Les lendemains qui déchantent

Restons dignes
(Photo AFP)

Les boudeurs et les grognons trouveront toujours de quoi accabler Emmanuel Macron et se garderont bien de le féliciter pour sa conduite brillante du sommet Occident-Japon. Cependant, pour critiquer le chef de l’État, il faut se placer dans le camp des démagogues.

LE PRÉSIDENT de la République a sauvé les exportations de vin français aux États-Unis et a envisagé avec Donald Trump un compromis sur la taxation des géants du numérique en France. Il a fait venir à Biarritz le ministre iranien des Affaires étrangères, ce qui ouvre un espoir pour une renégociation de l’accord nucléaire avec l’Iran. Il a pris la tête d’un mouvement écologique mondial à la suite des incendies de forêt en Amazone. Il a payé cher son audace diplomatique. Ce matin, le président iranien a demandé aux États-Unis de renoncer à toutes leurs sanctions économiques contre l’Iran s’ils veulent ouvrir des pourparlers avec Téhéran, confondant délibérément les causes et les conséquences de la crise. M. Macron, qui a obtenu du G7 qu’il donne 20 millions de dollars comme contribution à la lutte contre les incendies de forêt en Amazonie,  a été traité de « colonialiste » par l’entourage de Jair Bolsonaro, dont le traitement de l’affaire s’est limité jusqu’à présent à des propos désobligeants sur Brigitte Macron. Hier, sur France 2, Macron, les bras ballants, a dit : « Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Rien. »

Le perdant, c’est le Brésil.

Effectivement, un jeune président élégant et audacieux ne rivalise pas dans l’obscénité avec un voyou parvenu au pouvoir. Il garde son sang-froid et sa hauteur de vues, il reste dans le registre diplomatique et ne se transforme pas en adolescent surexcité qui ne sait prononcer que des grossièretés. Le perdant, ce n’est pas lui, ce sont les Brésiliens qui se sont donné un président odieux dont le pays est tombé dans le caniveau.Les menaces et les insultes n’ont jamais grandi que ceux qui en sont victimes. Il n’y a pas que les Brésiliens à abreuver le président français de sarcasmes : Manon Aubry, ex-chef de liste LFI aux européennes et qui a fait un score dérisoire, n’a pas craint de dénoncer ce matin  le « vide abyssal » du G7 à Biarritz. Ce qui est inquiétant, c’est qu’elle n’a même pas honte de prononcer de telles insanités et que les médias continuent de l’inviter pour qu’elle puisse, impunément, proférer jun discours trompeur et démagogique.

M. Macron a refusé de sombrer dans la culture des vociférations et du scandale, et n’ayant pas l’espoir de convaincre Bolsonaro d’adopter un ton différent, il a clairement souhaité que les Brésiliens se donnent un autre président, ce qui constitue une ingérence autrement plus réelle que celle que le gouvernement brésilien lui reproche sous le prétexte qu’il s’occupe de l’Amazonie. Le nationalisme brésilien, réitéré de la manière la plus outrancière par l’homme qui dirige cet immense pays, relève de la pure absurdité : les frégates françaises n’iront jamais bombarder les côtes brésiliennes, même si Bolsonaro mérite un camouflet.

La recherche acharnée d’un détente.

De sorte que le mérite de Macron, c’est de continuer, dans un monde qui a beaucoup changé depuis que la vulgarité des leaders est acclamée par les opinions, à préconiser les voies et moyens d’une détente internationale. Le gouvernement brésilien ne s’est engagé dans la diplomatie du grotesque que parce qu’il sait que la crise de l’Amazonie est grave, qu’il n’en a pas prévu l’intensité, et que, comme tous les apprentis sorciers, il a livré les forêts aux producteurs agricoles au mépris de toute considération environnementale. Le Brésil, vaste pays largement peuplé, ne manque pas d’experts en écologie et d’esprits cultivés capables de décrire par le menu l’indifférence, l’apathie, la complicité du gouvernement avec les incendiaires. Ce n’est pas Macron qui menace Bolsonaro, ce sera bientôt l’opinion qui l’a installé à la présidence et commence déjà à le regretter. La violence des propos tenus par le président brésilien ou ses acolytes signe une forme de découragement, pour ne pas dire de désespoir.

Ce qui mine le pays.

Je ne crois pas que le courage de Macron, son inventivité, son extraordinaire capacité à donner un contenu important à un rendez-vous international qui, ces dernières années, a montré ses limites, lui vaudront un regain de popularité sur le plan national, même si les propriétaires de vignobles sont rassurés et si les écologistes ne peuvent pas nier sa formidable contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Pour que Yannick Jadot consente à reconnaître que « Macron a bien fait » d’alerter le monde sur la tragédie brésilienne, il a fallu pratiquement lui arracher les mots. La campagne des municipales et l’illusion nourrie par M. Jadot à propos d’une très éventuelle victoire des Verts en 2020 lui interdisent la moindre objectivité. C’est bien dommage. Ce qui mine notre pays, ce sont non seulement des divisions sur sa gestion mais des prises de position de principe dont ne s’écartent pas ceux qui veulent battre l’adversaire à tout prix. Alors qu’il eût été plus sage d’admettre qu’on peut appliquer une politique écologique sérieuse avec le pouvoir actuel.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Les lendemains qui déchantent

  1. Michel de Guibert dit :

    Pleinement d’accord avec votre article sauf sur un point : ce sont bien la remise en cause par les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran et les lourdes sanctions économiques contre l’Iran qui ont rouvert la crise.
    Réponse
    Avant la signature de l’accord, en 2014, la France avait émis des réserves sur son contenu et Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères avait couru à Genève pour en modifier les termes, ce qui nous a valu la très mauvaise humeur des Iraniens. Théocratie gouvernée par des religieux, l’Iran est un pays extrêmement dangereux. Le fait que Trump ait « rouvert » la crise n’empêche pas l’Iran de développer ses moyens militaires, avec ou sans accord.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      Laurent Fabius, c’est bien ce ministre des Affaires étrangères qui disait en décembre 2012 que le Front al-Nosra (branche syrienne de Al-Qaïda) « faisait du bon boulot » en Syrie…

  2. LAKDJA dit :

    Je partage votre avis sur le président sud américain.
    J’oserais avancer que celui-ci ne saurait jamais devenir un grand homme brésilien étant à ce point si mal élevé.

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