Trump : incorrigible

Nancy Pelosi
(Photo AFP)

Un agent américain du renseignement affirme, enregistrement à l’appui, que Donald Trump a eu une conversation téléphonique avec le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelenski, au cours de laquelle il a demandé des informations sur le fils du candidat démocrate à la présidence, Joe Biden. Hunter Biden travaille en effet en Ukraine.

LA MAISON BLANCHE s’est empressée de publier la transcription de la conversation qui, selon elle, ne contenait aucune pression sur M. Zelensky, auquel M. Trump vient de livrer des armes. « C’est une blague », a commenté M. Trump. Nancy Pelosi, qui dirige la majorité démocrate au Sénat, a créé une commission d’enquête qui entendra au premier chef le lanceur d’alerte, un agent secret américain qui tient à garder l’anonymat.  L’appel téléphonique lancé au président ukrainien incrimine de toute façon M. Trump. La loi lui interdit de discuter de la famille d’un adversaire politique, par ailleurs bien placé pour gagner les primaires, en pleine campagne électorale. Ce n’est pas la première fois que le président des États-Unis viole la loi. Il a toujours refusé de publier ses déclarations fiscales alors qu’il y est théoriquement contraint, une vidéo témoigne de son machisme, les procédés utilisés par sa campagne pour affaiblir Hillary Clinton en 2016 étaient inacceptables et hors-la-loi.

La destitution est improbable.

Maintenant qu’elle est lancée, l’enquête suivra son cours. Elle renforcera sans aucun doute les électeurs démocrates dans leur détermination à écarter Donald Trump du pouvoir. Mais elle va galvaniser les électeurs républicains qui refuseront de réclamer un autre candidat pour leur camp. La réputation sulfureuse du président n’a jamais affaibli l’enthousiasme de ses électeurs. En se faisant élire en 2016, il a aussi conquis son parti dont de nombreux élus ont tenté, mais en vain, de lui barrer la route. Tant que l’économie est en forme, tant que le plein emploi demeure, tant que sa cote de popularité (43 %) ne baisse pas, les démocrates n’ont aucune chance de le destituer, tout simplement parce qu’ils n’ont pas la majorité requise des deux-tiers (67 élus) au Sénat. En effet si c’est la chambre des représentants qui amorce la procédure de destitution, il revient aux sénateurs de la voter. Pour Bill Clinton en 1998 et pour Andrew Jackson en 1868, on a dit que ces deux présidents en exercice avaient été empêchés, mais le mot ne signifie pas qu’ils ont été révoqués, il veut dire qu’ils ont subi la procédure exceptionnelle qu’est l’impeachment. Ils s’en sont sortis tous les deux. Quant à Richard Nixon, il a démissionné et il ne l’a fait que parce qu’il y avait clairement une majorité suffisante au Sénat pour le destituer.

Les turpitudes d’un président.

Toutefois, cette nouvelle affaire ukrainienne montre que le président Trump est incorrigible et que son comportement est dévoyé en permanence. Il se présente comme un homme d’affaires spécialisé dans le deal, mais en fait il n’hésite jamais à gagner une partie en recourant à des méthodes répréhensibles, dépourvues de tout scrupule et en définitive totalement illégales. Je ne crois pas que Mme Pelosi, vieille routière de la politique, ait vraiment conçu un projet pour démolir Trump avant les élections de novembre 2020. Il me semble plutôt qu’elle veut que l’opinion sache de manière détaillée et argumentée quel genre de type est M. Trump. Il n’a pas la carrure morale pour diriger le pays le plus puissant du monde ; sa gestion de l’économie finira pas provoquer une bulle financière et une crise ; il ne tire jamais la leçon de ses échecs et n’hésite pas à demander de l’aide à un chef d’État étranger pour qu’il apporte sa contribution à la défaite électorale de son principal adversaire. Il continue donc à se croire tout-puissant et au-dessus des lois, alors que tout président américain est enserré dans un maillage de lois et de règles qu’il doit respecter à tout prix. Même les républicains, même les électeurs les plus dévoués à Trump finiront par se poser des questions sur l’éthique de leur idole.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Trump : incorrigible

  1. Laurent Liscia dit :

    La destitution est impossible (elle le fut à l’époque de Clinton); l’impeachment est possible – et je ne suis pas sûr que les démocrates y parviennent. Nancy Pelosi a réussi à contenir ses troupes jusqu’ici, malgré le rapport Mueller qui selon bon nombre de démocrates suffirait à couler la presidence Trump ; mais la conversation ukrainienne, c’est la fameuse goutte d’eau. Je suis d’accord pour dire que les républicains seront galvanisés, puisque le débat ne porte plus sur le fond. Mais il n’est pas impossible que l’électorat de gauche modéré soit galvanisé également.

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