ni à l’unification des régimes, ni à l’abolition des régimes spéciaux, ni à l’équilibre des comptes. L’horizon est chargé : si rien n’est fait, il manquera 10 milliards d’euros au financement des pensions en 2025 et l’évolution démographique du pays ne joue pas en faveur d’une augmentation des recettes (cotisations). On peut tourner l’objet dans tous les sens, il est évident que, en dernier ressort, il faudra trouver de nouveaux moyens de financement qui reposent uniquement sur la prolongation des carrières.

Un habillage politique.

La retraite par points, déjà appliquée pour les cadres depuis très longtemps, est un impératif catégorique, même si les syndicats continuent de s’y opposer farouchement. Ils savent bien en effet que le montant des pensions dépend de la valeur du point, qui n’est pas fixée et à propos de laquelle quelques centimes de plus ou de moins entraîneront soit un excédent, soit un déficit. Le succès de la réforme des retraites sera certes assuré par l’équité pour tous (ce qui menace les régimes spéciaux, inégalitaires dans leur concept même), mais encore plus d’un équilibre général des comptes. M. Macron entend donner à la réforme un habillage qui la rendrait acceptable. Sa stratégie consiste à attirer dans ses rets la CFDT, syndicat réformiste. Cela suffira-t-il à calmer les hordes de protestataires? Rien n’est moins sûr.

RICHARD LISCIA

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