Mélenchon tel qu’en lui-même

Mélenchon aujourd’hui à Bobigny
(Photo AFP)

Qu’est-ce que nous ferions tous si des policiers et des juges débarquaient à notre domicile pour perquisitionner ? Nous protesterions de notre innocence, mais nous ne ferions pas, devant la porte d’entrée, barrage de notre corps. C’est pourtant ce que Jean-Luc Mélenchon a fait, le 16 octobre 2018. Cela ne lui a pas valu que des compliments.

SI LE procès ouvert hier contre lui et cinq membres de son parti, la France insoumise, se déroule, heureusement, dans le calme, M. Mélenchon n’est pas venu au tribunal pour fumer le calumet de la paix. Poursuivi par ceux-là même qui ont perquisitionné dans ses bureaux et chez lui, il fonde sa défense sur une accusation, lancée à la cantonade, de « procès politique ». On sait bien qu’il ne mesure jamais ses mots, sans quoi il ne serait pas l’éloquent tribun que nous connaissons. Mais cette idée qui l’obsède, à savoir que la République, celle de François Hollande, puis d’Emmanuel Macron, s’emploie à le détruire, est partout dans son discours. Sa charge est tellement énorme que l’on devine sans difficultés qu’il sera condamné car il n’a pas d’autres arguments à faire valoir ;  et celui qu’il invoque, grossier et mensonger, est un produit d’importation. Il a rencontré Lula dans sa prison brésilienne, il est allé voir Nicola Maduro au Venezuela. Il voit, évidemment, dans le premier la victime d’un pouvoir arbitraire qui n’a emprisonné son ex-président que pour le soustraire aux élections. Et dans le second,  il trouve l’imperturbable continuateur du chavisme, l’homme qui porte les espoirs de tous les peuples, un mur dressé contre l’impérialisme, l’exemple même du désintéressement et de la générosité.

Un personnage de Feydeau.

En conséquence, s’il se retrouve à la barre, lui, le héros de l’extrême gauche, c’est uniquement parce qu’il dérange un pouvoir « bourgeois » épouvanté par la perspective d’un Mélenchon élu président de la République. Dieu sait que l’on nous a rebattu les oreilles avec le talent de Mélenchon, son art oratoire, sa culture, sa manière d’électrifier les foules ; mais comment un homme aussi intelligent peut-il croire aussi profondément à de telles billevesées ? Il me semble que le caractère, bien plus que le savoir, est ce qui définit un homme ou une femme politique. M. Mélenchon est gouverné par ses pulsions, qui le conduisent immanquablement vers l’outrance. Sa prestation du 16 octobre 2018, abondamment filmée, ne l’a pas seulement exposé à l’application de la loi, elle l’a couvert de ridicule. Ce pantin atrabilaire, drapé dans son écharpe tricolore, qui déclarait aux policiers : « La République, c’est moi ! », était infiniment plus un personnage de Feydeau que de Shakespeare.

Rage et effroi.

Au risque de tomber dans la psychologie de pacotille, j’expliquerai bien sa colère de l’an dernier comme le produit de ses inébranlables convictions quant à la nature des démocraties. Tous pourris, en quelque sorte. Sauf lui.  Convictions assorties d’un narcissisme que certes il partage à peu près avec tous les hommes politiques mais qui est teinté, chez lui, par le sentiment que son immense intégrité lui confère le privilège de n’être pas un justiciable comme les autres. Dans sa rage, il y avait de l’effroi : non seulement il est la République, mais, semblait-il dire à des interlocuteurs (qui ont porté plainte) :« Grands dieux ! C’est de moi qu’il s’agit, de Mélenchon. Et je suis dans un temple sacré, vous n’avez pas le droit d’y pénétrer. » En d’autres termes, il ne saurait y avoir la moindre part de vérité dans ce que proposent les autres partis et c’est la raison pour laquelle il n’a pas poursuivi son chemin avec le parti communiste. Nous serions dans une sorte de pays factice, et il a tenté de le démontrer en jouant une opérette. Comme en plus il ne se sert guère des nuances, pourtant très utiles à l’expression d’une idée subtile en bon français, ceux qui ne sont pas avec lui sont automatiquement contre lui.

Je ne sais pas si la forme sévère d’intolérance dont il souffre lui aura coûté une grande fin de carrière, mais les sondages montrent que l’opinion française ne voit plus en lui un recours, ni même un homme politique qui mérite le respect. À répandre son mépris sur ceux qui prennent le risque de croiser son chemin et qu’il traite comme des petits et des sans-grade, il a cessé de plaire. Pire, il fait peur. Il aurait conservé l’affection du peuple, ce peuple au nom duquel se construisent tant de dictatures, s’il lui en avait donné un peu.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Mélenchon tel qu’en lui-même

  1. Alan dit :

    Je ne comprends pas que quelqu’un qui défend, en 2019, Maduro, puisse encore être considéré comme un homme politique en France. C’est monstrueux pour tous ou presque tous les pays d’Amérique Latine, mais les Français sont les derniers à s’en apercevoir.

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