Israël : ingouvernable

Benny Gantz
(Photo AFP)

Benjamin Netanyahu a renoncé à former un gouvernement de coalition, plus d’un mois après avoir été pressenti par le président d’Israël, Reuben Revlin, pour un nouveau mandat. Il appartient donc à l’opposition centriste « Blanc-Bleu », dirigée par Benny Gantz, ancien chef d’état-major, de prendre le relais.

M. NETANYAHU fait à M. Gantz un cadeau empoisonné. S’il est vrai qu’en voix la coalition « Banc-Bleu » dépasse légèrement le score du Likoud de l’actuel Premier ministre, elle n’est pas vraiment en mesure de rallier assez de suffrages parlementaires pour créer une majorité alternative. Sans doute une partie de la population israélienne est-elle lassée par la longévité politique de M. Netanyahu, mais le Likoud reste le mouvement dominant en Israël et a plus d’affinités avec les petits partis religieux et les anciens membres de sa coalition,  comme Avigdor Liebermann, que Benny Gantz. Celui-ci a refusé tout net de collaborer avec le Likoud. Il pense que son isolement est vertueux alors qu’une coopération avec la droite et l’ultra-droite le contraindrait à faire de fatales concessions.

Gantz ne peut pas faire plus.

Il ne s’agit pas seulement, pour Gantz, d’un problème moral. Certes, il n’espérait pas arriver en tête du résultat des élections législatives. Mais la fraction du peuple qu’il représente correspond à son étiage maximal. Il aura beaucoup de mal à trouver  de nouveaux compagnons de route. Liebermann, avec ses quinze sièges peut être considéré comme plus dur, sur le plan politique, que le Likoud. Il est bien peu probable qu’il consente à s’allier à Gantz. Mais en Israël, les combines et compositions hardies ne sont pas rares, elles sont surtout plus importantes que les dossiers à traiter. Du côté des Israéliens arabes qui disposent de onze sièges, il n’y a pas grand-chose à attendre. Ils sont ravis de ce que Netanyahu ait essuyé un échec historique, mais ils n’accepteraient d’entrer au gouvernement qu’en échange d’engagements substantiels de « Blanc-Bleu », engagements qui ne font pas partie des promesses de campagne de Gantz. Tout se passe comme si le problème essentiel et vital des Israéliens, le sort des Palestiniens, ne compte pas dans le ballet des consultations.

On notera néanmoins qu’il y a, depuis la campagne électorale, un non-dit qui peut se révéler dans les semaines qui viennent. Malheureusement, ce non-dit ne porte que sur des nuances et des dossiers secondaires, comme les étudiants de la Torah qui ne font pas leur service militaire, alors que tous les autres sont contraints de donner du temps à l’armée : trois ans pour les garçons et deux pour les filles. M. Gantz est assuré de ne pas obtenir le moindre changement dans ce domaine s’il s’allie aux partis religieux qui sont, comme on sait, les plus durs sur la question des territoires. De la même manière, si Benny Gantz faisait mine de dialoguer avec les députés arabes, il encourrait les pires réactions de la population.

Le déni de crise.

M. Netanyahu sait tout cela et la situation n’est pas inconfortable pour lui, même si la crise souligne la dimension de sa défaite. Il continue à gouverner et donc à expédier les affaires courantes, pendant que M. Gantz cherche une majorité introuvable. Le président Rivlin risque de devoir annoncer de nouvelles élections, les troisièmes en un an, ce qui serait le comble  du ridicule pour une démocratie qui, du point de vue des Israéliens, fonctionne bien.  Israël est victime d’un double handicap : le premier est son système électoral, qui a été amendé, mais qui repose tout de même sur le scrutin proportionnel. Ce système a créé une foule de partis représentés à le Knesset (Parlement) qui parlent tous des langages différents, comme dans la tour de Babel. C’est ce système qui, à la demande de François Bayrou, va être introduit en France, dans le cadre de la réforme constitutionnelle. À mon sens, il s’agit d’une initiative calamiteuse. Le second handicap, c’est le déni de la crise israélo-palestinienne. Elle est d’une intensité accablante, lourde d’un passé sanglant (dans lequel la violence palestinienne a elle aussi joué son rôle), elle nécessite un Premier ministre israélien courageux qui prenne le taureau par les cornes, invente un nouveau langage, dépasse les criailleries de partis minuscules qui font la loi, et fasse aux Palestiniens une offre sincère, pourvu qu’ils la prennent au sérieux.

M. Gantz est peut-être plus subtil qu’il n’en a l’air, mais a-t-il la carrure pour un tournant historique ? Aurait-il le soutien d’un peuple, obsédé, et à bon droit, par sa sécurité ? Israël a-t-il encore des alliés, sachant que M. Trump trahit allègrement ses meilleurs amis quand ça lui chante ? Pour l’État juif, il faut un visionnaire, comme Peres, comme Rabin, assassiné parce qu’il avait tendu la main aux Palestiniens. À quoi il faut ajouter que, face à Israël, Mahmoud Abbas ne fait pas le poids, tandis que le Hamas, qui tient toujours Gaza, ne songe qu’à la guerre. Cela ressemble à l’un de ces problèmes que les plus grands mathématiciens du monde n’ont pas encore résolus.

RICHARD LISCIA

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