La taxe fantôme

Il y a plusieurs vérités
(Photo AFP)

Muriel Pénicaud, ministre du Travail, avait annoncé que les séniors de plus de 70 ans qui emploient une personne à domicile devraient dorénavant payer les cotisations sociales liées à l’embauche de cette personne. Un vent de fronde a traversé la majorité. La taxe n’a pas duré 24 heures. Hier, le Premier ministre a supprimé le projet.

CE N’EST PAS la première volte-face du gouvernement en matière fiscale. Ce n’est pas non plus une technique de gestion nouvelle. Tout gouvernement, avant d’enfoncer une couleuvre dans la gorge de l’opinion, se croit obligé de lancer d’abord un ballon d’essai, pour tâter le terrain avant que ne se produisent manifestations ou émeutes. Le gouvernement de M. Philippe affronte la rentrée avec courage : il n’a pas vraiment jugulé le mouvement des gilets jaunes et la CGT et FO sont bien décidées à démanteler une réforme des retraites qui a donné lieu, déjà, à des centaines d’annonces et de contre-annonces. La répétition de cette procédure aidant, il est possible qu’elle n’inspire plus qu’indifférence à l’opinion. Mais là, en pleine campagne des municipales, c’est la majorité qui s’est révoltée. En définitive, le paiement des cotisations par les retraités de plus de 70 ans ne rapporterait au fisc qu’une modeste recette (moins de 300 millions) et, bien entendu, il les encouragera à quitter leur domicile pour aller vivre dans une résidence collective. Ce qui ne serait pas souhaitable.

Un discours confus.

Pourquoi la communication entre les divers services de l’État n’a-t-elle pas fonctionné ? Pourquoi les arguments contre l’adoption des cotisations n’a-t-elle pas été préalablement évoquée ? À qui servent ces allers-retours décisionnels sinon à déclencher confusion, divisions et rancune ? On souhaiterait presque, en observant l’hésitation permanente du Premier ministre, qu’il nous fasse un discours philosophique sur la multiplicité des vérités et la difficulté d’en adopter une qui, une fois prise au nom du bon sens fiscal, se révèlerait délétère sur le plan politique. On retrouve les doutes métaphysiques du chef du gouvernement dans un discours parfois un peu confus inspiré par Pirandello : à chacun sa vérité, celle de Mme Pénicaud n’étant pas nécessairement celle de toute la majorité.

Une taxe qui baisse.

L’état d’esprit de la nouvelle loi qui va régir le fonctionnement de l’audiovisuel public est du même tabac. L’opinion et les élus craignent qu’elle renforce l’autorité de l’État sur le contenu des programmes, ce que je ne crois pas. Mais on trouve dans le texte une disposition qui est bien bonne : la taxe télé va baisser dans le prochain budget parce que la recette fiscale est excessive. Si, les années suivantes, la taxe se révèle insuffisante, eh bien, c’est simple, on l’augmentera. Une bonne nouvelle en cache donc une mauvaise. L’exécutif a forcé l’audiovisuel public à faire des économies pendant deux ans. Le résultat, c’est la baisse de qualité des programmes et, surtout, la répétition des programmes déjà diffusés. Il n’était pas absurde de consacrer le surplus de recettes fiscales à quelques émissions intéressantes pour l’été, saison sinistrée pour la télévision. J’accompagne Édouard Philippe dans le cheminement de sa pensée nuageuse. Aucune décision n’est forcément bonne. En revanche, il est impératif que toutes les décisions aient une cohérence, qu’elle forment un tout et un bloc. Le Premier ministre douterait moins de ce qu’il fait s’il était plus libre. Il subit les initiatives de ses ministres et les caprices de son président. À tous, un message unique : accordez vos violons.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à La taxe fantôme

  1. Laurent Liscia dit :

    D’accord pour parler de stratégie politique. En quoi cette taxe s’inscrit-elle dans une stratégie? Et quel est le message? Si le but est l’équilibre des comptes, il faut commencer par les problèmes structurels.

  2. Picot dit :

    Je ne suis pas sûr que les violons soient si désaccordés que ça. Comme vous le dites très justement c’était probablement un ballon d’essai. Si ce n’est pas le cas ils viennent de démontrer leur amateurisme.
    Réponse
    L’essentiel étant, n’est-pas ? que l’on dise du mal d’EUX.
    R.L.

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