Le masochisme de la majorité

Guy Bricout
(Photo AFP)

Une proposition de loi pour l’allongement de cinq à douze jours du congé de deuil accordé à un parent qui vient de perdre un enfant a été rejetée par l’Assemblée nationale jeudi dernier, ce qui s’est traduit en quelques jours par une énorme polémique. La majorité a été fustigée une fois de plus par l’opposition.

COMPTE TENU de la sévérité de la querelle, on me pardonnera de ne pas l’avoir évoquée plus tôt, mais, comme d’autres, je n’ai pas vu le coup venir. Jeudi dernier, il y a eu moins d’une centaine de députés  pour s’exprimer sur le sujet et c’est par une différence de deux voix que la proposition de loi de Guy Bricout (UDI-Agir)  a été rejetée. Nombre sont ceux qui, ensuite, ont jugé la polémique excessive, peut-être parce qu’ils ont vaguement pensé qu’un parent qui perd son enfant a tous les droits et qu’il n’y a pas d’entreprises assez sotte pour le contraindre à revenir travailler au bout de cinq jours seulement. Cependant, si la loi dit cinq jours, beaucoup de patrons, encore plus bêtes que des élus, s’y conforment probablement. L’idée de M. Bricout n’était donc pas absurde, loin de là. Tout juste peut-on déceler dans cette volonté de l’État de contrôler en toute circonstance la vie des familles, notamment par le biais des prestations sociales, une forme d’autoritarisme là où la politique devrait rester à la porte du foyer.

La remarque de Ruffin.

Ministre du Travail, Muriel Pénicaud est à l’origine du scandale. Les députés de la République en marche ont voté comme un seul homme, sous la pression de son mot d’ordre. Elle a stupidement mentionné la nécessité pour les entreprises de juguler leurs frais généraux. Il paraît qu’il s’agit de quelques millions d’euros par an. Il valait mieux les dépenser et éviter le torrent d’accusations sur l’inhumanité, le cynisme, l’avarice, la rigueur comptable du gouvernement. Bien entendu, on pouvait s’attendre à ce que les mêmes jouent leur comédie habituelle, en roulant de gros yeux et en suffoquant publiquement d’indignation, et en voyant, dans cette affaire, le signe d’un effondrement de nos « valeurs ». C’était, en quelque sorte, la France en perdition, l’invasion par les nazis, le passage au pétainisme. François Ruffin, de la France insoumise, saltimbanque en chef des députés mélenchonistes, a dit pour une fois quelque chose de très juste : « Jamais je n’aurais cru que, sur un tel sujet, il n’y aurait pas un consensus absolu. Même eux auraient dû voter oui », a-t-il dit en substance.

Le Sénat corrigera le tir.

La majorité, mal partie pour les municipales,  étouffée par sa réforme des retraites, condamnée pour toutes sortes d’actes, y compris les actes utiles, aurait dû y réfléchir à deux fois. Elle ne peut plus se permettre un regain d’impopularité. Les coups peuvent venir de n’importe où et à propos de n’importe quoi. Il se produit assez de fausses batailles, parfois fondées sur des mensonges, pour qu’elle cherche des verges et se faire fouetter. Il y aura une solution puisque, en mars, le Sénat corrigera le tir. Mais voilà encore une histoire qui s’ajoute au passif de la REM et de Macron. Le délire anti-macroniste qui a gagné tant de citoyens et d’élus fait qu’on ne distingue plus entre les accusations mensongères et les critiques valables. En l’occurrence, l’évocation d’un drame humain particulièrement cruel a donné lieu au même tir de barrage qu’une de ces peccadilles dont on fait une montagne. Si l’affaire révèle l’inconscience de la majorité, elle montre aussi combien  la pratique du réquisitoire est vainement fréquente.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le masochisme de la majorité

  1. vultaggio-lucas dit :

    Le masochisme est la recherche du plaisir dans la douleur, donc la majorité REM ne l’est pas. Il semblerait qu’elle ait plutôt tendance à jouir du malheur des autres, dans le cas présent du décès d’un enfant, en refusant aux parents des jours de congé supplémentaires aux cinq accordés actuellement. Certes 12 jours au lieu de 5 ne permettront pas de soulager la peine d’un parent dont l’enfant est mort. Mais affirmer, par exemple, comme la députée REM du Var, Sereine Mauborgne, qu’il ne faut pas tomber dans «la facilité de faire payer les entreprises » ou selon la députée REM de Paris, Olivia Grégoire, que les députés REM vont proposer entre autres réparations à leur erreur « la création notamment d’un fonds qui viendrait accompagner les parents en difficultés », il semble qu’il ne s’agisse bien que d’une affaire de gros sous…et non de psychologie appliquée et encore moins d’humanisme. Cette « petite » affaire a priori, mais qui touche à un évènement dramatique dans la vie d’une famille, est malheureusement symptomatique de la mission dévolue à ce président de la République, à son gouvernement et ses élu(e)s à l’Assemblée nationale.

    Réponse
    C’est bien sûr du masochisme, même si l’équilibre des comptes a été le premier souci des fautifs. Merci pour une leçon d’humanisme que personne n’a sollicitée.
    R.L.

  2. martinez dit :

    On peut parler de maladresse, de masochisme, sans parler du fond mais juste au regard de ce qui s’est passé, et au vu d’épisodes antérieurs, quelles que soient leur compétences purement techniques, il est temps de penser que nous sommes gouvernés par des imbéciles.

    Réponse
    Possible. Mais les gouvernés, parfois, ne sont pas moins imbéciles.
    R. L.

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