Macron-Poutine : l’idylle

Le marchandage est possible
(Photo AFP)

Tout le monde perçoit les limites des efforts diplomatiques d’Emmanuel Macron en direction de la Russie. Il se trouve pourtant que le président de la République, qui ne s’est pas ménagé en août, a déjà obtenu des résultats.

BIEN ENTENDU, le nouveau climat de guerre froide qui s’est instauré entre Moscou et les pays occidentaux n’autorise pas l’optimisme. La Russie ne cesse, depuis plusieurs années, de provoquer l’OTAN en envoyant ses avions voler au-dessus des navires de guerre occidentaux et en s’ingérant grossièrement dans les processus électoraux américains ou européens. À défaut d’une explication militaire que personne n’aurait pu maîtriser, Emmanuel Macron tente la manière douce. Il a donc invité Vladimir Poutine à Brégançon pendant le mois d’août, juste avant le G7 de Biarritz, ce qui traduit la volonté du président français de rendre à la Russie  l’importance diplomatique qu’elle avait par le passé en Europe et dans le monde et que lui nient aujourd’hui bon nombre de pays industrialisés.

Un échange de prisonniers.

En même temps, personne ne peut croire que, en dépit des multiples nuisances imaginées par Poutine, l’OTAN devrait riposter sur le plan militaire. Cela ferait beaucoup de morts pour un résultat plus qu’incertain, sans compter les conséquences négatives d’un conflit qui resteraient accablantes pendant des décennies. Il reste curieux que le chef de l’État ait pris l’initiative d’inviter Poutine alors que les pays de l’Union européenne ont mis la Russie sous embargo, ce qui affaiblit certainement son potentiel économique et même le niveau de vie des Russes, mais n’a rien changé à ses interventions militaires en Géorgie, puis en Ukraine et à l’annexion de la Crimée par l’armée russe. Positif comme pas un, M. Macron a tenté de dépasser tout ce qui nous oppose à la Russie et notamment son ignorance délibérée du droit international, et de dialoguer avec M. Poutine sur les questions auxquelles des réponses conjointes peuvent être apportées. On pouvait se montrer sceptique au lendemain des entretiens de Brégançon, on ne l’est plus depuis que, samedi dernier, un échange de prisonniers a eu lieu entre la Russie et l’Ukraine. Auparavant, M. Macron avait reçu le nouveau et jeune président de l’Ukraine, Volodymyr Zelenski, peut-être plus réaliste que son prédécesseur, M. Porochenko.

Un début de détente.

Il est impossible de négliger un événement qui apporte un début de détente inespéré. Ce qui ne veut pas dire que M. Poutine mettra fin à l’annexion de la Crimée, mais l’espoir existe maintenant d’une évacuation du Donbass, territoire oriental de l’Ukraine, par les milices que la Russie y a installées. Ce n’est pas un résultat négligeable. Toutefois, ce début de détente restera difficile à confirmer. S’il est déjà clair que la Crimée ne sera jamais rendue à l’Ukraine, la récupération du Donbass par Kiev semble tout à fait possible. Le vrai problème est moins le régime russe que ces gouvernements de l’Union européenne qui ne sont pas tous d’accord avec la politique de dialogue inaugurée par M. Macron. D’autant que M. Poutine est un partenaire retors qui n’aurait aucun scrupule à rester au Donbass après avoir juré qu’il le quitterait.

Vingt ans de pouvoir.

En se lançant dans la « diplomatie du dialogue », le président de la République a montré aux 27 qu’il entendait faire bouger les lignes au moment où l’apathie allemande empêche tout progrès en Europe. Il s’est affirmé comme un diplomate de premier plan et il est soutenu par une minorité de Français qui considèrent qu’il vaut mieux traiter avec les Russes qu’avec les Américains. Une chose est sûre : Poutine écoute Macron et la Russie n’est pas dans un état économique si brillant qu’elle ne soit pas tentée de saisir une occasion d’engager un processus conduisant à la levée des sanctions européennes qui la font beaucoup souffrir. Les pays limitrophes de la Russie, les États baltes, l’Ukraine et d’autres ne sont pas enthousiasmés par l’approche de Macron car ils estiment que, en échange de la suppression des sanctions, M. Poutine n’a pas grand-chose à leur offrir et que, au fond de lui-même, il n’a jamais renoncé à l’hégémonie de Moscou sur la moitié de l’Europe.  Ils n’ont pas tort, mais les récentes élections partielles en Russie viennent de montrer que Vladimir Poutine, qui a déjà passé vingt ans au pouvoir, ce qui lessiverait n’importe quel politicien,  se situe maintenant sur le versant du déclin et que viendra bientôt un moment où il préférera faire des concessions que de perdre sa place.

RICHARD LISCIA

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